Actualités of Sunday, 21 October 2018

Source: cameroonvoice.com

Marche à Douala: la ville militarisée, journalistes et manifestants arrêtés

La journée du 21 octobre a été mouvementée au Cameroun. La journée du 21 octobre a été mouvementée au Cameroun.

Journée fatidique, celle du dimanche 21 octobre 2018 l'aura été en tous points dans la capitale économique du Cameroun, Douala, où depuis la veille, un important dispositif militaro-policier a été déployé pour empêcher la marche qui devait se tenir dans cette ville frondeuse à l'appel du député jean-Michel Nitcheu du Social Democratic Front (Sdf), pour dénoncer la mascarade électorale du 7 octobre 2018, soldée tout de même par la victoire à l'arrachée de l'opposant Maurice Kamto, laquelle a été arrachée par le Conseil Constitutionnel avec la complicité de l'organe électoral, du ministère de l'Administration territoriale et de la Commission Nationale de Recensement des Votes, et attribuée au président sortant Paul Biya, 85 ans, au pouvoir depuis 1982.

La forte mobilisation annoncée des citoyens assoiffés de démocratie n'a certes pas été à la hauteur de leur révolte contre la tragi-comédie qui se joue depuis la fin du décompte des votes tendant à créditer Paul Biya d'une victoire avec un score estimé à 71,28% des suffrages. La raison, une mobilisation on ne peut plus impressionnante des éléments de la police et de la gendarmerie, qui ont dans un premier temps pris d'assaut et encerclé le domicile de Nintcheu Jean-Michel, initiateur de la marche.

La seconde mesure pour faire échouer la manifestation citoyenne aura été la multiplication des brouillages de l'Internet et des coupures d'électricités, tel que les usagers ne pouvaient l'utiliser que de manière intermittente.

LIRE AUSSI: URGENT: Maurice Kamto ‘interdit’ de sortie du pays pendant un an

Narcisse Nganchop, coordonnateur du mouvement citoyen Tout sauf Biya arrêté par la police à Douala. Il devait prendre part à la marche de protestation contre le hold-up électoral du 7 octobre dernier. Narcisse Nganchop se trouve en ce moment à la Drpj du Littoral à Douala.

Le militant du mouvement #StandUpForCameroon, #Takumbeng_Bakinien a été enlevé par les gens en tenue ce matin, 21 octobre 2018 à Douala-Dakar alors qu'il prenait des photos relatives à la marche de protestation contre la fraude électorale initiée par le député SDF Jean-Michel Nintcheu. Personne n'a pour le moment des nouvelles du lieu ou dans quelle institution sécuritaire, il a été conduit...Les recherches se poursuivent.

A l'ouvrage, les policiers et gendarmes ont pris la peine non seulement d'arrêter de nombreux Camerounais ayant bravé les interdictions et menaces des autorités administratives et policières de la ville en général et de l'arrondissement de Douala 3ème en particulier, pour participer à la protestation, mais ont fouillé minutieusement tous les véhicules se hasardant dans quelque artère que ce soit de l'arrondissement de Douala 3ème où la circulation était complètement filtrée, en raison des mesures prises par les autorités.

Il faut dire qu'ignorant que l'initiateur Jean-Michel Nintcheu était assiégé à son domicile depuis samedi soir, et ne pouvait donc se retrouver au point de départ de la marche dimanche, les protestataires s'étaient rendus par milliers au Rond-point Dakar pour faire face à la soldatesque de Biya, Atangana Clément, Atanga Nji et consorts. Dans un premier temps, la plupart ont été désorientés par les agents de renseignements généraux qui écumaient les lieux, leur faisant croire que Jean-Michel Nintcheu s'était débiné pour ne pas subir les foudres des forces de répression, et se trouvait bien au chaud dans un hôtel de la place. D'autres faisaient plutôt état de ce que Maurice Kamto s'était désolidarisé de l'initiative du député J-M. Nintcheu.

Il a fallu un démenti fait par des personnes proches de l'organisation de la manif, ainsi qu'un autre émanant du Directeur de campagne du candidat victorieux à la présidentielle mais décrété "irrecevable" par le Conseil Constitutionnel pour que les foules reprennent le chemin du point de ralliement. Mauvaise idée, car à ce moment, la police et la gendarmerie avaient déjà eu la possibilité d'identifier certains, et de mettre sur pied une stratégie d'arrestation des plus isolés, les arrêter au fur et à mesure qu'ils revenaient au Rond-point Dakar, déterminés à faire la marche avec ou sans le député Nintcheu et son Etat-major.

LIRE AUSSI: Crise anglophone: un plan d’arrestation de Agbor Balla démantélé

Il y a un an jour pour jour, le 21 octobre 2017, une manifestation appelée par Jean-Michel Nintcheu pour manifester la solidarité des camerounais francophones à leurs compatriotes anglophones en proie à la répression de l'armée de Biya, avait subi le même traitement. Nintcheu avait été arrêté et assigné à résidence surveillée. Quatre mois plus tard, des groupes armés se créaient dans les régions anglophones pour répondre à la répression sanglante du régime par des actes de terrorisme. S'achemine-t-on vers un remake quand on sait que là où cesse le dialogue commence la guerre?

Dans la foulée, des journalistes ont été arrêtés au même titre que les manifestants et d'autres personnes que la police soupçonnait de faire partie des "fauteurs de troubles", mais qui n'avaient de cesse de protester de leur innocence, parfois preuve à l'appui. Cet autre impair a d'ailleurs donné lieu à un communiqué de Denis Kwebo, président du Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) :

COMMUNIQUÉ

Les autorités camerounaises doivent libérer immédiatement et sans conditions Josiane Kouagheu ainsi que son chauffeur.

Journaliste travaillant pour Reuters et d'autres médias étrangers, elle a été interpellée ce dimanche 21 octobre en pleine couverture d'une marche programmée par le député Jean Michel Nitcheu.

Le SNJC considère son interpellation comme un acte d'enlèvement et une volonté inutile de prendre des journalistes pour cibles faciles.

On ne peut cependant pas manquer de noter qu'au moment ou le voile du soir tombe sur cette journée que l'on annonçait torride, le but visé par l'initiateur de la manifestation aura été d'une certaine manière atteint : faute pour les populations de Douala de s'être déployées pour dire ce qu'elles pensent, l'armée et la police l'ont fait par leur déploiement et leur concentration aussi massifs qu'inhabituels sur les lieux, dénotant ainsi la grande peur panique qui s'est emparée du régime brinquebalant de Biya et de ses garde-chiourmes, qui ne peuvent plus s'appuyer que sur les béquilles de la brutalité sauvage et du musèlement barbare –au nom des lois de la république- d'une population qui leur aurait renouvelée sa confiance à plus de 71%, mais qui est descendue massivement dans la rue publique pour lui signifier clairement sa défiance, avant d'en être chassée par une milice –appelée "forces de l'ordre" dont il ne serait pas excessif de dire que les éléments ont le cerveaux complètement lavés à blanc.

LIRE AUSSI: Climat post-électoral: lettre ouverte à Chantal et Paul Biya

Comme pour dire que malgré le caractère pacifiste des Camerounais qui pensent pouvoir venir à bout de la dictature sans utiliser la violence, contrairement à celle-ci qui est armée jusqu'aux dents et est prête à faire face (ou feu) à toute éventualité, la peur a définitivement changé de camp ! N'en déplaise à ceux qui feignent d'ignorer qu'il n'y a rien d'aussi permanent que le changement.