A l’hôtel Mont Febe ce samedi 7 janvier 2017, il fallait adopter un pas mesuré et le geste modéré. Surtout lorsqu’on se retrouvait sur le chemin d’un roi bamiléké, d’un lamidot du Grand nord, d’un Fon du Nord-Ouest ou encore d’un Nkukuma du Centre, du Sud ou de l’Est, etc. A défaut de leur faire la révérence, il fallait s’éclipser ou éviter de trop se rapprocher. Dans tous les cas, la suite du chef était là pour vous rappeler que vous n’avez pas affaire à n’importe qui. Il y avait réunis en ces lieux des chefs traditionnels du Cameroun comme on n’en voit pas souvent. Dans leurs atours traditionnels, ils ne pouvaient guère passés inaperçus.
Un tel arborant une grande gandoura assortie d’une cape. Un autre vêtu d’une veste ou d’un boubou taillé dans l’obom, cette écorce d’arbre bien connue par les peuples de la forêt. Un troisième portant fièrement un chapeau orné de plumes. Difficile de lister toutes les parures vues ici et là : colliers de cauris, talismans, divers bracelets, etc. Voilà pour le côté exotique de la réunion du bureau exécutif du Conseil national des chefs traditionnels du Cameroun. Cette instance regroupe plusieurs personnalités de la République qui y siègent sous leur casquette de chef traditionnel.
D’ailleurs, le président du Conseil s’appelle Alim Garga Hayatou, lamidot de Garoua et secrétaire d’Etat à la Santé publique. Etaient aussi présents le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, chef de 3ème degré du village Nkolandom dans la région du Sud. A ses côtés, Camille Mouthé à Bidias, chef à Bafia et directeur général du Fonds national de l’emploi. Il s’est bien distingué avec son pantalon « bobaraba », son veston au motif de peau d’animal et une canne. Quant à Jean Jacques Ndoudoumou, ex-Dg de l’Agence de régulation des marchés publics, il a porté une veste en obom. Les chefs ont élargi leur réunion aux députés et aux sénateurs ; et le grand invité était le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda.
Dossiers
Il n’y avait finalement rien d’anodin dans le propos de Jacques Fame Ndongo qui a rappelé que le président de la République, Paul Biya, est le « Fon des Fons », c’est-à-dire le roi des rois ; et si on veut le patron des chefs traditionnels, sinon le premier d’entre eux. Au terme des travaux, une motion de soutien a donc été adressée au chef de l’Etat. Pourtant, rien n’a été dit sur la crise sociopolitique qui secoue depuis au moins 2 mois les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les revendications des Anglophones ont débouché sur des émeutes à Bamenda.
Les syndicats d’enseignants et les avocats maintiennent leur mot d’ordre de grève, alors que ce lundi 9 janvier 2017 marque le début du 2ème trimestre de l’année scolaire. En marge des travaux, Le Jour a posé des questions précises au secrétaire général du Conseil national des chefs traditionnels du Cameroun. Il s’agit du Fon Chafah Isaac XI, de Bangolan dans le Ngoketunja, département de la région du Nord-Ouest. Sur le travail fait par l’autorité traditionnelle pour résoudre la crise, il se contente de dire : « Nous sommes ravis que le président de la République ait reconnu qu’il y a un problème anglophone. Il est le bon père qui écoute les problèmes de ses enfants et cherchent des solutions. Une plateforme de dialogue a été créée.
Laissons la travailler pour trouver des solutions au problème. » Sur la contribution que les chefs traditionnels apporte dans cette quête des solutions, le Fon Chafah Isaac XI répond : « les cadres appropriés ont été créés ; les chefs traditionnels sont à l’écoute. Nous sommes prêts à appuyer les institutions de l’Etat. » Il ne dira plus rien. Pour revenir à la réunion de samedi dernier, elle a permis de signer une convention de partenariat entre les chefferies traditionnelles et le ministère de la Santé publique.
D’où la présence du ministre Mama Fouda lors des travaux. L’enjeu est de mettre en place dans chaque chefferie un plan d’action permettant de mener des actions de prévention de la maladie et de promotion de la santé. Le cas échéant, l’administration sera rapidement informée de toute épidémie ou pandémie qui pourrait survenir au sein de la population, et pourra endiguer le mal rapidement. La cible visée étant la mère et l’enfant.
L’autre grand dossier est la transformation du Conseil national des chefs traditionnels du Cameroun. L’idée de créer une Organisation non gouvernementale a été arrêtée. Ainsi, il sera possible de nouer des partenariats à l’international et de trouver des financements à l’étranger. Les chefs traditionnels croient pouvoir obtenir le décret présidentiel qui crée leur Ong. Jacques Fame Ndongo a émis l’idée d’adresser une demande d’aide financière au chef de l’Etat. Paul Biya est bien le chef des chefs. Le détail vaut son pesant d’or.