Dans une enquête exclusive menée sur le terrain, Jeune Afrique dévoile les mécanismes complexes de financement des séparatistes dans les régions anglophones du Cameroun. Loin d'être un mouvement idéologique désorganisé, les "Amba Boys" ont mis en place un système d'imposition sophistiqué qui leur permet de maintenir leur emprise sur le territoire.
Jeune Afrique révèle pour la première fois les détails précis de la "liberation tax" instaurée par l'Ambazonia Government Council (AGovC). Ce système fiscal parallèle frappe différemment selon le profil des contribuables. Les hommes sont taxés à hauteur de 10 000 F CFA par an, contre 5 000 F CFA pour les femmes. Les Camerounais de la diaspora, quant à eux, doivent s'acquitter de 100 dollars, sous peine de représailles.
Un système draconien qui s'accompagne d'un mécanisme de traçabilité : chaque contributeur reçoit un reçu, véritable sésame pour circuler librement dans les zones contrôlées par les séparatistes. Julius Nyih, vice-président de l'AGovC, justifie cette taxation comme un moyen de "financer le plaidoyer, les efforts de défense et la diplomatie internationale" pour leur cause indépendantiste.
Le journal met en lumière la diversité des sources de revenus des séparatistes. Au-delà de la taxe de libération, ils prélèvent des impôts sur pratiquement toutes les activités économiques. Les commerçantes doivent débourser 2 000 F CFA par sac de marchandises, tandis que les agriculteurs sont taxés 5 000 F CFA par sac de cacao.
Les transporteurs et les détenteurs de carburant ne sont pas en reste. Chaque bidon de carburant frelaté, localement appelé "Finge", doit s'acquitter d'une taxe de 5 000 F CFA pour traverser les zones d'influence séparatiste. Un système qui génère des revenus substantiels et permet de maintenir une forme de contrôle économique.
Fait plus surprenant, Jeune Afrique rapporte que des entreprises nationales et internationales seraient contraintes de payer des contributions. Lucas Ayaba Cho, leader des Ambazonia Defence Forces, affirme avoir perçu dix millions de francs CFA de compagnies comme Orange, MTN ou les Brasseries du Cameroun.
Bien que ces entreprises démentent tout versement, le journal observe qu'aucun de leurs employés n'a été victime d'enlèvement, leur laissant peu de choix face à cette forme de racket organisé.
Le chercheur Aaron Ambo, cité dans l'enquête, explique cette évolution fiscale par la baisse des contributions volontaires. Les populations, échaudées par les exactions des groupes armés, se montrent de plus en plus réticentes à soutenir financièrement le mouvement séparatiste.
Cette nouvelle approche illustre la mutation du conflit : d'un combat idéologique, les "Amba Boys" sont progressivement devenus une machine économique cherchant avant tout à survivre et à maintenir son pouvoir.