Au Cameroun, nul besoin de rappeler que l’assassinat de Martinez Zogo a fait et continue de faire grand bruit. Pour l’écrivain Calvin Djouari, pas question de laisser couler comme pour les autres assassinats de journalistes qu’il y a eus lieu dans le pays. Les autorités camerounaises doivent coûte que coûte résoudre cette affaire s’ils ne veulent pas provoquer leurs propres chutes, plaide-t-il.
ASSASSINAT DE MARTINEZ ZOGO,
UNE JUSTICE ATTENDUE PAR LA COMMUNAUTE HUMAINE
" Va au Cameroun, n'aie pas peur des animaux, ils t'épargneront, mais gardes-toi des hommes. " c'est en ce terme que je réponds à des amis qui me parlent ce dernier temps de mon pays. Un pays qui sacrifie ses meilleurs fils ne peut nous pousser qu'à nous révolter. Mais que Dieu préserve le Cameroun. Notre beau pays.
J'ai toujours soutenu ce gouvernement, mais je les mets en garde contre tout risque de désinvolture dans la gestion de ce dossier qui pourrait provoquer leur chute. L'affaire Martinez Zogo ne doit pas faire l'objet de simplification, de distorsion, d'amalgame dont certains communiqués entretenus par l'ignorance et la mauvaise foi, essaient depuis quelques jours de nous éloigner de l'affaire.
Qu'on nous laisse pleurer un compatriote qu'on ne connaissait même pas. Dans la vie, même si une personne est un ennemi, on ira le secourir si on le voyait se faire écraser par une voiture. Nous déplorons le cynisme de nos dirigeants, nous l'avons vu lorsque nous étions étudiants avec la mort de Djengoué Kamga Collins qui, à ce qui parait s'était fait brûler dans sa chambre d'étudiant par les mêmes méthodes. Des atrocités comme celles-là ne peuvent être que l'œuvre des services monstrueux, il y en a eu tant d'autres. Même si nous ne pouvions pas désigner quelqu'un, nous comprenions bien ce qui se passait. Les camerounais ne sont pas bêtes. Voilà que ça continue.
Un crime débile
Nous sommes devant un crime crapuleux, cela ne sert à rien de vouloir les comparer avec d'autres crimes qui se sont déroulés ailleurs ; et même si c'était le cas, on ne doit pas balayer cela d'un revers de la main, comme si Martinez n'était rien parce qu'il n'était pas un haut cadre de l'administration publique. Je m'adresse aux hommes d'Etat : quelles que soient les fonctions que vous occupez dans votre carrière, il faut rester les êtres humains.
On ne peut pas construire le Cameroun en se dissociant des valeurs humaines. Qu'il soit pauvre ou riche, grand ou petit, chaque homme est une personne. Martinez Zogo n'était un intellectuel caraque, mais voilà beaucoup de grands hommes qui sont morts dans la même semaine que lui, mais qui sont passés inaperçus et enterrés dans l'anonymat total.
Faites très attention, ce crime a heurté la conscience de chaque Camerounais et beaucoup d'autres personnes dans le monde, et nous attendons que justice soit faite. Ce crime ne passera pas sans effet s'il y a une mascarade de justice. L'innocence d'un criminel doit obliger des enquêteurs à nous présenter d'autres qui sont les coupables. On ne peut apprécier les hommes qui sont appelés à protéger les plus faibles se permettre de les torturer, de les humilier et surtout de les assassiner.
Beaucoup de voix et de communiqués se font entendre pour tenter de dissoudre ce crime. C'est un crime de trop. Si les choses se sont passées telles que c'est relaté, il faut savoir qu'il y avait certainement un mauvais sort qui planait sur la tête des prévenus et qui les a poussés à commettre sans doute un assassinat crapuleux et débile. Ceci montre très certainement qu'une voix inconnue, justicière a permis d'afficher des délinquants devant le monde entier.
Dans notre pays, des évêques des prêtres ont été assassinés ; celui qui connaît la théologie doit savoir qu'on n'assassine pas un évêque. Celui qui se permet un tel fait a banni sa vie à jamais. Le crime sur Martinez est la suite de la malédiction. Chacun peut lire maintenant et comprendre qui sont ceux qui ont fait des choses horribles dans ce pays. Ce crime est touchant, c'est un crime osé. Nous ne sommes pas à la recherche de la notoriété, nous sommes à la recherche de la justice.
Le Cameroun est un pays propre, qu'on ne vienne pas nous faire croire des inepties. La justice fait son travail, mais tout porte à croire que certains communiqués veulent brouiller ou atténuer les faits. Toutes les dispositions seront prises pour que justice soit faite, nous comprenons bien cette tendance à vouloir jouer sur le temps.
C'est du Cameroun qu'il est question ici, et ce n'est pas un Cameroun avec des telles cicatrices qu'on devrait léguer à la jeunesse, le monde entier suit de très près l'évolution de la situation. Quand j'entends des personnalités dire : " comment peut-on laisser un opérateur économique en prison ? " je suis abasourdi. Voilà les propos des hommes qu'on dit intellectuel et qu'on laisse avec des bouches lippues parler à la jeunesse. Il y a des crapauds dans la conscience de certains hommes.
Les Hommes d'Etat, les Hommes d'Honneur.
La fonction de ministre est une fonction de dignité et tout ministre qui n'a pu respecter sa fonction doit répondre. On attend que la justice soit dite, et nous l'attendons chaque jour.
Pour ce qui est des Hommes d'Etat. C'est-à-dire, les présidents, les ministres, les ambassadeurs, etc. L'exercice de leur fonction leur demande d'être des hommes d'esprit et de culture pour accomplir leur mission. Ils doivent être des hommes de bonne moralité. (Le président Paul Biya l'a été sous Ahidjo, c'est pourquoi il a été désigné comme son successeur.) Il doit être habité par la passion de son travail pour la gestion du bien public. Ils ont été choisi, c'est très certainement à cause de leur parcours irréprochable et à cause des compétences cardinales dont ils ont fait preuve.
Aujourd'hui, nous constatons que ceux qui sont au service de la nation ne pense qu'au pouvoir, ils deviennent des ambitieux sans scrupule. Comment des hommes d'Etat peuvent dans une situation professionnelle quémander des faveurs pour lui ou ses proches. C'est inadmissible, des fonctions qui demandent d'user non pas seulement de discrétion, mais de faire preuve d'honnêteté et d'intégrité. Quel homme d'état au Cameroun peut se prévaloir d'une telle référence ? Nous connaissons des choses, nous voyons des choses, nous entendons des choses.
Au moment où on attend de bonnes nouvelles sur l'avancée de la procédure, on nous pompe des communiqués baroques dont on connaît déjà les formules. L'objectif est-il de préparer l'innocence des prévenus ? Je persiste à dire que le crime de Martinez est un crime crapuleux, rien ne sert à vouloir le masquer, sinon son prix sera lourd. Ils auront ouvert un boulevard à la victoire de l'opposition et c'est la communauté internationale qui reconnaîtra cette fois la victoire indiscutable de l'adversaire.
Ce sera le tournant de cette tragédie. Ce crime aura des conséquences politiques graves s'il est mal géré. Si nos hommes d'état ne savent pas lire les signes des temps, qu'ils comprennent que l'affaire Zogo est une affaire très très sérieuse sur tous les plans.
Nous sommes à un tournant : nous vivons un moment où les jeunes veulent retrouver leur beau pays avec les mains propres. Qu'on remette à la jeunesse un pays propre, si on n'a pu montrer un chemin qui mène au bien. Il faut au moins laisser les gens vivre leur vie dans leur misère. Les hommes d'Etat ne doivent pas contribuer à fabriquer des montres, et organiser les bals des vampires. On ne demande pas de la bienveillance, on réclame justice. Le corps et l'esprit de Zogo sont encore là, son esprit ne montera au ciel que lorsque justice lui sera rendu sur cette terre.
En ce temps de prière, nous nous adressons à Monseigneur Benoit Mballa afin qu'il soit notre intime berger. Où qu'il se trouve depuis son assassinat, qu'il vienne percer l'obscure nuit. Nous savons qu'il est là et qu'il nous bénit.
Qu'il vienne nous défendre contre les félons ténébreux qui rôdent autour des hommes qui prônent la justice. De ces plaisirs perfides dont la mort est le fruit. Oui, qu'il soit proche de nous, qu'il reste avec nous dans cette minuscule terre qui réclame si fortement l'humanisme. Là où il demeure, que son âme plane sur son pays le Cameroun qu'il a tant aimé. Qu'il soit dans l'eau, sous terre ou dans les cieux, qu'il se souvienne que l'être humain est fait pour être aimé.