Emile Onambélé Zibi. Patriarche du Mfoundi et conseiller municipal Rdpc de Yaoundé II, il dénonce les charters électoraux, la corruption et le clientélisme qui émaillent les opérations de renouvellement des organes de base du parti au pouvoir.
Comment avez-vous accueilli la nouvelle du renouvèlement des organes de base du Rdpc ordonné par le président national de votre parti ?
Cette nouvelle a été bien accueillie par la base militante et par tous ceux qui croient encore au président national qui est de surcroit président de la République. Cette nouvelle a été bien accueillie parce que les choses commençaient à tourner mal et il fallait justement ce changement d’hommes et de mentalité pour que les choses aillent au mieux et que seule la flamme du Rdpc reste allumée.
Au-delà de la circulaire du président national, quels sont les objectifs réels de ce renouvellement des organes de base du Rdpc ?
Ceux qui sont vraiment du Rdpc savent qu’il s’agit du renouvellement des organes de notre parti conformément à nos textes. Quand on acquiert une carte du Rdpc, on s’engage par la même occasion à respecter les textes de ce parti et les consignes du président national. Pour le moment au Rdpc, nous faisons la politique de quelqu’un, le président national, qui se trouve être aussi le chef de l’Etat. En plus du renouvellement, il est aussi question de connaitre le fichier réel du Rdpc. Combien sommes-nous dans ce parti ? Qui est militant du Rdpc ? Qui ne l’est pas ? C’est difficile de le savoir en ce moment et seules les opérations en cours, si elles sont bien menées, peuvent nous permettre de le dire.
Alors, est-ce que les choses se passent bien ?
On a l’impression que tout est fait pour que la vérité ne soit pas connue. Cette vérité doit pourtant être connue parce que le Cameroun n’est ni la propriété, ni la chasse gardée de personne. C’est une affaire nationale, qu’on soit du Rdpc ou d’ailleurs. Il est question de mener à bien la politique du président national pour se maintenir au pouvoir. Chaque fois qu’on crée un parti politique, on veut parvenir au pouvoir.
Une fois qu’on y est, il faut travailler pour le conserver le plus longtemps possible. Le pouvoir pour moi n’est pas une question d’individus ; c’est le parti. Il est question que le Rdpc continue de rester au pouvoir, même sans le président Biya. Pour le moment c’est lui, mais je voudrai que le Rdpc reste au pouvoir même après le départ du président Biya. Il partira un jour.
Que les gens ne se trompent pas. Il va partir. La volonté de Dieu y est et lui même en est conscient. Il y a une chose que je déplore au Rdpc aujourd’hui ; même quand les gens veulent être présidents d’un simplement regroupement d’élites, ils ne parlent que de Paul Biya. N’ont-ils pas leurs noms propres ? Ne peuvent-ils pas parler en leurs propres noms ? Les gens passent le temps à dire « le président Biya a dit », mais ils posent des actes contraires.
Pour vous donc, la vraie raison du renouvellement des organes de base est de connaître le fichier réel du Rdpc. Telles que les choses se déroulent sur le terrain, cet objectif sera-t-il atteint ?
C’est l’idée du parti. Sauf que malheureusement, on observe encore l’organisation de charters électoraux. Les choses ne se passent pas bien. On parle de renouvellement des organes de base du parti, mais tout ce qui intéresse les gens c’est de savoir qui sera député, qui sera conseiller municipal, qui sera chef de l’Etat. Vous vous rendez compte ? Les gens sont dans une logique de positionnement. C’est très grave. Il y a trop de confusion dans cette affaire. Tout ce qui se passe sur le terrain en ce moment concoure à positionner les gens pour les deux années à venir.
Ceux qui ont la charge de la gestion du parti n’ont pas fait grand-chose pour que tout se passe bien et j’ai peur. Je le dis en connaissance de cause. Avec la manière dont se déroulent les choses, vous ne pouvez pas savoir la superficie ni le territoire réel d’une cellule ou d’un comité de base. Le jour de l’élection interne, vous avez plus de militants que lors d’une élection nationale. Les résultats que nous avons sont différents des résultats lors qu’une élection nationale. Ça veut dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
Concrètement qu’est ce qui fait problème ?
Concrètement, comme je vous l’ai dit, les gens organisent des charters pour une élection interne au Rdpc, pour maquiller leurs carences. Le parti n’a pas bien tourné, le parti ne tourne pas. Les gens sont entrés au parti pour des postes et pour concurrencer le chef de l’Etat. Ils veulent tuer la base réelle du Rdpc. La base est mécontente en ce moment parce que c’est l’argent qui parle. On a beau dire que c’est le militantisme, mais la réalité est autre. Les gens marchent avec des valises d’argent. Les cartes du Rdpc sont transportées dans des cantines. On les retrouve partout, y compris entre les mains des gens qui ne sont pas nos militants. On les recrute pour aider ceux qui veulent se maintenir au pouvoir. Le Rdpc n’est plus celui que nous avons connu. Ça ne va pas.
Vos accusations sont graves. Avez-vous des exemples précis de gens où de lieux où ces fraudes ont été observées ?
Des exemples, il y en a beaucoup. Je vous prends le cas du Mfoundi. Ici, il y a des arrondissements où on transporte des cartes de militants dans des cantines. Pour des raisons de maturité, je préfère ne pas citer de noms. Mais je certifie qu’il y a des trafics autour des cartes du Rdpc. On distribue des cartes même à nos adversaires simplement parce qu’on veut recruter des électeurs. Je trouve ça extrêmement grave. Je l’ai dénoncé plusieurs fois. Il faut que la vérité soit connue. Ce qui se passe au Rdpc est très grave. En fait, tout le monde pense que le président Biya est fini et que le moment de le remplacer est arrivé. Ils font tout dans le faux pour brouiller les cartes.
Comment faire maintenant pour que le renouvellement des organes de base se déroule dans la transparence ?
Je pense que le professeur Séraphin Fouda a commencé à faire le ménage. En tant que président du comité local de Yaoundé II, il a éliminé des comités fictifs qu’il a trouvés. Il est anormal qu’on vous dise que dans un marché il y a des comités de base du Rdpc. Qui habite le marché ? Les gens qui vendent à Mokolo vivent parfois à Mvog Mbi. Il y en a qui viennent d’Okola, etc. Qui habite l’hôpital central pour qu’on fasse croire qu’il y a un comité de base à l’hôpital central ? Les gens ont donc fait tout ça pour tenter de grossir les effectifs. Je voudrai qu’on parte sur une base saine.
Et c’est cette base-là qui nous a permis de gagner des élections chaque fois que l’opportunité s’est présentée. Il ne faut pas qu’on triche à l’intérieur du parti si on veut sortir des sentiers battus. Je suis jaloux de mon parti parce que j’ai été un président de sous-section légitime. Il y en a qui savent comment on fait pour obtenir un décret, mais moi je sais comment on fait pour gagner une élection. Qu’on cesse de sortir de l’argent. Qu’on cesse de faire de fausses promesses aux populations au nom du chef de l’Etat pour une simple élection interne au parti.
Etes-vous candidat à un poste dans les organes de base du Rdpc ?
Je ne suis candidat à rien, mais je voudrai qu’on comprenne qu’on ne peut pas continuer tout le temps à tromper même à l’intérieur du parti. Quand vous avez un député qui n’est même pas capable de vous faire le compte rendu parlementaire pendant tout son mandat, comment voulez-vous qu’on le prenne au sérieux ? Simplement parce qu’il a de l’argent ?
On ne peut pas tout le temps sortir de l’argent dans les bureaux parce qu’on veut se maintenir. C’est le peuple qui doit décider. Ils ont distribué beaucoup d’argent lors de la dernière consultation électorale, cet argent a été nul. Quand on est député et qu’on échoue à une élection dans sa circonscription, je pense que l’humilité demande de démissionner. Même les présidents qui sont en place ont tous échoué lors des dernières consultations électorales dans leurs circonscriptions. Le Rdpc n’a pas pu avoir 40%. Pour gagner ça s’est passé ailleurs. Alors, qu’ils soient humbles.
En tant que patriarche et militant du Rdpc, pourquoi n’avez-vous pas adressé toutes ces récriminations à la hiérarchie de votre parti ou même au président national ?
Nous sommes dans un parti très clientéliste, contrairement à l’idée du président national. Au Rdpc, les gens se comportent comme dans un parti-Etat. Or nous sommes un parti de masse. Un parti de masse ce n’est pas un parti d’élite où on a affaire aux agrégés et autres. Ce n’est pas ça un parti de masse. Parfois ils nomment des gens pour aller représenter le Rdpc et ils sont surpris de voir que ceux qu’ils ont nommés sont morts depuis cinq ans. Donc ils ne connaissent même pas leurs militants.
Ils ne savent même pas qui est mort et qui est vivant. Ça fait mal. Ecrire au chef de l’Etat par le canal du parti n’est pas une bonne idée. Je préfère m’exprimer publiquement. Comme ça, si on me tue, tout le monde comprendra que c’est parce que j’aurai parlé. En envoyant une lettre, elle n’arrivera peut-être pas chez le chef de l’Etat et on enverra des gens me butter et vous ne saurez jamais pourquoi on m’a tué. On n’aime pas ceux qui disent la vérité. Les rois n’aiment pas ceux qui les ont vus nus. Le Rdpc n’a plus besoin de camouflage. Le chef de l’Etat l’a toujours dit.