Actualités of Monday, 15 February 2016

Source: L'Oeil du Sahel

Mora : 'Les élites ont politisé la lutte contre Boko Haram'

Mohamed Ahmed, représentant des comités de vigilance de Mora

Avec la recrudescence des attaques de Boko Haram , comment s’organisent les comité de vigilance sur le terrain ?
Avant toute chose, je tiens à dire que les comités de vigilance de la ville de Mora abattent un travail énorme dans la lutte que nous menons contre Boko Haram . Notre travail est organisé de telle sorte que les membres du comité de vigilance sont programmés de façon rotative sur le terrain. C'est-à-dire, il y a une équipe qui commence le travail de 7h à 17h 30, une deuxième équipe prend le relai de 18h à 1h du matin, et la troisième, elle, assure la garde de 1h à 7 h du matin. Nous faisons le tour chaque fois pour nous rassurer que l’équipe programmée a effectivement pris la relève.

#BokoHaram Le cas échéant, on prend des dispositions pour que le travail ne souffre d’aucune entorse. Les difficultés existent évidemment. Elles sont d’ailleurs très nombreuses. Généralement, quand vous travaillez avec des gens, il y en a qui mettent l’argent avant toute autre chose. Mais au vu de la situation actuelle, même si tous les Camerounais faisaient partie de notre comité de vigilance, ça ne suffirait pas. Malgré tout, on se bat à notre niveau pour pouvoir protéger les populations. A Mora, on a beaucoup d’entrées à surveiller de jour comme de nuit. Les terroristes peuvent venir notamment de Banki, de Kolofata, de Koza, etc.

Quelle appréciation faites-vous de l’appui que vous apporte le gouvernement dans le combat contre Boko Haram à Mora ?
Tout récemment, on a eu à primer des membres des comités de vigilance dans le département du Mayo-Sava. Mais nous avons été surpris que seuls ceux de Kolofata, de Limani, de Bondéri, aient été pris en compte. La ville de Mora n’a eu aucun bénéficiaire. N’y a-t-il pas à Mora, des comités de vigilance ou alors est-ce une manière de dire que ce sont uniquement ceux des autres localités qui font du bon travail ? Jusqu’à présent, on se pose la question. Tout ce qu’on nous a dit, c’est qu’une certaine élite du Mayo-Sava est allée confectionner les listes à Yaoundé. Mais nous ignorons toujours son identité. Tout ce qu’on observe, c’est cette discrimination terrible, je dirais même une injustice à l’endroit des membres des comités de vigilance de Mora.

Car eux aussi, ont donné de leur vie pour protéger les autres. A notre connaissance, Bondéri n’a pas de comité de vigilance. Grande a cependant été notre surprise de savoir qu’il y a des gens de cette localité qui ont été primés, alors qu’à Mora, il n’en est rien. Mettez-vous une seule minute à la place des personnes qui abandonnent leur famille à 2h du matin pour aller en brousse, et sans le matériel nécessaire. Un grand nombre d’entre eux sort la nuit sans la moindre torche pour faire face à l’ennemi. Ici à Mora, tout est politique et politisé et c’est dommage que les élites politisent même la lutte contre Boko Haram . Il est aussi constant que le matériel de travail mis à notre disposition par le gouvernement, notamment des bottes, des machettes, des détecteurs de métaux, demeure largement insuffisant.

Qu’avez-vous fait en tant que porte-parole des membres des comités de vigilance afin que l’affaire des primes soit prise en considération par les autorités ?
En tant que porte-parole, nous nous sommes rapprochés des autorités locales pour en avoir le coeur net. Elles nous ont dit que l’affaire n’est pas gérée à leur niveau ; et que les listes viennent de la Présidence. A cause de cette injustice, certains ont voulu se révolter et même menacé de jeter l’éponge. Pas plus tard qu’hier (30 janvier 2016, Ndlr), nous avons tenu une réunion avec les membres des comités de vigilance pour leur rappeler les missions qui sont les nôtres et surtout, l’importance de notre travail quand bien même celui-ci n’est pas reconnu. Le plus important, c’est que nous luttons pour notre patrie et l’histoire le retiendra pour toujours. Si aujourd’hui, il n y a pas eu d’attentats à Mora, c’est en partie grâce à notre efficacité sur le terrain. Dans la ville de Mora, nous sommes 168 membres de comités de vigilance. Et chaque jour, ces personnes travaillent là où on les a placées. Elles fouillent des usagers qui entrent et sortent, parce qu’on ne sait jamais.