le Dr Martina Lukong Baye range sa blouse
C’est la tristesse qui prévaut au Programme national multisec- toriel de lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile (Plmi). Il est orphelin de sa Coordinatrice depuis le 16 juillet 2022. Le Dr Martina Lukong Baye s’en est allée à Yaoundé, succombant à trois semaines de maladie, d’après nos sources. Durant sa longue et riche carrière, ce médecin spécialisé en santé publique s’est fortement impliqué dans la promotion de la santé maternelle et infantile dans son pays le Cameroun, et au-delà. D’ailleurs, elle milite pour la création de ce programme en novembre 2013. Ce qui en fait d’elle la pionnière». «C’est son bébé» , fait savoir le Dr Jean Christian Youmba, son ancien collaborateur et Global Financing Facility (GFF) Liaison Officer pour le Cameroun. Ainsi, «c’est grâce à la mise en œuvre de ce programme sous sa houlette que le Cameroun a pu enfin réduire la mortalité maternelle de plus de 40 % partant de 767 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2011, à 406 en 2018 après plusieurs décennies ou cet indicateur ne faisait que s’accroitre» , explique le Dr Youmba.
En effet, «La réduction de la mortalité maternelle au Cameroun de 762 à 406 pour 10 000 morts est essentiellement son œuvre» renchérit Raoul Mpondo, le responsable de la communication de ce programme. Pour en arriver à ces impressionnants résultats, celle qui part du poste de Conseiller technique numéro 2 au ministère de la Santé publique pour ce programme en 2014 avait misé sur la communication d’abord. «Elle a compris très tôt que la communication et la mobilisation sociale étaient la clef pour renverser la tendance. Elle a activement participé à l’élaboration des messages de sensibilisation. Pour elle, les radios communautaires étaient indispensables pour réduire la mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile. Je me rappelle qu’on retravaillait les spots et microprogrammes jusqu’à très tard le soir pour que les populations se retrouvent réellement dans les mots et expres- sions» , se souvient encore Raoul Mpondo.
APPORT DES FONDS
Mais ce n’est pas tout. Sa touche dans ce domaine s’étend aussi à l’élaboration du premier plan stratégique de lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile «clair et pertinent». C’est donc «Grâce à son initiative, qu’il a pu être élaboré. Ce qui a suscité l’adhésion de la plupart des partenaires au développement concernés par la problématique de la santé de la mère et de l’enfant» , témoigne le Dr Christian Youmba. Il se souvient aussi que c’est sous son impulsion que le premier dossier d’investissement du GFF a été élaboré et approuvé. Ce qui a donné lieu à un financement «colossal de 127 millions de dollars américains. Ce qui a contribué largement à l’atteinte des résultats palpables que nous observons aujourd’hui » , se réjouit le médecin. Aussi, «Grâce à sa crédibilité, plusieurs bailleurs de fonds se sont mobilisés pour la santé de la mère et de l’enfant et la santé des adolescents à travers ce programme. Le GFF, la banque Mondiale, la banque islamique de développement, la KFW et l’AFD pour ne citer de ceux-là» , indique ce dernier. En fait, «C’est elle le moteur discret qui se cache derrière la majorité des financements reçus pour réduire la mortalité maternelle et néonatale au Cameroun» , conclut le Dr Hemes Nkwa.
Mais son œuvre ne s’arrête pas là d’après les acteurs de la santé consultés. Le Dr Baye a aussi été l’une des personnes à avoir pensé le programme chèque santé implémenté dans les régions du Grand-Nord. «Le chèque santé est l’une des stratégies mises en place avec le concours du Plmi pour la réduction de la mortalité maternelle et infantile. Elle s’est battue pour apporter les fonds et les repartir à travers le pays» , explique Raoul Mpondo. Les fistules obstétricales qui sont une morbidité maternelle ne sont pas en reste. C’est une des conséquences de la grossesse précoce, tardive ou très rapprochée ou encore le travail prolongé. Quand les femmes ne décèdent pas, il y a des risques de fistules.
«Il y a aussi le Pasmni, projet d’appui à la santé maternelle, néonatale et infantile, financé par la BID qui consiste en la mobilisation sociale et l’amélioration du plateau technique des Fosa, la réparation des fistules et la réinsertion de ces femmes dans la société» , liste le responsable de la Communication du programme. Bien plus. «Des équipements santé mère-enfant, des médicaments associés, le mentoring SRMNIA, le PASmni, le Trust Fund, les kits obstétricaux ne sont qu’un petit échantillon des actions qu’elle a poussé sans bruit et dont nous bénéficions, y compris le projet BID» , magnifie le Dr Hemes Nkwa
ELOGES
Incontestablement, c’est donc une amazone de la lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile que le Cameroun perd. En effet, ce combat, «c’était sa raison de vivre» , témoigne Raoul Mpondo. Et le Dr Youmba d’ajouter : «Je suis triste. Nous avons perdu la capitaine de l’équipe contre la mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile au Cameroun. Elle est difficilement remplaçable» . Femme à plusieurs compétences, elle a été diplômée du Cuss. Elle a dirigé le pro gramme national de lutte contre le paludisme à l’époque, la Division de la coopération (Dcoop), la Direction de la Santé familiale (DSF) et a terminé CT2 au Minsanté.
Le Dr Martina Lukong Baye était donc «Quelqu’un qui peut allier compétences académiques et qualités humaines et morales. Il manque au Cameroun des personnes compétentes et intègres et elle avait toutes ces qualités»
«Maternelle» ; « calme » ; «assez discrète», «bienveillante», « elle ne prenait pas les décisions à chaud. Sur le plan professionnel, managérial et humain, le Dr Martina fut “Une femme formidable, toujours à l’écoute de ses collaborateurs. Son souci, les for- mations sanitaires et les populations de l’arrière-pays”, pour Raoul Mpondo ; “quelqu’un de simple, humble, toujours à l’écoute, prête à aider, qui n’aime pas les intrigues et les causeries sans fondements ni substances» aux yeux du Dr Youmba et de bien d’autres.
Ce dernier en quatre ans de collaboration au quotidien a surtout été marqué par “sa passion pour l’atteinte des objectifs. Toujours très matinale au bureau, elle savait être flexible et savait motiver les gens. Nous tous savions tous qui est Martina, ses qualifications académiques et son parcours professionnels exceptionnels. C’est avec beaucoup d’hésitation qu’on voulait prendre la parole pour donner un avis contraire. Elle nous encourageait à le faire. Elle n’hésitait quand il le fallait, d’avouer ses erreurs et d’accepter les orientations des autres”. Il n’oublie pas aussi que “Martina c’était aussi une grande femme de foi en Dieu, au Seigneur Jésus-Christ à qui elle ne man- quait pas de se confier au quotidien. Elle va vraiment nous manquer : son sourire et sa tendresse maternelle vont nous manquer. Celle qu’on appelait affectueusement la mère a donné le sourire a plusieurs par ses conseils et son coaching”.