Jeune Afrique a consacré un grand dossier sur Lucas Ayaba Cho. Le magazine estime que ce dernier malgré tout reste un dirigeant contesté
Certains dissidents remettent en question les méthodes de Lucas Ayaba Cho. En septembre 2022, le leader séparatiste a lancé une vaste opération d'enlèvements contre rançon à Bali Nyonga, dans le Nord-Ouest, ce qui a provoqué la colère des Buffles de Bali Nyonga, un groupe armé local. Lucas Ayaba Cho a proféré des menaces à leur encontre pour avoir fait échouer plusieurs de ses activités. Bah Nji, président de Bali Nyonga, a mis en garde sur l'Ambazonia Broadcasting Corporation, un site d'information ambazonien : "Toute tentative d'Ayaba Cho, et de ses sbires, de semer la discorde entre les combattants de la liberté à Bali sera férocement traitée par tous les moyens possibles.", précise Jeune Afrique.
Ayaba Cho a adopté une propagande et une rhétorique intransigeantes qui visent à motiver des positions extrêmes. Ses hommes ont mené plusieurs opérations de grande envergure dans les départements de Boyo, Donga-Mantung, Mezam, Ngo-Ketunjia et Mémé, parfois en collaboration avec les indépendantistes nigérians du Biafra. Dans une vidéo publiée le 11 février sur les réseaux sociaux, la milice de l'AgovC a revendiqué l'attaque contre des travailleurs de la Cameroon Development Corporation (CDC), tuant cinq civils et en blessant des dizaines d'autres. On se souvient également de l'assaut en novembre 2017 qui a entraîné la mort de trois gendarmes et d'au moins un civil dans la région du Nord-Ouest, ainsi que de l'assassinat en mars 2018 d'un délégué du ministère des Affaires sociales, Animbom Aaron Ankiambom.
L'AgovC contrôle notamment la SCYL, la ligue de la jeunesse, le Conseil national du Cameroun méridional (SCNC), le Mouvement pour la restauration du Cameroun méridional (Scarm) et l'Organisation des peuples du Cameroun méridional (Scapo). Il compte une vingtaine de partenaires de lutte, tels que la Southern Cameroons Civil Society Consortium (SCACSC) ou l'Ambazonia Coalition Team (ACT). Cependant, Lucas Ayaba Cho est contesté au sein même du mouvement anglophone et séparatiste, notamment en raison de ses méthodes.
"Félix Agbor Balla, avocat, explique que la violence ne peut engendrer que la violence et qu'elle ne peut pas résoudre un problème. Elle ne peut pas être une règle, mais doit plutôt être une exception." Selon Capo Daniel, un autre leader sécessionniste contacté par Jeune Afrique, Lucas Ayaba Cho n'a pas réussi à faire des compromis et n'a pas su amener le mouvement ambazonien à quitter le "champ de bataille" pour la "table des négociations". "Ayaba a cru en la propagande et a adopté une rhétorique intransigeante qui vise à motiver des positions extrêmes et incompatibles avec la compréhension internationale de la situation", déplore-t-il.
Lucas Ayaba Cho est-il pour autant menacé ? Est-il possible de le mettre de côté au profit d'autres Ambazoniens adoptant des méthodes différentes ? Capo Daniel déclare déjà avoir "repris le rôle de leader principal" et être "le nouveau chef de la guerre pour la libération d'Ambazonie". L'intéressé n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations. Cependant, cette vision ne semble pas être partagée par les autorités camerounaises, bien que certains hauts responsables de Yaoundé se accommodent parfaitement du conflit en cours. Pour l'instant, l'ancien réfugié de Norvège reste officiellement l'ennemi public numéro un du pouvoir et de son éternel tenant, Paul Biya.