Actualités of Thursday, 1 August 2024

Source: www.camerounweb.com

Nécrologie: le Cameroun en deuil, un membre du gouvernement sort de son silence

Jean de Dieu Momo inconsolable Jean de Dieu Momo inconsolable

Le ministre Jean de Dieu Momo a exprimé sa tristesse et sa douleur à l'annonce du décès de Suzanne Kala Lobe, une figure du journalisme camerounais et militante des droits humains. Il a souligné la perte immense que représente cette disparition pour le Cameroun.

Jean de Dieu Momo a connu Suzanne Kala Lobe sur les plateaux télé à Douala, où il a eu le privilège de partager plusieurs émissions avec elle. Il a été impressionné par son intelligence vive, sa sobriété vestimentaire et son agressivité verbale. Suzanne Kala Lobe était également une grande lectrice qui, un jour, lui a fait un compliment sur un article qu'il avait écrit dans le journal Le Messager. Ce compliment, rare de la part de Suzanne Kala Lobe, a été une source de grande fierté pour lui.





« J’apprends avec tristesse et douleur le décès d’une véritable icône du journalisme camerounais: Suzanne Kala Lobe, militante des droits humains

Quelle perte pour le Cameroun entier!

J’ai connu Suzanne Kala Lobe d’abord sur les plateaux télé à Douala. J’ai eu le privilège de partager plusieurs plateaux télé avec elle sur des sujets variés et j’ai toujours été séduit par son intelligence vive, sa sobriété vestimentaire mais surtout par sa révolte et son agressivité verbale.


C’était aussi une grande lectrice qui un jour m’a fait un compliment sur un article sur j’avais écrit dans le journal Le Messager (ou La Messagère, ou le Message, ou la Messagerie ? Je ne sais plus car pendant ces années de censure des journaux Plus Njawe avait plusieurs titres en sorte que si le Messager était suspendu le lendemain c’est la Messagère qui paraissait aux couleurs identiques !).


Suzanne Kala Lobe était avare de compliments comme chacun sait et j’ai été surpris qu’elle m’en fit un, elle qui d’ordinaire inspirait crainte et méfiance car on ne savait jamais par avance à quelle sauce elle allait vous manger. Aussi lorsqu’elle ma fait ce compliment sur la qualité de mon texte, j’en ai éprouvé une grande fierté, comme un élève auquel le professeur venait d’attribuer une bonne note.


Suzanne Kala Lobe était avec nous dans ces années de braise et d’émulation politique et démocratique. Les années 90. Les années de grandes mobilisations politiques. Les années d’apprentissage démocratique aussi et de liberté d’expression qui ont suivi l’ouverture de plusieurs chaînes de télévision privée et de plusieurs tabloïdes. Les années de la sainte Trinité pour désigner les trois journaux les plus hostiles au régime: le Messager de Plus Njawe, la Nouvelle Expression de Séverin Tchounkeu et Challenge Hebdo de Benjamin Zebaze .


Ces années de censure dans les journaux où nous achetions des journaux avec des passages hachurés, censurés! Oui malgré la censure administrative du MINAT de l’époque, les propriétaires de presse publiaient in extenso leurs journaux avec les passages hachurés. C’était beau. C’était excitant. Nous les préférions même aux journaux qui n’avaient pas été censurés car nous voulions découvrir ce qu’on voulait nous cacher ! C’était aussi les années de distribution des tracks dans la rue à 4 h du matin.

On se réveillait le matin et on trouvait des tracts dans la rue qu’on s’empressait de ramasser la peur au ventre que les autorités nous surprennent! Ensuite on se les passait sous le manteau les uns les autres. Nos soupçons pesaient sur Mboua Massok comme étant l’instigateur de ces tracts. Ou sur Ekane Anicet. C’était forcément l’un ou l’autre sinon les deux ou l’un des leurs! En tout cas c’était un secret de polichinelle car chacun savait que c’était eux les coupables.

C’étaient de belles années où les jeunes s’agglutinaient devant les kiosques de journaux pour en lire les titres et aller faire les commentaires dans les quartiers. Ces années où je me suis ruiné en achat de tous les journaux aux titres accrocheurs ou dans lesquels j’avais publié mes écrits de la dissidence !

Nous nous retrouvions régulièrement au siège du Manidem chez Ekane Anicet avec Suzanne Kala Lobe pour poser les jalons du changement démocratique et pour construire le Cameroun de demain. J’aimais la pertinence de ses interventions jusqu’à l’acidité de ses attaques et charges verbales! Il n’était pas prudent d’être son adversaire dans les jouxtes oratoires!
Une femme passionnée et passionnante que le Cameroun vient de perdre.

Vas et repose en paix Suzanne Kala Lobe. Partie trop tôt à la fleur de l’âge, au moment où la science de l’intelligence artificielle et des découvertes pharmaceutiques promettent une rallonge de vie à plus de 100 ans.
Que valent une soixantaine d’années face à l’éternité de la vie?«