Le dimanche 4 décembre 2022, le député du Social democratic front (Sdf) posait 3 jets de questions respectivement au ministre des Arts et de la culture, Pierre Ismaël Bidoung Kpwat ; au ministre de l'Administration territoriale Paul Atanga Nji et au ministre des Finances, Louis Paul Motaze, au cours de la séance plénière consacrée à l’examen du budget de l’exercice 2023. Aujourd’hui l’enfant terrible de l’hémicycle revient sur les différentes réponses des trois membres du gouvernement et conclut que de façon globale, il n’a nullement été édifié par leurs réponses. « Ils ont fait dans ce qu’ils maîtrisent le mieux, à savoir l’esbroufe, le mensonge et la mauvaise foi » . Quant à nous, nous exposont ici in extenso les questions posées par Leopold Dassi du quotidien Le Messager et les différentes appréciations faites par le député. A travers sa critique, on comprend en filigrane les réponses qui sont venues du banc gouvernemental à ses différentes préoccupations. Pour terminer, ce quotidien a recueilli ses appréciations sur la loi de Finances votée lundi dernier.
Questions au ministre des Finances
« Ma préoccupation portera essentiellement sur le service de la dette qui est devenu un véritable serpent de mer. Dans le projet de budget de l'exercice 2023, il ressort ce qui suit : 1-. Dette extérieure de janvier à décembre 2023. Multilatérale, bilatérale et commerciale : principal : 704 milliards. Intérêt : 194 milliards. Total : 898 milliards. Dette intérieure : 720 milliards. Intérêt ; 119 milliards. Total : 850 milliards. Soit un total cumulé de 1748 milliards pour le service de la dette intérieure et extérieure dont 313 milliards d’intérêts. Les intérêts de la dette pour le seul exercice 2023 (313 milliards de Fcfa) est supérieur au budget du ministère de l'Eau et de l'énergie qui est de 285,276 milliards de Fcfa. C'est terrible quand on sait que les Camerounais souffrent de la pénurie d'eau potable et des coupures intempestives d'électricité pour des localités qui en disposent, étant entendu qu'il y a des localités qui n'ont ni eau ni électricité. Le service de la dette est devenu le plus gros budget de l'État. Durant pratiquement plus d'une décennie, ce chapitre était le second plus gros budget après celui consacré aux dépenses de personnel. De multiples dettes ont été contractées à un rythme effréné sans que l'on ne sache exactement à quoi ces emprunts contractés ont réellement servi. Et c'est le peuple camerounais notamment les générations actuelles et futures qui vont en pâtir .Ne venez pas nous bassiner les oreilles avec le ratio dette/Pib. C'est l'utilisation qui est faite de ces multiples emprunts contractés qui est fondamentale. Par ailleurs, je voudrais savoir : 1- Combien a coûté globalement la Can au Trésor public camerounais ? 2- Quels sont les chapitres budgétaires qui ont été utilisés à cet effet ? 3- Est-ce que la Représentation nationale peut avoir le journal ou le compte d'emploi des dépenses effectuées pour les différentes rubriques suivantes à savoir :- Le complexe sportif d'Olembe - Le stade de Japoma - Le stade de Kouekong à Bafoussam et ses annexes de Mbouda et - Le stade Roumdje Adja de Garoua - Les subventions accordées aux différents hôtels qui ont servi d'hébergement aux officiels de la Can et aux délégations des pays participants. - Les infrastructures routières effectuées dans les villes qui ont abrité les matchs à la faveur de cette compétition - Les prestataires de ces différents marchés ainsi que les taux de réalisation ou d'exécution de ces différentes infrastructures. 4- Pouvez-vous nous donner la liste des créanciers qui nous ont accordé des emprunts, le montant de chaque emprunt ainsi que les modalités de remboursement de chaque emprunt contracté à la faveur de l'organisation de cette Can au Cameroun ? Pour terminer, M. le Ministre des finances, Sur un tout autre déterminant budgétaire en lien avec les rapports que nous entretenons avec le Fmi, qui sera une fois de plus un partenaire important dans l'exécution du budget de l'exercice 2023. Le Fmi a exigé que le rapport de la Chambre des comptes sur la gestion des fonds covid-19 connaisse une suite. Il me revient que lors des différentes négociations avec le Fmi, ils n'ont eu de cesse de réclamer la pertinence de l'utilisation de ces fonds covid-19. À date, le rapport de la Chambre des comptes reste sans suite. La justice est manifestement bloquée. Ce qui complique la suite des négociations avec cette haute institution.»
Réaction du député suite aux réponses du ministre des Finances
« Le ministre des finances n'a répondu à aucune de mes préoccupations »
« Le ministre des finances n'a répondu à aucune de mes préoccupations. Je m'attendais à des réponses chiffrées, point par point. Hélas il s'est juste contenté de dire que le stade d'Olembe a fait l'objet d'un financement turc. Sans aucune autre précision. Il n'a rien dit sur le coût total de l'organisation de la Can au Trésor public, les chapitres budgétaires qui ont été utilisés à cet effet, le compte d'emploi et les décaissements effectués pour les multiples rubriques. De même qu'il a refusé de s'exprimer sur l'incidence des détournements des fonds covid-19 sur nos rapports avec le FMI qui sera un partenaire déterminant dans l'exécution du budget de 2023 pour ne citer que ces deux préoccupations. »
Questions du député au ministre de l’Administration territoriale
« Depuis la survenue du covid-19, à chaque fois que vous effectuez des sorties, vous remettez des présents à certaines populations tout en indiquant en mondovision qu'il s'agit des dons du Président de la République. Selon le Dictionnaire Le petit Robert, faire don de quelque chose à quelqu'un c'est l'action d'abandonner gratuitement à quelqu'un la propriété ou la jouissance de quelque chose. - Doit-on comprendre que le président de la République décaisse de ses deniers personnels pour effectuer tous ces dons ? - Pouvez-vous dire que nous ne verrons ni dans la ligne 94 ni dans la ligne 65 des décaissements pour justifier ces dépenses-là, puisqu'il s'agit de dons. M. le Ministre, dans le cadre de la gestion des fonds covid-19, la Chambre des comptes a révélé dans son rapport que vous avez perçu une somme de 289 millions de Fcfa virée dans votre compte personnel par le payeur spécialisé auprès du ministère de la santé publique, pour avoir livré du matériel médical covid-19 au ministère de la santé publique. Matériels qui étaient en réalité des dons reçus. Le Premier ministre avait ordonné la restitution de ce montant au Trésor public. D'après le rapport de la Chambre des comptes, il n'y a aucune trace de cet argent dans les livres comptables du Trésor public. Avez-vous restitué cet argent ? Si oui, dans quel compte ? Pouvez-vous décliner à la Représentation nationale les justificatifs de la restitution de cet argent ? Comme si cela ne suffisait pas, vous avez détourné deux ambulances offertes par la République populaire de Chine en déclarant qu'il s'agissait d'un don du chef de l'État. Que voulez-vous que je vous demande si ce n'est de démissionner pour un tant soit peu laver l'honneur de ce gouvernement ?
Réaction du député suite aux réponses du ministre de l’Administration territoriale
« Il s'est parlé à lui-même. J'ai eu l'impression qu'il répondait à d'autres questions »
« Le ministre de l'administration territoriale a fait dans l'esbroufe. Il est passé à côté de la plaque. Il s'est parlé à lui-même. J'ai eu l'impression qu'il répondait à d'autres questions. Tout ce qu'il a débité n'avait absolument rien à voir avec mes préoccupations. Ce que je retiens tout de même de lui en ce qui concerne les fameux dons présidentiels est qu'il a avoué qu'il ne s'est jamais agi de dons présidentiels mais plutôt de dotation. Ce qui laisse clairement entendre que tout le matériel remis au nom du président de la République est financé par le budget de l'État à travers les lignes 94 et 65. Contrairement à ce qu'il a toujours fait croire aux Camerounais à chacune de ses descentes sur le terrain où il a passé le temps à débiter des mensonges dans ce sens. Pour ce qui concerne la distraction des fonds covid-19 par lui opérée, le ministre de l'Administration territoriale était manifestement déboussolé et je dirais qu'il était dans un état second puisqu'il s'est risqué à dire qu'il n'est pas au courant du rapport de la Chambre des comptes qui a pourtant fuité dans les médias. Quand il s'agit d'outrepasser ses prérogatives pour pondre tout un communiqué pour menacer le directeur de publication d'une chaîne de télévision et le présentateur d'une émission pour des propos répétés par un panéliste, il fait preuve d'une promptitude et d'un zèle débordant. Mais pour ce qui le concerne au premier chef et qui a été repris par tous les médias, il a feint de ne pas en être informé sur les 289 millions de FCFA qu'il s'est fait payer et dont le premier ministre avait ordonné la restitution qui ne s'est pas faite, si l'on s'en tient au rapport de la Chambre des comptes. C'est à se demander s'il ne faudrait pas imposer un alcootest chaque fois qu'une séance de questions orales des députés aux membres du gouvernement est programmée à l'hémicycle. »
Question du député au ministre des Arts et de la culture
« Immédiatement après votre arrivée à la tête de ce département ministériel, un nouveau groupe d'artistes musiciens se constitue et vous saisit en prétendant vouloir percevoir, auprès des débiteurs, les arriérés des défuntes Cmc et de la Socam, ancêtres de la Sonacam. Accédant à la demande de ceux-ci, vous avez pris en juin 2020 la décision N°0053, en violation de la loi 2000/011 du 19 décembre 2000 relative aux droits d'auteur et aux droits voisins portant gestion collective des droits d'auteur qui indique clairement en son chapitre 7 article 16 ce qui suit: « Il ne peut être créé qu'une organisation de gestion collective dans chacune des catégories de droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur ». Ce qui veut dire en des termes simples et clairs qu'étant donné que la Sonacam est la seule société détentrice d'un agrément, tout recouvrement (arriérés ou pas) est de son ressort exclusif. L'article 4 de votre décision illégale N°0053 du 12 juin 2020 permet « à des sociétés autres que la Sonacam agréée, notamment à la Cmc dissoute et sans agrément de procéder à des recouvrements y compris des arriérés ». C'est cette forfaiture inscrite dans votre décision N°053 du 12 juin 2020 qui a permis illégalement à la défunte Cmc de pas se limiter uniquement à la période de son existence légale (période 2005-2016) mais également d'aller au-delà de la période de son existence légale. Cette opération mafieuse a permis à votre homme de main Monsieur Sam Mbende de recouvrer abusivement près de 1,2 milliards ! Dans votre rôle de Don Corleone de cette maffia pouvez-vous dire à la représentation nationale ce que vous avez perçu en terme de commissions et rétro commissions pour couvrir cette arnaque scandaleuse ? Que comptez-vous faire pour rétablir les artistes dans leurs droits ? »
Réaction du député suite à la question posée au Minac
« Le ministre des arts et de la culture a brillé par son absence »
« Le ministre des arts et de la culture a brillé par son absence. Ce n'est que partie remise puisque j'ai déposé mes questions orales au secrétariat général de l'Assemblée nationale bien avant le début de la session parlementaire. De façon globale, je n'ai nullement été édifié par les réponses des ministres. Ils ont fait dans ce qu'ils maîtrisent le mieux à savoir l'esbroufe, le mensonge et la mauvaise foi ».
Un commentaire de Jean Michel Nintcheu sur la loi de Finances 2023
« Le service de la dette est devenu le plus gros budget de l'État »
« Aucune mesure d'incitation à l'investissement. Aucune mesure pour accroître l'investissement productif. Aucune mesure pour accroître la consommation. Aucune revalorisation des salaires qui resteront toujours figés à leur bas niveau. Le Smig sera toujours à 36.200 Fcfa. Les droits d'importation passent de 5 à 10% alors qu'il n'y plus d'autosuffisance alimentaire et la fin de la crise ukrainienne n'est pas pour demain. La vie sera plus chère. Le timbre fiscal passe de 1000 Fcfa à 1500 Fcfa, le certificat de propriété de 3000 à 25000 FCFA alors qu'il y a un problème foncier terrible notamment en ce qui concerne l'immatriculation des terres arables pour les rendre bancables pour ne citer que ces deux aspects. Le gouvernement veut continuer à sacrifier une fois de plus l'immense majorité des Camerounais plutôt que de baisser le train de vie princier des oligarques en supprimant les dépenses improductives et en pourchassant les gaspillages contenus dans le budget de l'État. Le plus grave est qu'ils mettent en péril les générations futures à travers un endettement effréné qui, jusqu'ici, est brumeux. Le service de la dette est devenu le plus gros budget de l'État. 1748 milliards de FCFA au total dont 313 milliards de Fcfa uniquement pour les intérêts de la dette. Les intérêts de la dette pour le seul exercice 2023 sont supérieurs à la quasi-totalité des chapitres budgétaires comme par exemple celui du ministère de l'eau et de l'énergie qui dispose d'une enveloppe budgétaire de 285,265 milliards de FCFA. Quand on sait que les camerounais souffrent de pénurie d'eau et d'un déficit criard d'électricité dans la plupart des localités du pays, on tombe à la renverse. Que dire de la décentralisation ? Toujours pas les 15% exigés par la loi portant code général des collectivités territoriales décentralisées. Tout continuera à être centralisé à Yaoundé au détriment des collectivités territoriales décentralisées qui sont pourtant plus proches des populations. Pour me résumer, les Camerounais vont davantage souffrir en 2023. Je n'attends rien de ce projet de loi qui en plus d'être porteur de casse sociale compromet gravement l'avenir des générations actuelles et futures ».