Au cours d'une nouvelle audience du procès du journaliste Ahmed Abba, détenu depuis plus d'un an à Yaoundé, le parquet du tribunal militaire de la capitale camerounaise a présenté mercredi, 07 septembre 2016, deux documents de 500 pages chacun, indiquant qu'il s'agissait d'un rapport à charge rédigé par un expert en cybercriminalité, a rapporté Me Charles Tchoungang, l'un des avocats de l'accusé.
«Nous avons été surpris parce que ce rapport ne figure pas dans le dossier de procédure», a ajouté M. Tchoungang, précisant que lui et un autre avocat de l'accusé ont dû insister pour que ce document leur soit présenté durant l'audience.
Pourtant, «la loi exige que le rapport soit fait en autant d'exemplaires qu'il y a de parties», la partie adverse ayant «la possibilité de demander une contre-expertise», a expliqué M. Tchoungang.
Présent à l'audience de mercredi, l'auteur de ce rapport devait être entendu comme unique témoin de l'accusation, mais son audition n'a finalement pas eu lieu, les avocats de M. Abba ayant contesté la régularité de son acte de désignation, selon Me Tchoungang.
[b «L'acte de commission est un faux»)
«Nous avons insisté pour voir cet acte. Le commissaire du gouvernement est (alors) sorti de la salle d'audience et est revenu (peu après) avec une lettre», a rapporté l'avocat. «En la consultant, nous nous sommes rendu compte que l'acte de commission est un faux qui date du 24 février alors que l'audience a commencé le 04 janvier», a-t-il poursuivi, fustigeant «un scandale judiciaire».
«Dès lors que le tribunal est saisi, personne ne peut plus prendre un acte d'instruction. C'est le tribunal qui peut ordonner des enquêtes», a ajouté l'avocat.
Les juges ont décidé de renvoyer l'affaire au 05 octobre, date à laquelle ils devront se prononcer sur la régularité de la désignation de l'expert, comme l'ont demandé les avocats du journaliste.
Ahmed Abba a été arrêté le 30 juillet 2015 à Maroua, chef-lieu de la région de l'Extrême-nord, où il exerçait comme correspondant en langue haoussa de RFI.
Il est accusé de «complicité d'actes de terrorisme» et de «non-dénonciation» d'actes terroristes. La justice lui reproche de ne pas avoir partagé avec les autorités des informations qu'il a collectées sur certains membres du groupe djihadiste nigérian Boko Haram, qui mène notamment des attaques dans le nord du Cameroun. Le parquet fonde ses accusations sur des écoutes téléphoniques.
Le journaliste, qui encourt la peine de mort, a toujours clamé son innocence. RFI et l'organisation Reporters sans frontières (RSF) ont exigé à maintes reprises sa libération, mais Yaoundé est jusqu'ici resté insensible à ces appels.