Dernier présumé à être interpellé dans le cadre de la procédure judiciaire relative à l’assassinat du célèbre journaliste, le maire de la commune de Bibey apparait comme l’une des pièces maitresses qui semble n’avoir pas encore dit tous ses contours.
Convoqué pour la première fois en mi-novembre 2023, dans le cadre de l’enquête liée à l’assassinat du journaliste, lanceur d’alertes et animateur, Martinez Zogo, le maire de la commune de Bibey (département de la Haute-Sanaga), Martin Savom est incarcéré depuis le 19 décembre 2023. L’homme est désormais considéré comme une pièce maitresse du puzzle que constitue l’affaire Martinez Zogo. Les éléments de preuves collectés par les différents juges en charge de l’instruction de l’affaire n’ont pas démenti les présomptions qui pesaient sur l’homme. En compagnie de 17 autres personnes inculpées dans le cadre de l’enlèvement, la torture et la mise à mort de Martinez Zogo, Martin Savom est attendu au Tribunal militaire de Yaoundé le 22 mars prochain.
Les différentes perquisitions effectuées aux domiciles du présumé Martin Savom à Yaoundé comme à Nnanga-Eboko permettent au juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé, Pierrot Nzie d’établir un lien évident entre le maire de la commune de Bibey et l’assassinat de l’ancien chef de chaine de la radio urbaine « amplitude Fm », Martinez Zogo. Les juges militaires ont en effet découvert des images de tortures du journaliste dans l’un des téléphones de Martin Savom. Il est aussi établi que Martin Savom qui ne fait aucun mystère de sa proximité avec des cercles d’influence au sein de la présidence de la République s’est retrouvé sur les lieux de la torture de Martinez Zogo.
Connexion maffieuse
Martin Savom a longtemps nié sa proximité avec le Lieutenant-colonel Justin Danwe, présenté comme le chef du commando de l’opération ayant entrainé à la mort de Martinez Zogo, avant de capituler devant les faits collectés par les enquêteurs. L’ordonnance de renvoi produit par le juge d’instruction militaire, Pierrot Nzie souligne la forte prégnance de Martin savom dans l’enlèvement, la torture puis la mise à mort de Martinez Zogo.
Selon l’ordonnance de renvoi, Martin Savom et le Lieutenant-Colonel Justin Danwe se sont rencontré à plusieurs reprises. Les investigations menées par les enquêteurs de la gendarmerie et la police permettent au juge que les deux hommes se sont également rencontrés le jour de l’enlèvement de Martinez Zogo, le 17 janvier 2023. Des rencontres qui ont débutées bien avant la date fatidique du 17 janvier 2023 et se sont poursuivies après. Il est aussi établi que Martin Savom est la dernière personne, parmi les présumés, à avoir été en contact avec le journaliste et lanceur d’alerte Martinez Zogo. Selon le rapport d’enquête, il apparait que les agissements du présumé Martin Savom ont aiguisé la curiosité des enquêteurs. Après la perquisition effectuée à son domicile de Yaoundé, le, maire de la commune de Bibey s’est empressé d’évacuer sa résidence de Nnanga-Eboko. Du coup, l’homme Savom apparait pour le juge d’instruction Pierrot Nzie comme la pièce centrale de cette tragédie qui ébranle le Cameroun depuis plus d’un an. Une année entière, au cours de laquelle les investigations ont connu des atermoiements.
De témoin à suspect
L’interpellation de Martin Savom par les éléments de la gendarmerie nationale, dans la nuit du 6 au 7 décembre 2023, alors qu’il essayait la ville gabonaise de Bitam est un indicateur de marque pour les juges du Tribunal militaire de Yaoundé. Qui décident alors de refermer l’étau sur lui. L’arrestation de Martin Savom intervient dans un contexte de confusion. Au même moment, le juge d’instruction décide de libérer l’ancien directeur général de la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre), le commissaire Maxime Eko Eko ainsi que l’homme d’affaire, JeanPierre Amougou Belinga. Contre toute attente, le juge se rebiffe et décide de maintenir les deux présumés dans leurs cellules à la prison centrale de YaoundéKodengui. Dans le même temps, Martin Savom, jusque-là considéré comme suspect a désormais le statut de suspect de premier plan dans l’enlèvement, la torture puis l’assassinat de Martinez Zogo.
Pour le juge d’instruction, tout est désormais clair. Les dénégations du présumé Martin Savom ne viennent que conforter sa conviction. L’ordonnance de renvoi produit à cet effet démontre par ailleurs que l’homme qui soutient avoir été dans sa commune les 16 et 17 janvier 2023 donnait en fait un témoignage édulcoré. Les enquêteurs démontrent que Martin Savom était dans la ville de Yaoundé le jour de l’enlèvement du journaliste et lanceur d’alertes, Martinez Zogo.
Quand Martin Savom indique n’avoir pas été en contact avec Martinez Zogo « depuis longtemps », le juge d’instruction lui oppose les derniers appels ainsi que leur rencontre physique le jour même de l’enlèvement du chef de chaine de la radio Amplitude Fm. Martin Savom a autant de mal a réfuté sa proximité avec le chef du commando, le Lieutenant-Colonel Justin Danwe. Une fois de plus, le système de géolocalisation utilisé lors de l’enquête permet de démontrer que le maire de la commune de Bibey et l’officier et chef des opérations à la Direction générale de la recherche extérieure, le Lieutenant-colonel Justin Danwe étaient bien ensemble ce 17 janvier 2023. Il est même démontré par le juge d’instruction que la rencontre entre les deux hommes, au quartier Nlongkack était celle au cours de laquelle une importante somme d’argent a été décaissée par le maire de Bibey, dans un serveur avoisinant, puis partagé aux hommes du commando.
Embarras à Etoudi
C’est peu de dire que le cas Martin Savom suscite un embarras certains au palais présidentiel à Etoudi. L’homme sur lequel pèsent désormais des présomptions d’assassinat dans l’assassinat de Martinez Zogo y a des entrées. Sa proximité avec certaines personnalités influentes des lieux est un secret de polichinelle. D’ailleurs, le maire de Bibey jouissait luimême de certaines coudées franches au palais et dans certains cercles de prise de décisions. Depuis son incarcération, la relative quiétude qui caractérisait l’homme semble pourtant amoindrie. L’homme dont l’exubérance dans la capitale faisait des envieux et des sbires est désormais chuchoté dans les milieux huppés de la capitale, Yaoundé.
Visiblement lâché par ses proches, Martin Savom, selon des indiscrétions relatées par des sources proches du palais, essaye le baroud d’honneur, depuis sa mise en mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé-Kodengui. Dès les premiers jours, l’ancien « homme fort de la capitale » a essayé de se soustraire aux convocations du juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé, Sikati II Kamwo. Le report d’audition qu’il sollicite pour sa convocation du 22 novembre a pour objectif de se donner le temps d’activer le réseau d’influence autour duquel il gravite depuis quelques années. Une initiative qui n’aboutit visiblement pas à l’objectif escompté. Les soutiens d’hier s’étant murés dans un silence pesant.
Magistrat ciblé
Puis le maire de Bibey, présenté comme un proche de la défunte mère de la première dame essaye de joindre l’épouse du chef de l’État. Une tentative sans effet escompté. Au palais, le cercle rapproché de la première dame voit d’un mauvais œil son nom être impliqué dans une affaire d’assassinat aussi odieux. Faisant face aux réserves des proches de la première dame qui refusent de la mêler aussi scabreuse qu’invraisemblable, Martin Savom essaye une autre approche. Le maire de la commune de Bibey rédige une correspondance destinée au président de la République.
Dans un style qui lui est particulier, il met en cause le magistrat instructeur de l’affaire. Le juge en charge de l’instruction est alors accusé de manœuvrer pour impliquer la première dame dans l’assassinat de Martinez Zogo. La pilule est autant grosse qu’amer au palais. Dans le sérail, les hommes proches de Martin Savom reculent. D’autant plus que la première dame, désormais au fait de la situation exige que l’on laisse la justice faire son travail. Dans le même temps, certains demandent la libération de l’ancien directeur général de la Direction générale de la recherche extérieure, Maxime Eko Eko ainsi que celle de l’homme d’affaire, Jean-Pierre Amougou Belinga. La levée d’écrou signée quelques temps avant sera annulée sans autres formes de procès. Au palais, les consignes sont claires : il faut en finir avec cette affaire qui suscite des passions au sein de l’opinion.
Récidive
C’est que le maire de Bibey, Martin Savom traine une réputation d’homme sulfureux et imprévisible. Au palais, certains se souviennent désormais que l’homme a déjà séjourné deux fois à la prison centrale de Yaoundé-Kodengui. Alors même que le fils de Mimbang, arrivé dans la capitale sous l’aile de l’ancien maire Ayem Mony, est passé au scanner par les stratèges du palais, l’on se souvient qu’il a eu à faire à la justice pour des faits d’usurpation de titre, d’abus de confiance et d’escroquerie. L’anecdote de l’un de ses faits d’armes se susurre dans les salons huppés de la capitale. Incarcéré dans le cadre d’une scabreuse affaire de vente de places de concours dans les grandes écoles, l’homme à la lumineuse idée de solliciter la mère de la première dame. Il lui promet alors une information sensible et de première main. La dame à laquelle des connaissances attribue une propension maternelle certaine écoute l’homme qui lui raconte alors une histoire de coup de force était, selon lui, en gestation au sein de la prison centrale de Yaoundé. Endroit dans lequel séjourne alors le gros des prisonniers de l’opération Épervier. De fil en aiguille, la vieille dame pris de compassion prend l’homme sous son aile. Martin Savom ne retournera d’ailleurs pas dans sa cellule sur ce coup.
Considéré par de nombreux observateurs comme un « homme d’influence » , au sein du palais présidentiel ou on lui prête de nombreux soutiens, parmi les cadres les plus influents, le maire de la commune de Bibey, Martin Savom que ses proches appellent « Koko » (la locomotive), fait assurément partie, selon l’ordonnance de renvoi produit par le juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé, des principales pièces qui constituent l’engrenage ayant enlevé, séquestré, torturé et mis à mort le journaliste, lanceur d’alerte et animateur, Martinez Zogo.