Depuis le Congo où il est en exile après sa sortie des cellules des services secrets camerounais, le leader du Front Démocratique du Peuple Centrafricain (FDPC), dans une interview exclusive accordée à Cameroon-Info.Net ce 02 Aout 2015, parle de la guerre contre Boko Haram, le rapt du Maire de Lagdo et la crise en RCA.
Nous constatons que des groupes armés centrafricains continuent de s’attaquer à l’Est du Cameroun. Peut-on conclure que le processus de désarmement en RCA a échoué ?
Abdoulaye Miskine : On ne peut parler de désarmement dans un pays ou les dirigeants possèdent des groupes armés et les alimentent à des fins politiques et politiciennes. Faute d’une véritable politique de cohésion et d’unité nationale ; un désarmement volontaire est quasi impossible dans l’état actuel des choses.
Quand j’étais en détention au Cameroun la localité de Biti(Cameroun) faisait l’objet d’une attaque armée. Les autorités camerounaises ont automatiquement accusé notre mouvement le FDPC. Pour eux, l’objectif de cette attaque sur leur territoire était de réclamer ma libération. J’ai réagis en disant que ce ne sont pas mes hommes. Mais ils ne m’ont pas cru. Ils finiront par mettre la main sur les vrais auteurs qui sont des peulhs camerounais et des tchadiens qui sont par la suite transféré à la DGRE. Connaissant déjà les vrais auteurs, les autorités camerounaises n’ont jamais pensé depuis lors faire un communiqué pour nous blanchir laissant alors la population dans le flou totale. Ce qui n’est pas normal du tout. C’est la même chose avec le Maire de Lagdo et les 15 autres. Malgré la revendication ouverte des assaillants et les cris de détresse du Maire du Lagdo, les autorités n’ont toujours rien fait pour réparer le préjudice qu’ils nous ont causé en nous accusant très tôt innocemment.
S’agissant des attaques de l’Est du Cameroun par des groupes armés centrafricains ; je ne peux ni confirmer ni infirmer car n’étant pas au Cameroun ni en Centrafrique. Ce qui est sûr, la région frontalière avec le Cameroun est infestée de groupes et bandes armés dont des peulhs camerounais avec lesquels nos hommes ne cessent d’avoir régulièrement d’affrontements sur le territoire centrafricain. Nous avons suffisamment de preuves de ce que nous disons et avons même informé les autorités camerounaises.
En Avril 2013 lors de votre accrochage avec la Séléka, vous avez reçu 09 balles et vous avez perdu plusieurs de vos hommes. Cette perte a-t-elle affaibli votre groupe ?
Abdoulaye Miskine : Effectivement du 1er au 04 Avril 2013, sept jours après avoir pris le pris le pouvoir à Bangui, Nouredine le numéro deux de cette Séléka a envoyé un de ses bras droits aller attaquer les positions avancées de notre base à Biti (RCA).Partant en renfort à mes hommes attaqués, je serai tombé dans une embuscade tendue par ceux qui était préparé spécialement pour me tuer. Pendant les accrochages, je suis atteint par neuf balles et ai perdu quelques hommes. Pourquoi alors la Séléka a décidé de m’éliminer en attaquant mes positions? Connaissant leur but et étant contre leur objectif qui est d’islamiser coute que coute le pays ; vivant, je serai un obstacle et donc une épine dans leurs chaussures. Il faut vite m’éliminer. C’est pourquoi une fois arrivée à Bangui, une colonne lourdement armées de nombreux mercenaires étrangers payée avec des financements obscurs obtenus pour des objectifs malsains, est allée nous attaquer. Il était donc question de me tuer.
Par ailleurs, nos hommes sont très bien formés, entrainés et éduqués. Et l’idéal que nous nous sommes fixé est la libération totale du peuple centrafricain. Cet objectif constitue l’essence même du FDPC. C’est ce qui caractérise notre mouvement. Rien ne peut donc nous arrêter ni nous désorienter. Lawrence Sterne avait dit : « Si la cause est bonne, c’est la persévérance. Si la cause est mauvaise, c’est de l’obstination ».
Que proposez-vous pour une sortie définitive de la crise en RCA ?
Abdoulaye Miskine : En Centrafrique, le pouvoir est clanique. Et même les alliances sont scellées à base de ce principe. Sortir la RCA définitivement de cette longue et meurtrière crise nécessite beaucoup de sacrifices. Les dirigeants actuels doivent se démarquer de ce fléau en abandonnant cette politique d’exclusion dont ils sont maitres. Ils doivent abandonner totalement l’hypocrisie et le cynisme qui font d’eux des demi-dieux.
La paix n’ayant pas de prix, il faut donc une réconciliation véritable et totale. Une réconciliation sans exclusion. Cependant, le départ des milliers de mercenaires étrangers qui, depuis 2003, envahissent le pays est plus qu’une nécessité. Les autorités actuelles ne peuvent rien concrètement. Il faut donc à mon avis une troisième transition avec des hommes crédibles dont la mission serait de désarmer tout le pays et d’organiser des élections crédibles et acceptés de tout le monde car ceux qui sont là ne voient que leurs propres intérêts.
Nous signalons en passant que la Séléka est sur le point de lancer des opérations de reconquête du pouvoir et cela avec des complicités internes au sein même de ce gouvernement et des appuis externes.
Certaines presses indiquent que vous êtes financés par la France. Est-il vrai? Sinon d’où proviennent vos ressources ?
Abdoulaye Miskine : Depuis sa création en 2004, le FDPC n’a pas eu de contact avec des autorités politiques ou militaires françaises. D’ailleurs nous n’en connaissons même pas un.
Notre mouvement est né pour dire non à la manière dont ceux qui dirigent le pays nous gouvernent. S’est donc cette énergie de vaincre qui nous fait résister aussi longtemps.
Les moyens ; nous les avons eu aux combats entre les mains de l’ennemi. Celui qui n’a pas d’objectifs, ne risque pas de les atteindre. Et l’objectif premier du FDPC est donc la libération du peuple centrafricain de tous les maux qui le tiennent captif.
Des élections libres et transparentes peuvent-elles avoir lieu en RCA dans le contexte actuel ?
Abdoulaye Miskine : Le souhait de notre mouvement est que notre pays soit doté rapidement de nouvelles institutions avec à la clé des dirigeants choisis librement par le peuple centrafricain lors d’élections transparentes, crédibles et sans exclusions. Mais dans le contexte actuel la situation est loin d’être favorable et propice. Car ceux qui sont là ne sont tout de même pas prêts. Ils veulent rester encore aux affaires rafler les miettes qui restent à prendre et le temps de préparer des pions.
Aussi, on ne peut parler d’élections crédibles sans désarmement car les armes sont partout. Ce samedi, un gendarme a été froidement abattu à Bria contrôlé par la Séléka. Le 31 juillet dernier, lors de sa visite à Bambari (Centre du pays) fief de la Séléka ; la Présidente de la Transition a été reçu par des tirs nourris d’armes lourds et automatiques. Et les éléments de la Séléka présent dans la ville se promènent fièrement les armes en bandoulières aux vus impuissants de Catherine Samba-Panza et sa suite. Véritable humiliation et démonstration de force. Même les éleveurs peulhs en brousse sont hyper armés. Au risque de se faire tuer, les populations ne peuvent s’hasardés aux champs ni à la chasse.
Pour une élection transparente et crédible, il faut donc la sécurité des électeurs et des candidats. Il faut aussi que les résultats soient acceptés par tous. Or ceci est hypothétique. Donc il faut une force plus puissante pour désarmer d’abord tout le monde.
En fin, les nombreux mercenaires qui sont dans le pays doivent être désarmés et chassés de force car gentiment ou volontairement, ils ne partiront pas car ayant trouvé un terrain fertile ou coule le lait et le miel.
Quelle appréciation pouvez-vous faire sur le récent Forum National de la réconciliation de Bangui ?
Abdoulaye Miskine : Est-ce un Forum National de réconciliation ? De quelle réconciliation s’agit-il ? Une réconciliation sous-entend les présences de toutes les parties en conflit. C’est un Forum taillé sur mesure. Les participants y ont été sélectionnés selon des critères obscurs et occultes. Les intervenants également sont retenus d’avance. C’était de la saleté Monsieur le journaliste.
Durant les périodes difficiles, s’est toute la communauté internationale qui était au chevet de notre pays. Et même le Président français s’est déplacé personnellement pour constater les crimes et abominations commis par les parties en confits. Mai au moment mémorable à savoir l’ouverture de ce Forum, aucun Chef d’Etat de la sous-région ne s’est déplacé excepté le Président Denis Sassou Nguesso car étant le Médiateur International. A la clôture anticipée, aucun invité de marque. A cause de leur orgueil dans le néant, de leur hypocrisie, des détournements qui sont devenus leur véritable passion et de leur manque de maturité politique, les pays de la sous-région et la Communauté Internationale se lassèrent et finissent par comprendre que les soit disant leaders centrafricains ne sont pas encore mures. Ce sont des personnes qui sont très affamées. Ne voyant que leurs intérêts, ils abandonnent le peuple à son triste sort.
Que pensez-vous de la guerre que le Cameroun, le Tchad, le Nigeria et le Niger mènent contre la secte Boko Haram et quelles solutions proposerez-vous pour mettre un terme à cette guerre?
Abdoulaye Miskine : La guerre que le Cameroun, le Tchad, le Nigeria et le Niger mènent contre la secte Boko Haram est une guerre noble. C’est une guerre contre l’obscurantisme. C’est une guerre contre des barbares. Une guerre contre une secte criminelle. Mais cette guerre ne doit pas être seulement militaire. Il faut avant tout les neutraliser spirituellement si on veut vraiment les anéantir totalement. Qu’est-ce qu’une secte ?
C’est un groupe mystique dans lequel on pratique des manipulations mentales, des endoctrinements, descontrôles de la pensée ; pour la destruction de l’individu, de la famille, voire de la société.
Spirituellement, nous savons déjà comment les chefs de Boko Haram procèdent lors de leurs rites mystiques. Stratégiquement nous savons comment cette nébuleuse agit car Boko Haram mène une guerre asymétrique en utilisant tous les moyens criminels. Nous avons ainsi donc tout ce qu’il faut pour agir efficacement sur le terrain.
Nous pouvons donc gagner rapidement cette guerre si nous cherchons à vaincre Boko Haram avant de le combattre. « Connais donc ton adversaire, connais-toi et tu ne mettras pas ta victoire en danger » a dit le Général Sun Tzi.
Dans votre récent communiqué, vous avez signalé la présence de Boko haram et d’autres groupes armés en RCA. Selon vous, pourquoi se sont-ils repliés en RCA? Et que fait le Conseil National de la Transition pour éviter des éventuels troubles qui pourraient venir de ces groupes ?
Abdoulaye Miskine : Dans le domaine de la sécurité, le maillon le plus faible de la sous-région Afrique centrale il faut le dire s’est notre pays la Centrafrique du fait de la disparition de l’Etat central. L’armée National est disloquée. Et ceux qui font semblant de gouverner le pays sont là pour leurs intérêts mesquins.
Boko Haram est une organisation très structuré avec beaucoup d’idéologues et des ramifications dans nos pays respectifs. Etant sérieusement désorganisé car attaqué par les vaillants soldats camerounais et tchadiens ; ne pouvant pas résister, pour se refaire du sang neuf et se réorganiser le seul coin facile à y accéder et à s’y implanter durablement pour pouvoir attaquer de revers c’est la Centrafrique. Les ressources financières (produits de braconnage, diamants, or …) et humains(les combattants de la Séléka) sont déjà fin prêts à leurs disposition. Rappelons également qu’en 2014, au plus fort de la crise centrafricaine, le Chef de Boko Haram avait déclaré qu’il va régler le compte des chrétiens centrafricains. Notons aussi que le projet de cette organisation n’est pas seulement de désorganiser les pays que vous avez cités citez ci-haut dans cette lutte. La secte a pour objectif la conquête de toute l’Afrique centrale. Donc la lutte contre Boko Haram est l’affaire de tout le monde. Ce n’est donc pas par hasard que les spécialistes en géostratégie considèrent la Séléka d’une organisation terroriste et non d’un groupe politico-militaire ! Séléka est effectivement affilié à Boko Haram.
Vous avez décliné votre responsabilité sur l’attaque des citoyens camerounais sur l’axe Garoua-Boulai et Bouar et surtout le kidnapping du Maire de Lagdo et 15 autres personnes en Mars dernier. Selon vous qui pourrait être le commanditaire ?
Abdoulaye Miskine : Plusieurs fois nous avons réagi pour décliner notre responsabilité sur les violences se produisant sur l’axe Garoua-boulai et Bouar. Comme nous l’avons toujours dit, plusieurs groupes et bandes armés sévices dans cette zone.
S’agissant du kidnapping du Maire de Lagdo et des 15 autres personnes en Mars dernier ; le Ministre de la Défense de notre mouvement (le FDPC) le Colonel Pierre Yakoua dans un communiqué de presse daté du 31 Mars 2015, a fait état d’un accrochage entre le poste avancé de notre base et 05 individus armés de fusils de types kalachnikovs. Et que ces assaillants sont de nationalité camerounaise parce que détenant des cartes nationales d’identités de ce pays et s’exprimant en foulbé, haoussa et arabe chouar et non en sango notre langue nationale.
Un des assaillants blessé nommé Modibo dira : « nous sortons du Cameroun et sommes en train de rejoindre nos frères qui sont sur le sol centrafricain et que nous sommes en train de lutter pour la libération de notre Chef Aboubakar Sidiki détenu au Cameroun. Et c’est la raison pour laquelle nous avons pris ces otages ».Comme vous, tout récemment nous avons suivi sur alwihda l’appel allant dans ce sens de ce Maire de Lagdo en captivité.
Le Cameroun est un pays grand et souverain avec toutes les institutions étatiques et des lois en vigueurs. Je ne suis pas bien placé pour parler d’une possible libération. Et personnellement je ne connais pas cet Aboubakar Sidiki dont il est question. Je vous conseillerai de poser cette question aux autorités politiques et judiciaires du Cameroun car eux seules sont habilités à se prononcer sur une pareille situation.
Que faut-il faire pour libérer le Maire de Lagdo ?
Abdoulaye Miskine : Cette question mérite la réponse des autorités ou des spécialistes camerounais en matière de sécurité.
Quelle est votre relation avec le Cameroun ?
Abdoulaye Miskine : Une très bonne relation.
Parlez-nous un peu de votre séjour en détention au Cameroun et que faites-vous pour vous occuper depuis votre départ du Cameroun ?
Abdoulaye Miskine : Durant mon séjour en détention, j’ai été bien traité. Officiellement dans une correspondance remis à l’Ambassade de Cameroun au Congo, j’ai remercié le Président Paul Biya. Et depuis mon départ du Cameroun, j’occupe mon temps en lisant des grands penseurs comme Machiavel, Confucius, Jean Jacques Rousseau, Levy Strauss, Maitre Sun Tzi ainsi que des auteurs camerounais comme Ferdinand Léopold Oyono et Calixte Beyala.
Quel est le meilleur souvenir que vous gardez du Cameroun ?
Abdoulaye Miskine : Une hospitalité légendaire.
Je vous remercie mon Général.
Abdoulaye Miskine : C’est moi qui vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer.