Le politologue analyse le système institutionnel camerounais basé à son avis sur des institutions largement subordonnées à une institution forte.
Quelle appréciation faites-vous des différentes institutions mises en place par l’Etat du Cameroun ?
Le Cameroun, dans le souci d’afficher son engagement pour un État de droit et une démocratie pluraliste a mis en place, des années 1990 jusqu’aux années 2010, un certain nombre d’institutions : des institutions constitutionnelles et des institutions administratives. Seulement, la mise en place de ces institutions ne s’est pas toujours faite avec une réelle densité dans la capacité à faire qu’elles soient pleinement opérationnelles et qu’elles puissent effectivement prendre en charge les domaines de compétence qui leur ont été conférés par un certain nombre de textes.
Mais pourquoi à votre avis ?
Le Cameroun est resté marqué par une gouvernance centralisée pour ne pas dire centraliste. L’Etat central particulièrement incarné par l’exécutif présidentiel bloque le développement de ces institutions constitutionnelles dont certaines ne sont toujours pas effectivement mises en œuvre telles que les conseils régionaux, le conseil constitutionnel et sur les institutions administratives qui sont pourtant présentées comme des organismes publics indépendants, ce qu’on appellerait dans d’autres langages juridiques, des autorités administratives indépendantes. Pourtant, le fonctionnement concret de ces autorités montre qu’elles n’ont pas nécessairement toutes les garanties pour leur permettre de consolider leur indépendance, notamment les garanties matérielles et financières mais aussi des garanties organiques.
Pourquoi l’Etat du Cameroun piétine-t-il volontairement ces institutions ?
Ce qui arrive, c’est qu’on a un État qui n’a pas encore complètement transformé sa culture, une culture de centralisme, une culture de dirigisme et d’autoritarisme et qui dans ces conditions- là continue à croire que les institutions constitutionnelles et administratives sont toujours complètement placées sous l’emprise de ceux qui détiennent le pouvoir. Or, cela n’est exactement pas le programme caractéristique d’un État de droit démocratique. Il faudrait que ceux qui ont les commandes du pays soient beaucoup plus respectueux des bases normatives qui ont été posées en matière de démocratie au Cameroun, c’est-à-dire, des bases constitutionnelles et législatives.
Pour reprendre la célèbre formule de Barack Obama, doit-on parler des hommes forts ou des institutions fortes au Cameroun ?
Le système camerounais est basé sur des institutions qui sont largement subordonnée à une institution forte qui est l’institution présidentielle. Et cette institution présidentielle ne semble pas elle-même comprendre ; elle semble largement configurée au profit de la personne physique qui l’occupe. Cela veut dire qu’effectivement la logique des hommes forts continue à prévaloir alors que l’affichage institutionnel est celui qui fait du Cameroun, un État construit sur des institutions fortes.
Comment faire pour sortir de cette situation critique ?
Pour sortir de cette situation, il convient que la culture politique camerounaise évolue. Non seulement la culture gouvernante mais aussi la culture citoyenne. Ce triomphalisme néopolitaire de l’Etat central est en partie lié aussi à l’apathie politique des Camerounais ou à la résignation des Camerounais qui se sont complètement découragés face à l’endurance du pouvoir central qui considère que celui-ci n’est pas un pouvoir qu’il peuvent remettre en question même par la voie de l’interpellation citoyenne ou par la voie de l’alternance électorale.