Les opposants se laissent séduire par de gros sirènes du régime en place, c'est un fait. Il est connu par beaucoup de personnes que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) a su compter sur des dirigeants de parti de l'opposition pour renforcer sa domination. Me Amedee Dimitri Touko Tok en parle plus largement dans la tribune ci-dessous.
Le phénomène des "agents doubles" dans l'opposition camerounaise : mon témoignage. Si le Cameroun apparaît définitivement comme l'un des États les plus corrompus au monde, de ces 03 dernières décennies, c'est aussi parce que ses dirigeants utilisent massivement l'arme atomique anti-changement de la corruption, pour séduire, acheter et soumettre une opposition qui n'est qu'à l'image de la société dont elle est l'émanation.
La corruption, l'infiltration, la surveillance de l'opposition par des agents-doubles est donc avec la violence et le tribalisme, le triptyque atomique sur lequel Paul Biya, depuis 40 années, structure la survie de son régime.
Cette pratique criminelle, désormais rodée, reproduite à l'infini, apparaît finalement aux yeux d'un peuple désabusé, d'un pays aux valeurs inversées, comme régulière, normale et même procédant du génie politique de Paul Biya. C'est pourquoi ses ravages (débauchage, infiltration...) dans l'opposition sont salués par une certaine opinion comme des exploits.
Dès lors, l'opposition, si elle veut réussir, doit absolument intégrer cette donne dans son management stratégique. Elle doit avoir son propre réseau d'intelligence politique. Dans cet ordre d'idées, je veux ici apporter un témoignage très personnel sur ce phénomène.
Mon parcours militant m'a permis d'accéder à diverses responsabilités dont celle de Secrétaire provincial du SDF-Ouest Cameroun, soit la deuxième personnalité politique de l'entité politique la plus puissante de l'opposition à cette époque. En cette qualité, je faisais comme d'autres, l'objet de sollicitations diverses par le truchement d'amis politiques, dont un SG adjoint du SDF, pour "rencontrer le père Niat", délégué du comité central du RDPC à l’Ouest.
Je déclinais habilement ces invitations. Successivement, je me rendais néanmoins compte, que certaines personnalités du parti avaient rencontré ce monsieur, à l'époque DG de la Sonel (Société nationale d'électricité). Rapidement, certains d’entre eux affichaient des signes extérieurs d'enrichissement, se prévalaient d'avoir gagné dans cette entreprise, des marchés de livraison de poteaux-bois.
Mon refus, malgré des harcèlements répétés, d'intégrer cet establishment, faisait de moi de facto, un danger pour cet ami, SG adjoint national du parti, qui avait pris le risque, pour m'appâter, de me présenter tout ce que je perdais en refusant de rencontrer "le père Niat".
Au fil du temps, nos relations amicales et politiques devinrent antagonistes et il craignait une dénonciation qui viendrait de moi et qui pourrait ruiner son crédit social et politique. C'est alors qu'il décida de ma mise à mort et recruta pour le faire un tueur. Parmi les victimes désignées, il y avait Me Joseph Lavoisier Tsapy, conseiller juridique du SDF et un de nos amis communs, à l'époque président du Tribunal de grande instance de Mbouda, auprès de qui il avait obtenu une aide, pour se rendre à la présidence de la République...
En compagnie du tueur recruté, il fut capturé par les agents du commissariat de Mbouda en plein commencement d'exécution de leur crime. Cette affaire qui fit grand bruit, fut portée devant les tribunaux et le SGA national du SDF fut condamné pour tentative d'assassinat alors qu'il était en évasion.
En effet, sur instructions de monsieur Amadou Ali, alors ministre de la Justice, il fut hospitalisé sous le prétexte d'une maladie, quelques temps avant le jour du jugement et s'évada de son lit d'hôpital. Il se réfugia à Yaoundé auprès du Ministre Nganou Djoumessi dont il devint un des cerveaux. Il fut récompensé quelques années plus tard, par un recrutement et une nomination comme un des responsables d'Elecam à l'Ouest.
J'écrirai un livre entier sur cette histoire qui n'est ici que très schématisée. En conclusion, ce que d'aucuns appellent réseaux Ngoh Ngoh, réseaux Ketcha Courtes réseaux Motaze, réseaux Atanga Nji, réseaux Amougou Belinga, réseaux Bamkoui... ne sont pas des chimères. Ils existent bel et bien dans l'opposition camerounaise et forcement dans la résistance en diaspora.