Selon les informations du confrère Kalara, Zacharie Noah, le père de l’ex tennisman, avait immatriculé en catimini le terrain abritant les tombes de sa famille en son seul nom. Un site que son fils a englobé dans son parc touristique appelé «Village Noah». Malgré son opposition, le tribunal administratif a ordonné l’inscription forcée des noms des frères lésés dans le titre foncier délivré sur ce lopin de terre. Une décision qui ravive de vielles tensions familiales.
Décidément, le «Village Noah», du nom d’un somptueux parc touristique et de loisirs, se trouvant en plein cœur dans le quartier Etoudi à Yaoundé est devenu un passage obligé pour les sommités françaises en visite au Cameroun. Pour preuve : le capitaine de l’équipe de France de football et buteur emblématique du club Paris Saint Germain (PSG), Kylian Mbappe, y a quelques semaines, durant le voyage de trois jours qu’il a effectué dans «le pays d’origine de son père» Etienne, du 6 au 8 juillet. Un an plutôt, exactement le 26 juillet 2022, c’est le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, qui s’y était également rendu lors d’une visite officielle au Cameroun.
Situé non loin du Palais présidentiel, ce «village» construit sur une superficie d’environ trois hectares, dans un style essentiellement traditionnel, comprend des terrains de tennis, de basket, un bar, une piscine olympique, un restaurant, une école primaire et des cases de passage (bungalows) etc., entourés d’une végétation luxuriante. Cet imposant investissement est l’œuvre d’un ancien champion de tennis, Yannick Noah, vainqueur du tournoi Roland-Garros (1983), reconverti chanteur, par ailleurs président du club de foot Vent d’Etoudi.
Mais autour de ce parc d’attraction se déroule une sourde bataille foncière qui oppose le célèbre sportif à certains membres de sa famille, notamment Mme Noah Louise veuve Abanda Metogo et Mme Nga Noah Scholastique. Les deux dames d’un âge plutôt avancé sont en fait les sœurs (biologiques) de l’ex footballeur feu Zacharie Noah, connu du grand public comme le géniteur de Yannick Noah.
Putsch du 6 avril…
Le 13 juin 2023, le Tribunal administratif du Centre a ordonné «l’adjonction des noms» des deux dames dans le titre foncier N°53680/Mfoundi appartenant jusque-là à l’ex tennisman. Le problème, l’un des terrains composant le domaine du «Village Noah», précisément celui abritant «le caveau familial» et l’ancienne «résidence» de feu Noah Bikié Simon, le grand-père de Yannick, a été immatriculé à la demande de l’un de ses fils : Zacharie Noah. Cette procédure a abouti à la délivrance du titre foncier N°53680/Mfoundi au seul nom de l’intéressé.
En 2017, Zacharie Noah est décédé. Et Yannick, son fils, a hérité de lui au moins deux choses : le fauteuil de chef de village d’Etoudi, d’une part, «la mutation» du titre foncier litigieux en son nom propre, d’autre part. Or, avant son décès, les plaignantes lui contestaient déjà la main basse sur le site du caveau familial et de la résidence de leur feu père. Un combat qu’elles ont poursuivi contre leur neveu avec succès en obtenant l’inscription forcée de leurs noms dans le titre foncier querellé.
Les plaignantes, absentes à l’audience, expliquent à travers leur recours introduit le 17 février 2018, qu’ils sont nés six enfants du ventre de leur mère Elisabeth Mekongo dont quatre filles et deux garçons parmi lesquels feu Zacharie Noah. A la mort de leur père, Noah Bikié Simon, commerçant, fusillé malencontreusement le 6 avril 1984 lors du putsch manqué contre le président Paul Biya, des tensions sont apparues au sein de la famille au sujet de l’ouverture de sa succession. Cette situation a duré de nombreuses années. Entretemps, ils s’étaient entendus sur un partage des biens légués par leur père.
De ce partage, chaque membre de la famille avait reçu un terrain, «chacun devant procéder à son immatriculation en son nom propre». Toutefois, le «terrain commun», celui litigieux, «devait être immatriculé au nom de tous les héritiers». Cette entente a fait l’objet d’un «procès-verbal de partage homologué devant le Tribunal de première instance de Yaoundé-centre administratif le 24 août 2005». Malheureusement, «de manière irrégulière, indiquent les dames, l’un des héritiers», Zacharie, «a fait établir le titre foncier sur la parcelle de terre indivis à son nom». Cet agissement, déplorent-elles, «a été fait dans la fraude».
Sans mandat
Lors de son intervention, l’avocat des plaignantes a renchéri : «Le titre foncier N°53680/Mfoundi a été délivré à Zacharie Noah sur la parcelle indivis puis par voie de succession à [son fils] Yannick Noah. C’est le bénéficiaire du titre qui a induit l’administration en erreur», priant le tribunal de faire inscrire les noms de ses clientes dans le document.
Yannick Noah s’est introduit dans la procédure en intervention volontaire. Absent à l’audience, il s’est contenté de dire à travers ses écritures que sa tante, Louise Noah, a d’autorité introduit le nom de l’autre plaignante dans le recours sans mandat. Il priait le tribunal de les débouter. Réagissant à l’observation du tennisman, l’avocat des plaignantes a opposé que même avec ou sans mandat les griefs dénoncés sont manifestes.
Après un premier tour de parole le 24 novembre 2022, le tribunal décidait d’effectuer une «descente sur la parcelle en querelle». Cette mesure d’instruction visait, justifiait-il, à «régler la question de l’effectivité des droits des uns et des autres» et «d’établir la filiation entre les descendants de Noah Bikié Simon». Résumant les résultats de la descente le 13 juin dernier, le juge-rapporteur indique que la «clause N°5» du PV de partage déjà évoqué conforte entièrement les allégations des plaignantes. Suffisant pour que le tribunal oblige Yannick à cohabiter avec ses tantes Noah dans son village.
Ce n’est pas la première fois qu’une querelle opposant les ayants droit de Noah Bikié autour du caveau familial défraie l’actualité. Dans notre édition parue le 30 juillet 2019, nous rendions compte des difficultés rencontrées par les 4 enfants de feue Essengue Jacqueline, la seconde épouse du patriarche, à enterrer leurs morts dans ledit caveau. Ces derniers avaient été expulsés du domicile qu’ils occupaient dans les lieux et ignorés dans le jugement d’hérédité de leur père bien qu’étant ses enfants légitimes et légaux comme l’attestent leurs actes de naissance respectifs. Combien de temps encore resteront-ils éloignés du partage des biens laissés par leur défunt père ?