L’IRD et l’Université de Yaoundé I mènent depuis une dizaine d’années des recherches sur la biodiversité des poissons qui peuplent les ruisseaux forestiers du Cameroun.
Encore mal connue, cette faune, souvent joliment colorée, est menacée chaque jour par la déforestation et par l’utilisation de pesticides pour l’agriculture. Récemment, les chercheurs ont mis en évidence un autre danger pour certaines espèces, le réchauffement climatique.
En effet, en allant observer plus de mille ruisseaux les chercheurs se sont aperçus que la présence ou l’absence des espèces dans ces milieux était dépendante de la température moyenne de l’eau. Certaines espèces supportent de hautes températures (25 à 30°c), on les retrouvera dès les basses altitudes comme sur le plateau littoral par exemple (Douala Kribi Campo).
D’autres espèces ont besoin de plus de «fraicheur» et on ne les trouve qu’à partir de 400 mètres d’altitude (Yaoundé, Eseka, Foumban). Les espèces de ces deux groupes entrent en compétition lorsqu’elles se rencontrent et c’est alors la température moyenne de l’eau qui décide de qui sera le vainqueur et occupera le ruisseau.
Dans un contexte de changement climatique, l’élévation de deux ou trois degrés de la température aura des conséquences importantes sur la répartition des espèces et verra certainement les espèces du plateau littoral venir remplacer les espèces plus en altitude qui vont se retrouver en situation difficile voire disparaîtront.
C’est pour tenter de mieux comprendre ce phénomène, que Jean-François Agnèse, chercheur IRD à l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM) est venu en mission Longue Durée (2 mois) au Cameroun. Avec ses partenaires, notamment A.
Pariselle chercheur IRD de l’ISEM en poste au Cameroun, F. Messu (ENS Yaoundé qui vient de soutenir sa thèse sur le sujet) et C. Bilong Bilong professeur à l’Université de Yaoundé 1, il a entrepris des recherches de terrain dans le but de mieux comprendre les mécanismes d’adaptation à la température de ces espèces afin de pouvoir prédire les impacts du réchauffement climatique et d’être en mesure d’en minorer les effets.
Après avoir démontré récemment que ces différences d’aptitudes à supporter les températures hautes (ou froides) provenaient de capacité métaboliques différentes, les chercheurs veulent maintenant identifier les mécanismes biochimiques en cause.
Plus largement, ces travaux pourraient déboucher sur une meilleure connaissance de la façon dont les animaux à sang froid, poissons, batraciens, mais aussi insectes, s’adaptent à la température de leur environnement.