Actualités of Tuesday, 25 April 2017

Source: cameroon-info.net

Le témoignage poignant d’un ex-Boko Haram

Un ex-membre de Boko Haram dans la commune de Mozogo dans le Mayo-Tsanaga Un ex-membre de Boko Haram dans la commune de Mozogo dans le Mayo-Tsanaga

L’Œil du Sahel paru le 24 avril 2017 publie une interview exclusive d’Ibrahim Kaladzavaï, ex combattant de Boko Haram qui se trouve dans la commune de Mozogo dans le Mayo-Tsanaga (Extrême-Nord).

Question : Qui êtes-vous ?

Kaladzavaï : Je m’appelle Ibrahim Kaladzavaï. J’ai une quarantaine d’années ? Je suis camerounais originaire de la localité de Gouzda-Vreket dans l’arrondissement du Mayo-Moskota, dans le département du Mayo-Tsanaga. J’ai quatre femmes et treize enfants. J’en avais quatorze, mais j’ai perdu un pendant mon séjour chez Boko Haram. Je suis musulman.

Question : Que lui est-il arrivé ?

Kaladzavaï : Il est mort des suites de maladie.

Question : Comment avez-vous rejoint Boko Haram ?

Kaladzavaï : C’est toute ma famille qui a été enrôlée de force. Il y a de cela deux ans et cinq mois aujourd’hui que neuf hommes armés ont nuitamment fait irruption dans ma maison à Gouzda-Vreket. Ils nous ont cueillis dans nos lits et exigé que nous les suivons. Personne ne pouvait regimber. C’est comme ça que moi, mes femmes et mes quatorze enfants, les avons suivis. Ils nous ont conduits à Tchénéné, une localité nigériane située à 25 km environ de la frontière.

Question : Une fois sur place, comment avez-vous été accueillis ?

Kaladzavaï : Il n’y a pas eu d’accueil spécial. Ceux qui nous ont kidnappés en 2014 nous ont juste placés sous la garde d’un certain Mal Adamu et ont poursuivi leur chemin. Peu après notre arrivée, nous et d’autres personnes qui étaient également là, avons été repartis par groupe ethnique. Chaque groupe étant sous la responsabilité d’un des hommes de Mal Adamu.

Question : Dans quelles conditions étiez-vous logés ?

Kaladzavaï : Tous les villages qu’ils ont conquis, ont été abandonnés par la grande majorité de leurs habitants. Leurs maisons donc disponibles. Une des concessions nous a été attribuée. Au départ, la vie était normale, comme dans tout village. Chaque famille disposait d’une concession et menait une vie pas trop différente de celle que nous avions dans nos villages que nous avions quittés. Mais après l’assaut de la Force Multinationale Mixte (FMM) sur Tchénéné, les choses ont changé. Les militaires ont tout détruit au point où nous nous somme refugiés dans la brousse, à la merci de toute sorte de danger.

Question : A quoi vous occupiez-vous au quotidien ?

Kaladzavaï : Vous n’allez pas me croire, mais nous n’avons mené aucune activité pour le groupe. Il me souvient quand même qu’une fois, il nous a été demandé de construire une piste. Nous avons pris plusieurs semaines pour le faire, car nous travaillons à la main. Il était difficile de désobéir aux ordres, car celui qui s’y risquait était conduit au sommet de la montagne de Godolé où étaient retranchés les responsables du groupe.

Question : Avez-vous été en contacts avec lesdits chefs ?

Kaladzavaï : Non, le seul responsable avec qui nous avions des contacts était Mal Adamu. Ils nous transmettaient les instructions de la hiérarchie. Personne n’osait discuter ces décisions.

Question : Avez-vous participé aux combats ?

Kaladzavaï : Je le réitère, je n’ai jamais adhéré à l’idéologie de ce groupe. Ils m’ont enrôlé de force. Et à Tchnénéné où nous étions, personne ne portait d’armes.

Question : Dans quelles circonstances avez-vous quitté Tchénéné ?

Kaladzavaï : Notre fuite a été planifiée par le Tout-Puissant (Dieu ndlr) après une offensive de la FMM sur les bases du groupe à la fin du mois de janvier 2017. Plusieurs combattants ont péri ce jour et ce fut la débandade pour tout le monde. J’ai donc profité de la situation pour rassembler ma famille et revenir au Cameroun.