Le nouvel ambassadeur de France au Cameroun évoque la coopération entre les deux pays et revient sur ses premiers constats sur le terrain à la suite notamment d’une tournée dans les régions septentrionales.
Excellence, vous avez effectué l’un de vos premiers voyages en terre camerounaise dans le Grand Nord. Y a-t-il une raison particulière à cela ?
Avant toute chose, permettez-moi d’adresser à nouveau mes condoléances les plus attristées, au nom de la France, des Français du Cameroun et en mon nom propre, aux familles et proches des victimes de la catastrophe ferroviaire d'Eséka. Je souhaite également un prompt rétablissement aux blessés et je salue le dévouement de tous ceux qui sont intervenus pour leur porter secours et les soigner. J’espère enfin, comme tout le monde au Cameroun, que les différentes enquêtes en cours, permettront de révéler rapidement les causes de ce terrible accident. Pour revenir à votre question, dès mon arrivée, j’ai tenu à aller à la rencontre des habitants des dix régions du Cameroun. Et si j’ai choisi, pour mon premier « long déplacement », l’Extrême-Nord, le Nord et l’Adamaoua, c’est parce que ces régions représentent un enjeu essentiel en termes de sécurité et de développement.
J’ai voulu y réaffirmer la solidarité de la France, solidarité se traduisant de manière concrète par un appui aux force armées, de police et de gendarmerie, mais aussi par des actions de coopération destinées à accroître la résilience des populations concernées. Je m’étais, au préalable, rendu sur le Littoral, à l’occasion de la signature d’un accord de coopération décentralisée entre Douala et Bordeaux. Ce document vise à faire de la capitale économique une ville durable. Pour conclure sur cette question, je compte bien visiter, d’ici la fin de cette année, les cinq autres régions que je n’ai pas encore eu le plaisir de parcourir et qui bénéficient également de l’appui de la France. A cet égard, je vous invite à consulter le site web de notre ambassade. Vous y trouverez, en toute transparence, une carte interactive des projets de coopération soutenus par la France au Cameroun, avec leurs localisations, leurs objectifs et leurs montants.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué au cours de cette tournée dans le Septentrion ?
Deux points m’ont paru essentiels : le courage et la solidarité dont font preuve les populations d’une part, la cohérence entre les besoins qu’elles expriment et l’appui de la France d’autre part. La meilleure illustration du premier point a été ma visite au camp de Minawao, puisqu’il accueille des dizaines de milliers de réfugiés nigérians. Mais j’ai aussi rencontré des personnes déplacées et des populations hôtes du côté de Mokolo. Toutes et tous m’ont marqué par leur dignité, leur empathie et leur sens des responsabilités. S’agissant de l’adéquation entre les besoins exprimés localement et l’appui de la France, j’ai constaté la pertinence de notre aide alimentaire et sanitaire d’urgence, même si elle est encore loin de couvrir tous les besoins. Au total, c’est plus de 1,7 milliard de FCFA d’aide humanitaire qui a été versée par la France depuis le 1er janvier 2016 pour aider le Cameroun à faire face aux conséquences, sur son sol, des crises au Nigéria et en RCA (sans compter nos contributions régionales via le Haut-Commissariat aux Réfugiés et l’Union européenne).
Au-delà de cet aspect « gestion de crise », j’ai été heureux de constater que nos projets de développement « visaient juste ». Dans le Nord et dans l’Adamaoua notamment, de nombreux commerçants m’ont exprimé leur satisfaction quant au projet de réhabilitation des marchés et de la voirie de Garoua, projet auquel ils ont été associés. Même réaction des éleveurs et agriculteurs qui ont souffert des conséquences économiques de l’insécurité. Ils m’ont dit avoir trouvé, dans le projet de formation professionnelle agro-pastorale soutenu par l’Agence Française de Développement (AFD), des moyens de créer des activités génératrices de revenus.
Dans l’Extrême-Nord, les forces armées camerounaises sont confrontées à la secte islamique Boko Haram et la France a annoncé son soutien au Cameroun. En quoi consiste-t-il en ce moment?
Nous répondons aux besoins exprimés par les forces de défense et de sécurité camerounaises. Elles font un travail remarquable pour combattre Boko Haram. Notre soutien aux forces armées, mais aussi à la police et à la gendarmerie, s’articule autour de 3 priorités : le renseignement, la formation et l’équipement. À titre d’exemple sur le renseignement aérien, nos avions font des survols réguliers de la zone du lac Tchad et nous partageons nos images aériennes avec l’armée camerounaise.
En matière de formations, le spectre est très large puisqu’il couvre aussi bien les besoins opérationnels - pour le déminage, la gestion d’une scène d’attentat, l’entraînement des forces spéciales - que les besoins structurels, via l’École d’état-major, l’École supérieure internationale de guerre (ESIG) et l’École internationale des forces de sécurité (EIFORCES). Nous faisons régulièrement des dons de véhicules tactiques, de matériels de transmission et d’équipements de protection aux forces de défense et de sécurité camerounaises. Tout ceci s’inscrit dans le cadre de l’accord instituant un partenariat de défense signé en 2009.
Certains médias ont accusé la France de vouloir déstabiliser le Cameroun en soutenant Boko Haram. Que vous inspire ce type d’accusation ?
Ces accusations sont ridicules. Elles sont colportées par des pseudo-spécialistes, des « panélistes », qui n’ont rien de journalistes. Ces dangereux irresponsables font le jeu des terroristes de Boko Haram avec qui ils partagent d’ailleurs la même haine de l’Occident. La France et le Cameroun appartiennent au camp des États résolument engagés dans la lutte contre la barbarie. Ces criminels tuent à Paris, à Nice, à Fotokol, à Maroua, etc. Nous les combattons ensemble avec une détermination sans faille.
Quel est l’état aujourd’hui des relations entre la France et le Cameroun et quels en sont les axes prioritaires ?
Les relations entre la France et le Cameroun sont excellentes. Anciennes et solides, elles s’appuient sur une solidarité concrète et des échanges humains fructueux. La France est de loin le premier donateur du Cameroun : nous apportons environ 40% de l’aide publique bilatérale au développement (d’après le dernier rapport de l’OCDE). Le Cameroun est le deuxième pays récipiendaire des financements - hors prêts - de l’AFD. Avec le 3ème Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) signé cet été, nous allégeons encore la dette du Cameroun de 400 milliards FCFA, une somme colossale qui sera réinvestie sur 8 ans dans des projets de développement principalement dans les secteurs de l’agriculture et du développement rural d’une part, de l’aménagement urbain et des infrastructures d’autre part. Cette générosité s’explique avant tout par des choix politiques, approuvés par la représentation nationale et l’opinion publique françaises.
Nous sommes plus que jamais solidaires des pays francophones d’Afrique subsaharienne pour des raisons évidentes : nous avons beaucoup en commun et nous partageons les mêmes aspirations à davantage de sécurité et de prospérité. Les échanges humains sont, à mes yeux encore, plus importants. Je suis heureux de constater qu’il y a plus de 7000 étudiants camerounais dans les établissements d’enseignement supérieur français. C’est un peu plus que le nombre total de Français résidents au Cameroun. Mes compatriotes installés de longue date me font partager leur passion pour ce pays, où ils se sentent chez eux grâce à la générosité et à l’hospitalité des Camerounais.
Parmi les Français de passage, je veux également citer l’action des Volontaires Internationaux d’Échange et de Solidarité qui sont plus de 200 chaque année à s’engager dans des chantiers de jeunes et dans l’action sociale au Cameroun. Je forme le vœu que nos relations se renforcent encore davantage pendant mon séjour conformément à nos objectifs communs en faveur de la paix et d’un développement durable et inclusif.