Actualités of Monday, 2 December 2024

Source: www.camerounweb.com

NOSO : entre armée et séparatistes, le piège des populations

Image illustrative Image illustrative

Dans une enquête bouleversante, Jeune Afrique dévoile le quotidien impossible des habitants des régions anglophones, pris entre le marteau des séparatistes et l'enclume de l'armée camerounaise.

Jeune Afrique documente la transformation dramatique de la région. La bourgade d'Alabukam, qui comptait autrefois un millier d'habitants, est désormais un quartier fantôme. Les bâtiments publics sont abandonnés, des maisons calcinées bordent des routes en piteux état. Le temps semble s'être arrêté depuis 2016, année du début de la crise sociopolitique qui a dégénéré en conflit armé.
Dans les rues de Bamenda, la vie urbaine a complètement été réorganisée par la menace. Les "villes mortes" imposées chaque lundi sont scrupuleusement respectées. Dès le coucher du soleil, la ville s'endort, à l'exception de quelques quartiers où les plus fortunés ont pu se réfugier.

Jeune Afrique révèle un mécanisme kafkaïen qui place les populations dans une situation intenable. D'un côté, les séparatistes imposent une "taxe de libération" avec des amendes sévères pour les récalcitrants. De l'autre, l'armée interpelle et emprisonne tout détenteur de ce reçu fiscal, accusé de "complicité de terrorisme".
Le journal a rencontré Andrew, un commerçant emprisonné pour avoir simplement possédé un reçu de taxe séparatiste. "Je n'avais pas d'autre choix que de payer cette taxe, sinon ils auraient incendié mon commerce", explique-t-il. Selon ses dires, les trois quarts des 300 détenus de la prison de Bamenda sont emprisonnés pour des motifs similaires.

L'enquête de Jeune Afrique met en lumière l'impact dévastateur du conflit sur l'économie locale. Les commerçants, agriculteurs, et transporteurs sont contraints de payer des taxes à la fois aux séparatistes et de négocier leur survie avec les autorités militaires.

Les checkpoints séparatistes sont devenus une réalité quotidienne. À Alabukam, les "Amba Boys" contrôlent méticuleusement chaque passager, collectant leurs taxes, évaluant chaque marchandise. Les voyageurs doivent slalomer entre les forces de défense camerounaises et les postes de contrôle séparatistes.

Le journal révèle un phénomène d'urbanisation forcée. Le quartier administratif d'Up Station, où se concentre l'armée camerounaise, voit exploser la construction de résidences luxueuses. Les loyers y sont désormais supérieurs à ceux de Yaoundé ou Douala, tandis que les anciens quartiers résidentiels sombrent dans la morosité et l'insécurité.

Jeune Afrique analyse les signes d'un mouvement séparatiste en perdition. Les services de renseignement ont réussi à bloquer la majorité des circuits financiers étrangers. Le flux d'argent de la diaspora s'est considérablement réduit, privant les leaders politiques de leur capacité de contrôle sur les combattants.

L'arrestation de Lucas Ayaba Cho, leader des Ambazonian Defence Forces, en Norvège fin septembre, illustre cette déliquescence. Les autorités camerounaises ont également neutralisé plusieurs commandants séparatistes lors de l'opération "Bamenda Clean" menée par le général Bouba Dobekreo.

Le reportage de Jeune Afrique conclut sur une note amère : l'indépendance tant espérée par les séparatistes semble plus lointaine que jamais. Les combattants, initialement portés par un idéal politique, sont progressivement devenus des groupes criminels, plus préoccupés par leur survie économique que par leur cause initiale.

Un officier camerounais résume tristement la situation : "Il n'y a plus d'idéologie sécessioniste. Ce sont des bandits qui se déguisent en séparatistes pour opprimer la population."