Si elle reste raisonnable, la consommation de viandes rouges et de fromages ne vous condamne pas à la crise cardiaque.
Contrairement à une croyance fermement ancrée, les graisses dites «saturées» n’ont sans doute que peu d’effets délétères sur notre cœur. Mais alors, d’où vient leur mauvaise réputation? Au préalable, quelques éléments d’explication. Ces graisses sont constituées de molécules particulières, des acides gras dont tous les atomes de carbone sont totalement saturés en hydrogène. Si nous pouvons trouver ces molécules dans les produits laitiers, la viande ou certaines huiles végétales, notre corps est également capable de fabriquer celles dont il a besoin.
Ce n’est pas le cas d’autres acides gras, dits «insaturés», et plus précisément polyinsaturés, que nous ne pouvons produire et qui doivent donc être apportés par l’alimentation (c’est le cas des célèbres oméga-3 et oméga-6). De là, est venue l’idée reçue: si les graisses saturées des aliments ne sont pas indispensables, elles ne nous sont pas utiles. Et même, elles sont dangereuses pour notre santé, comme l’affirmait dans les années 1960 une étude américaine mettant en rapport la consommation de graisses saturées avec les taux de cholestérol ou les maladies cardiaques.
Graisses saturées, graisses diabolisées!
Sur quoi se fonde cette affirmation? L’analyse a été menée dans sept pays choisis pour refléter différentes habitudes alimentaires: la Finlande, les États-Unis, les Pays-Bas, l’Italie, la Yougoslavie, la Grèce et le Japon. Globalement, on trouve bien un lien. Mais, quand on étudie individuellement chaque pays, la corrélation disparaît! En particulier, quand on examine le cas de la France, pourtant championne en matière de consommation d’acides gras saturés. Voilà qui explique en partie les réticences d’éminents spécialistes face à la diabolisation des graisses saturées.
Dès 2010, en épluchant une vingtaine d’études concernant environ 350000 patients, une équipe américaine a démonté le mythe: d’un point de vue statistique, consommer des graisses saturées ne serait en rien lié à un risque plus grand de maladies cardiovasculaires. D’autres scientifiques ont enfoncé le clou. Comme ces chercheurs de Cambridge et de Harvard, qui, après avoir passé au crible 72 études portant sur environ 600000 personnes, concluent que nous nous trompons de cible en tenant les graisses saturées pour responsables des problèmes de nos artères.
Gare aux insaturées!
Certes, ils constatent bien quelque 2 % de risque en plus pour le cœur chez les gros consommateurs de graisses saturées. Mais ce n’est pas grand-chose comparé au risque induit par les «acides gras trans», ces graisses insaturées que l’on trouve dans les margarines, les viennoiseries et toutes sortes de plats préparés: avec elles, la menace de problèmes cardiaques grimperait de 16 %.
Autre élément à prendre en compte si l’on veut protéger son cœur: d’après une autre analyse américaine publiée cette année, remplacer les graisses saturées par des sucres est une mauvaise idée: cela ferait diminuer le taux de bon cholestérol et augmenter celui du mauvais, d’où des risques accrus de problèmes pour notre cœur et nos vaisseaux. Quant aux polyinsaturés, notamment les oméga-3 et oméga-6 dont on vante les mérites, les substituer aux acides gras saturés ne serait pas non plus conseillé. Car si l’on augmente les seconds et pas les premiers, alors le taux de bon cholestérol chute…
Au final, il n’est évidemment pas question d’encourager une consommation excessive de graisses saturées. Mais de l’avis d’une majorité de scientifiques, tout est une question d’équilibre: bien que notre corps soit capable de les synthétiser, cela ne signifie pas pour autant qu’il est inutile d’en consommer. Les éliminer de nos assiettes paraît même risqué!