La période de jeûne du Ramadan, dans la région camerounaise de l’Extrême-Nord, est marquée par un climat d’insécurité du fait des exactions de la secte islamiste nigériane Boko Haram qui limitent les mouvements et imposent plusieurs autres restrictions non seulement aux fidèles musulmans, mais aussi au reste des populations, a constaté APA sur place.
A Maroua, la capitale régionale, c'est la première fois que cette période coïncide avec la mesure d'interdiction de la circulation des engins à deux roues entre 20 heures et 5 heures du matin, prise depuis août 2014 par le gouverneur Midjiyawa Bakari.
Ce moyen de transport est pourtant le plus répandu dans la zone, surtout aux heures de pointe où les musulmans se préparent à casser le jeûne, le soir venu.
«La circulation des motos est timide, aussi bien en journée où le jeûne fatigue les conducteurs, qu'en soirée où l'on se prépare à casser le ramadan», explique Baba Eldine, un boucher exerçant au quartier Domayo-Boulevard.
Dans cette ville pas très éloignée de la frontière avec le Nigeria, la psychose Boko Haram influence fortement le quotidien des gens qui vivent désormais sous la surveillance des patrouilles mixtes qui ont été multipliées depuis deux semaines autour des principales mosquées et des agences de voyage.
Chez plusieurs croyants interrogés autour des mosquées, les moments de prière et de prêche se vivent avec la peur au ventre, les esprits restant préoccupés par les récents attentats islamistes au Nigeria et au Tchad voisins.
Reste que les mesures de sécurité, appliquées sans faiblesse par les forces de maintien de l'ordre, ne sont pas sans provoquer des grincements de dents chez les citoyens éprouvant d'énormes difficultés à se rendre à la mosquée à 20 heures et 4 heures, qui sont des heures de prêche, du fait de l'interdiction de circulation des motos.
Au plan alimentaire, Maroua se caractérise aussi pendant le Ramadan par une légère inflation sur les prix des denrées de première nécessité, le jeûne de cette année intervenant en pleine période de soudure qui va de mi-juin à août dans les régions septentrionales du pays.
Ainsi des produits tels que l'arachide, le maïs, les tubercules et même les légumineuses, qui ont connu une augmentation sensible de leur prix sur les différents marchés périodiques.
Et, alors que les prix des produits manufacturés et de la viande de bœuf sont restés stables, le sac de maïs, par exemple, qui se négocie généralement à 18.000 FCFA, est passé à 21.000 FCFA.
En terme d'ambiance, le soir venu, non seulement les rues sont désertes mais en plus les buvettes et restaurants-bars, habituellement bondés, n'ont pas de clients depuis deux semaines et leurs tenanciers sont quasiment en chômage technique.
«Les activités tournent au ralenti. Quelques consommateurs arrivent pendant la journée, mais dès la tombée de la nuit il n'y a que quelques rares touristes qui osent mettre le nez dehors», analyse Gertrude Silikam, qui tient une gargote au centre de Maroua.
D'une manière générale, et en dehors des restrictions sécuritaires, beaucoup justifient aussi ce climat terne par une certaine solidarité de croyants appartenant à d'autres religions avec leurs compatriotes musulmans.
«Nous ne jeûnons pas, mais par ces temps où la paix du Cameroun est au cœur de toutes les préoccupations, réfréner les plaisirs mondains est aussi une manière, pour nous autres, de nous mettre en prière avec ceux qui croient en Allah», explique Jean Claude Guivanda, qui se réclame «laïc engagé».