La première vague des ministres devant aller en congé à partir de ce vendredi, devra (encore) attendre. En effet, apprend-on, le président de la République a contre toute attente, annulé la décision portant organisation des vacances des membres du gouvernement et assimilés.
Dans la même veine, ils sont interdits de sortir du territoire national, sauf autorisation expresse. Ceux qui se trouveraient déjà à l’extérieur du pays, sont sommés de rentrer. Un ministre ayant requis l’anonymat, approché, avoue que son départ (avec femme et enfants) pour l’Europe, prévu le 7 août, n’aura plus lieu. Un autre ponte du régime qui a ses habitudes à Majorque, reconnait qu’il ne va pas savourer cet été, la finesse du sable ibérique. Blocus total ou presque. Personne ne sort. La consigne est scrupuleusement respectée.
Pour un observateur averti de la scène politique nationale : «Le chef de l’Etat a besoin de toute son équipe en ce moment où le pays est engagé dans une rude bataille contre la secte islamiste Boko Haram. De nombreuses rencontres sur des questions de sécurité sont annoncées». Dans les allées du Palais de l’unité, l’on s’apprête déjà à accueillir, à une date qui reste à préciser, le président du Niger, Issoufou Mahamadou. En effet, cet autre pays du bassin du Lac Tchad subit lui aussi la barbarie des hommes d’Aboubakar Shekau. Il sera donc question pour les présidents nigérien et camerounais, de s’accorder sur certains points pour lutter efficacement contre la nébuleuse terroriste.
Du côté d’Etoudi, l’on prépare aussi la présence de Paul Biya au sommet Ceeac-Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale ; Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest) dont la date reste elle aussi à déterminer, en vue de la mutualisation des efforts pour combattre la nébuleuse terroriste. Il est également inscrit au programme du président, une visite de travail et d’amitié au Nigeria dans les jours à venir, afin de poursuivre les débats entamés à Yaoundé les 29 et 30 juillet, dans le cadre de la coopération militaire et économique entre les deux pays.
Et sauf changement, le chef de l’exécutif camerounais prendra part, à l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (Onu) prévue en septembre. «Il n’est pas loisible de voir les ministres dont le bilan est des plus médiocres pour la plupart se pavaner sur les plages des Caraïbes, alors que le chef de l’État lui, est au four et au moulin. Surtout, il a toujours besoin de ses collaborateurs pour préparer nombre des dossiers avant les rencontres au sommet», commente un diplomate.
Panique
Pour une autre source, le renouvellement des bureaux des organes de base et organisations spécialisées du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir, serait à l’origine de cette décision du chef de l’Etat. Mais, «c’est une opération propre à une formation politique qui ne concerne pas l’ensemble du gouvernement.
Bien plus, elle s’étend sur plusieurs mois. Autrement dit, les ministres qui militent dans ce parti peuvent jouir de leurs trois semaines de congés, par vague comme à l’accoutumé, et revenir superviser les élections dans les délais requis.» Les raisons de la suspension des congés des ministres et assimilés seraient pourquoi pas ailleurs, reconnaît un observateur.
A l’observation, l’acte du chef de l’Etat ne fait pas grand bruit parmi les ministres. On la commente à peine. L’équipe Yang II donne l’impression de l’avoir accueilli stoïquement. «Mais derrière ce silence, se cacherait une grande anxiété», confie un habitué des salons huppés de la capitale. Selon lui, les membres du gouvernement et assimilés redoutent une réorganisation profonde du gouvernement que les Camerounais attendent depuis près deux ans.
Surtout que, depuis quelques semaines, Paul Biya s’est désenvoûté. L’homme a contre toute attente, pris d’importants textes portant assainissement de l’environnement dans certaines institutions, notamment à Elections Cameroon (Elecam), et au Tribunal criminel spécial (Tcs). Le tsunami gouvernemental tant redouté depuis des années, semble-t-il, est perceptible.
En effet, il se susurre que le chef de l’exécutif entend réduire considérablement le nombre de portefeuilles ministériels et injecter du sang neuf à la dynamique gouvernementale. Avec les querelles de clochers devenues récurrentes entre ministres, l’absence de solidarité gouvernementale et l’incompétence de la bande à Yang, décriée à plusieurs reprises par Paul Biya lui même, quelque chose pourrait évidemment se passer.
Normal donc que, depuis la suspension (ou l’annulation) des congés dus aux membres du gouvernement et assimilés, ces derniers ont entrepris de déménager certains de leurs effets personnels des cabinets. Ainsi, photos des épouses et enfants, trophées, médailles et autres distinctions honorifiques, regagnent progressivement les domiciles. L’on observe également le retour des marabouts dans les palaces de luxes de Yaoundé.
Seulement, dans le sérail, une opinion trouve que l’homme du 6 nombre 1982 n’a pas besoin d’avoir tous ses ministres à sa portée pour faire un remaniement. L’on cite à cet effet les cas Édouard Akame Mfoumou et Simon Bassilekin, tous deux anciens ministres des Finances et relevés de leur fonction alors qu’ils étaient en mission à l’étranger.
«C’est fort de ce fait, qu’il faut penser que Paul Biya a besoin de la présence de l’ensemble du gouvernement pour d’autres motifs», soutient un habitué du sérail. Lesquels donc ? Seul le chef de l’Etat est maître du calendrier politique.