Dans une analyse cinglante des pratiques commerciales qui freinent l'industrialisation du pays, Moukanbouh Youssouf dénonce le "maquillage économique" de certains opérateurs qui se contentent de reconditionner des produits importés tout en bénéficiant d'avantages fiscaux destinés aux véritables industriels. Une pratique qu'il qualifie de "tricherie" et qui, selon lui, sabote les efforts de développement d'un tissu productif national authentique. Entre détournement des politiques publiques et concurrence déloyale, l'auteur appelle à plus de transparence et à un véritable patriotisme économique pour permettre l'émergence du Cameroun.
Tribune… LE CAMEROUN NE SE DÉVELOPPERA JAMAIS AVEC DES INDUSTRIELS DÉGUISÉS EN IMPORTATEURS !… Par Moukanbouh Youssouf
« Le vrai problème, c’est que certains importateurs comme Africa Food Distribution ont détourné les politiques publiques prévues pour encourager la transformation locale. Le gouvernement exonère les machines et équipements destinés à créer des usines, à transformer nos matières premières. Or, ce qu’on observe, c’est l’installation de hangars d’empaquetage, où des produits alimentaires importés en vrac sont simplement reconditionnés dans des sachets estampillés « Made in Cameroon ». Ce n’est pas de l’industrie. C’est du maquillage économique, une tentative de bénéficier illégalement des avantages fiscaux destinés aux vrais producteurs. Pire encore, ces pratiques contournent les mesures de protection tarifaire sur les produits sensibles (huile, lait, riz, etc.) prévues dans la loi de finances.
Pendant ce temps, les vrais industriels, ceux qui veulent produire, transformer localement, créer de la valeur ajoutée au Cameroun, peinent à accéder à ces exonérations. Ils sont pénalisés par les lenteurs administratives, les exigences absurdes et la concurrence déloyale des importateurs déguisés. Et on voudrait nous faire croire que cela participe de l’émergence ? Ce que ces opérateurs font n’est ni plus ni moins qu’une stratégie de rente : profiter des exonérations fiscales pour importer à bas coût, sans transformer, tout en tuant les filières locales. À terme, cette tricherie empêche la structuration de véritables chaînes de valeur agricoles et industrielles. On n’industrialise pas un pays avec des cartons de spaghettis importés reconditionnés à Bonabéri, Yassa ou Mvan.
La substitution aux importations, tant vantée par l’État, exige de la cohérence et du courage. Tant qu’on permettra à certains de profiter du système sous prétexte qu’ils sont « jeunes entrepreneurs » ou « investisseurs patriotes », le Cameroun ne décollera pas. Ce pays n’a pas besoin de décorateurs logistiques, mais de bâtisseurs industriels. Assez de poudre de lait reconditionnée, assez d’huile de tournesol venue d’Espagne collée avec des étiquettes locales, assez de sucre importé distribué comme s’il sortait d’une raffinerie nationale. Le patriotisme économique commence par la transparence fiscale, la justice industrielle et le respect des lois de finances. Tricher n’est pas investir. Et emballer n’est pas transformer.»
Ainsi va la République