Des missions d’explications et de négociation à l’étranger après l’échec du dialogue entre des membres du gouvernement et des leaders du Consortium de la société civile du Cameroun anglophone, des arrestations arbitraires complexifient et perpétuent une crise devenue une épine aux pieds du régime.
Ce serait proprement un doux euphémisme que d’affirmer que les parties prenantes de la crise qui secoue les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest se radicalisent. D’un côté, les leaders du Consortium de la société civile du Cameroun anglophone durcissent le ton et annoncent pour le 14 août courant la reprise de la désobéissance civile baptisée « opérations villes mortes ».
Bien plus, les activistes du Cacsc, font savoir qu’il n’y aura pas de rentrée scolaire programmée en septembre 2017. Le spectre de l’année blanche évitée de justesse l’année dernière plane encore sur la formation des millions d’enfants qui ne savent plus à quel saint se vouer.
C’est dans ce contexte, que le gouvernement au lieu de créer des conditions d’un dialogue national franc autour des problèmes soulevés par les avocats et les enseignants en octobre 2016, a plutôt missionné des émissaires aux Usa, en Belgique et en Afrique du Sud afin qu’ils expliquent l’origine de la crise anglophone, déclinent les mesures prises par le gouvernement de la République à l’effet de remédier à la situation.
Au demeurant, l’observateur de la scène politique national peut se rendre à l’évidence que le régime de Yaoundé a fait des concessions aux termes de plusieurs concertations et réunions des comités interministériels mis sur pied pour résorber cette crise. De ce point de vue, l’on peut se féliciter de la création de la Commission nationale pour la promotion du multiculturalisme et du bilinguisme pilotée par l’ex-Premier ministre, sénateur démissionnaire.
Grand chancelier des ordres nationaux, Peter Mafany Musonge, alors qu’il n’y a pas de problème de multiculturalisme soulevé par les anglophones, la création d’une section anglophone à la Cour suprême, l’introduction du Common law dans les cycles de formation à l’Enam et bien d’autres.
Déclaration de guerre
A côté de ces mesures saluées par l’opinion nationale et internationale, il reste que ce même gouvernement aura brillé aussi par des prises de position de nature à jeter de l’huile sur le feu d’une situation conflictuelle qui aura trop duré. D’abord la décision du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation de suspendre le Scnc et le Cacsc intervenue en janvier 2017.
«Sont et demeurent interdites sur toute l’étendue du territoire national, toutes activités, réunions et manifestations initiées ou soutenues par le Scnc, le Cacsc, tout groupement apparenté ou poursuivant un but similaire ou par toute autre personne s’en réclamant» écrivait alors Réné Emmanuel Sadi. Ainsi le Southern Cameroons national council (Scnc) et le Cameroon anglophone civil society consortium (Cacsc) sont désormais personae non grata dans le triangle national.
Le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), Réné Emmanuel Sadi, jusque-là inaudible et invisible dans la gestion de la crise anglophone qui s’enlise et ne prête d’ailleurs pas au moindre optimisme, faisait alors une entrée en scène des plus tonitruantes et pour le moins belliqueuse.
Il est impensable que le gouvernement se montre surpris d’avoir «dealé», négocié avec des personnes représentant des structures qui n’ont aucune base légale et dépouillées de toute légitimité. Les concessions du gouvernement, les multiples réunions des comités aussi bien à Bamenda qu’à Yaoundé n’étaient que de la poudre aux yeux ? L’arrêté du Minatd n’aura été ni plus, ni moins qu’une déclaration de guerre. A côté de ce fait d’arme, le régime de Yaoundé après avoir décidé de rétablir la connexion Internet coupée durant des mois dans ces régions, s’est refusé de créer des conditions d’une détente dans cette crise qui s’enlise.
Pour ne pas arranger les choses, des arrestations arbitraires ont été perpétrées sur des citoyens toujours embastillés au mépris de leurs droits. Des leaders anglophones avaient exigé pour ainsi dire, la libération de leurs camarades arrêtés et emprisonnés au mépris de la Loi, la démilitarisation des villes de Buea, Bamenda, Mamfé, Kumba et autres.
Tomates pourries
Toutes choses qui auraient permis aux tenants de la désobéissance civile de verser de l’eau dans leur vin et de revenir à de meilleurs sentiments. Mais le gouvernement de la République a opté pour la parade de ses thuriféraires pour expliquer l’inexplicable, au lieu de renouer le fil du dialogue en interne, le régime du Renouveau a choisi la gesticulation diplomatique aux frais des contribuables.
Sans surprise, ces émissaires parmi lesquels Laurent Esso, ministre d’Etat dépêché avec le Minrex, Lejeune Mbella Mbella en Belgique, Dion Nguté en Afrique du sud, Ghoghomu Mingo, directeur du Cabinet du Pm, Elvis Ngolle Ngolle, ancien ministre aux Usa, ont reçu des oeufs et des tomates pourries durant leur séjour respectif. Comme quoi et selon le promoteur de ce Renouveau dépassé par les évènements, «la gesticulation n’est pas signe de vitalité »…