Au Cameroun plus de 1 000 personnes sont détenues dans des conditions épouvantables, et plusieurs dizaines d'entre elles meurent des suites de maladie, de malnutrition ou de torture.
Beaucoup ont été arrêtés arbitrairement dans le cadre des opérations de répression menées contre Boko Haram par les forces de sécurité et les autorités camerounaises, a révélé Amnesty International dans un rapport rendu public jeudi 14 juillet.
Une centaine de personnes, dont des femmes, ont été condamnées à mort par des tribunaux militaires.
Dans ce rapport, intitulé "Bonne cause, mauvais moyens : atteintes aux droits humains et à la justice dans le cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun", l'organisation montre que l'offensive militaire lancée contre Boko Haram a entraîné des violations des droits humains généralisées contre les civils dans la région de l'Extrême-Nord du pays.
« En cherchant à protéger la population de la violence de Boko Haram, le Cameroun vise le bon objectif, mais en arrêtant arbitrairement des gens, en les torturant et en les soumettant à des disparitions forcées, il n'emploie pas les bons moyens pour parvenir à l'objectif visé, a déclaré Alioune Tine, directeur du bureau régional d'Amnesty International pour l'Afrique centrale et de l'Ouest.
Il y a quelques semaines seulement un attentat-suicide perpétré à Djakana, près de Limani, a fait 11 morts.
C'est la dernière attaque en date d'une longue série qui a provoqué la mort de 480 civils depuis le début de l'année.
Sur les 46 attentats-suicides de Boko Haram, la moitié environ ont été perpétrés par des enfants.
Dans la prison de Maroua on dénombre jusqu'à huit morts en détention par mois.
Près de 1 500 personnes détenues sont entassées dans un bâtiment censé en accueillir 350. Les visites des familles sont strictement limitées.
Arrestations arbitraires et exécutions extrajudiciaires
Ainsi à Kossa 32 hommes avaient été rassemblés et arrêtés en février 2015, car le village était accusé de fournir de la nourriture à Boko Haram.
Amnesty International a recueilli des informations sur 29 personnes qui ont été torturées par des membres des forces de sécurité entre novembre 2014 et octobre 2015. Six sont mortes par la suite.
Les actes de torture ont été infligés pour la plupart alors que les victimes étaient détenues au secret dans des lieux de détention illégaux, en particulier des bases militaires gérées par le BIR à Salak, non loin de Maroua, et à Mora, avant d'être transférées dans des prisons officielles.
Procès militaires inéquitables
Quand les personnes soupçonnées de soutenir Boko Haram sont jugées, elles comparaissent devant des tribunaux militaires qui, la plupart du temps, prononcent la peine capitale à leur encontre.
Les poursuites se font généralement au titre de la loi antiterroriste adoptée en décembre 2014 et proposant des définitions ambiguës du terrorisme qui menacent la liberté d'expression.
"Si un étudiant peut encourir la peine de mort à cause d'un SMS sarcastique, les dispositions de la loi antiterroriste camerounaise et l'utilisation qui en est faite posent de toute évidence un grave problème" estime Alioune Tine.
Amnesty International demande au gouvernement de mettre en œuvre de toute urgence une série de mesures pour prévenir les violations des droits humains dans le cadre de son combat contre Boko Haram.