Actualités of Monday, 23 October 2023

Source: L'Oeil du Sahel

Ngaoundéré : Indemnisations à problèmes à Selbé-Darang

300 parmi les victimes des destructions à venir dans cette zone aéroportuaire sont aux abois 300 parmi les victimes des destructions à venir dans cette zone aéroportuaire sont aux abois

Depuis lundi dernier, certains habitants du quartier SelbéDarang dans la zone aéroportuaire sont en train de passer à la caisse. Ces derniers qui sont au nombre de 159 perçoivent ainsi les frais qui représentent leurs indemnisations pour avoir occupé ce site. Pendant que certains se frottent les doigts, d’autres sont en larmes. Ceux-là qui pleurent au moment où les autres reçoivent leur argent dans la salle des fêtes du Bois de Mardock crient à l’injustice. «Entre l’aéroport et nous, il y a une Route nationale. Regardez bien de l’autre côté de la route où se trouve l’aéroport, il y a une plaque qui indique bien, ‘’arrêté N°00169/MINDCAF/SG/DI/D14/ TNH du 23 août 2018 déclarant d’utilité publique, les travaux de sécurisation des installations de l’aéroport de Ngaoundéré’’.

Vous remarquez qu’effectivement, personne n’a ni construit, ni fait un champ. Pourquoi il n’y a donc pas une telle plaque de ce côté de la route où nous avons investi ? », s’interroge Yérima Abba, un habitant de Selbé-Darang dont le nom ne figure pas sur la liste des personnes à indemniser. Et à un autre de renchérir : «Ce que ces gens ont fait il y a deux ou trois mois, c’est qu’ils sont venus implanter des bornes de notre côté pour dire que nous aussi nous sommes concernés. Ils nous disent que c’est pour le VOR, c'est-à-dire le passage de l’avion pour atteindre sa piste d’atterrissage. On se demande comment peut-on utiliser une largeur de plus d’un kilomètre pour le passage d’un avion pour un aéroport de 3e catégorie. C’est tout simplement de la méchanceté », déplore notre vis-à-vis. Aussi, le véritable problème de ces plus de 300 personnes qui se réclament de cet espace, se situe au niveau de l’indemnisation où leurs noms ne figurent nulle part. Dans cet espace où une école doit être détruite et un centre de santé privé, comme habitants on trouve toutes les couches sociales : commerçants, enseignants du primaire au supérieur, militaires, gendarmes, des hommes de Dieu pour ne citer que ceux-là. Pour le Préfet du département de la Vina, Yves Bertrand Awounfack, ces occupants sont juste de mauvaise foi.

«Ils vous disent qu’il n’y a pas de plaque de leur côté aujourd’hui oui. Mais pourquoi ils ne peuvent pas avoir l’honnêteté de vous dire également que les plaques qu’il y avait de leur côté, ils ont tout coupé ? (Sic) Soyons un peu sérieux et honnêtes : ces centaines de personnes dont vous faites allusion n’étaient pas encore là lorsque la commission est passée recenser les gens en 2019. Aujourd’hui la technologie a évolué ; il suffit de taper sur google et vous aurez les habitations de 2019 jusqu’en 2023 et vous verrez la différence», rétorque l’autorité administrative. Ces «oubliés» estiment qu’il y a un faux qui saute à l’œil : «Comment peut-on expliquer le fait qu’une seule personne sur cette liste représente à la fois dix autres personnes avec un même numéro de Carte nationale d’identité ?», questionne Yérima Abba.

REQUÊTE ET RECOURS

Après s’être réunis en collectif, les habitants «oubliés» ont saisi le cabinet Me Kassiya pour porter leurs voix. Le 2 octobre 2023 ledit cabinet a adressé à Monsieur le Président du Tribunal Administratif de Ngaoundéré, une requête aux fins de sursis à l’exécution du décret du Premier ministre N°2022/4307/PM portant indemnisation des personnes victimes de perte de droits fonciers et/ou de destruction des biens dans le cadre des travaux de sécurisation des installations de l’aéroport de Ngaoundéré. Trois jours plus tard, c'est-à-dire le 05 octobre 2023, le cabinet du Premier Ministre a déchargé une correspondance du cabinet Me Kassiya avec pour objet, “Recours gracieux préalable aux fins d’annulation du décret N°2022/4307/PM du 20 juin 2022’’. Ainsi, pour la partie plaignante, il est juste question de s’appuyer sur l’arrêté N°00169/MINDCAF/SG/D1/D14/ TNH du 23 août 2018 du ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières déclarant d’utilité publique, les travaux de sécurisation des installations de l’aéroport de Ngaoundéré. Considérant l’arrêté N°000161/A/MINDCAF/SG/D1/D 14/OEM du 14 avril 2020 portant prorogation de ladite DUP d’un an, les plaignants estiment qu’il y a caducité selon la loi. «Il est à souligner ici qu’en présence d’un arrêté caduc, comme c’est le cas, le décret de classement de l’immeuble destiné à faire partie du domaine public de l’Etat vaut déclaration d’utilité publique permettant de procéder à l’expropriation en application des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance N°77/2 du 10 janvier 1997», peuton lire dans cette correspondance adressée au Premier Ministre Chef du gouvernement.

LA LOI

Déjà, la constitution dans son préambule dispose de façon expresse que : «La propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer des biens garantis à chacun par la loi. Nul ne saurait en être privé si ce n’est pour cause d’utilité publique et sous la condition d’une indemnisation dont les modalités sont fixées par la loi». D’ailleurs, la loi N°85/009 souligne à travers son article 3 que, «l’expropriation ouvre droit à l’indemnisation pécuniaire ou en nature». Comme pour dire que l’indemnisation n’est pas une faculté, elle est une obligation et une créance objective pour l’exproprié. Aujourd’hui que les indemnisations sont déjà effectives, les personnes dont les noms ne figurent pas sur cette liste sont inquiètes, car elles n’ont pas encore eu le retour de leur recours gracieux auprès du Premier ministre, ainsi que la réaction du tribunal administratif de Ngaoundéré que, les gens passent déjà à la caisse. Ainsi, les «oubliés» demandent juste que la commission descende évaluer leurs différents investissements afin de les dédommager conformément à la loi avant qu’ils ne quittent définitivement ce site. Se demandant ce qui sera fait sur ce site après déguerpissement des populations. «Je ne sais pas ce qui va se passer après. Les gens vont partir et, en attendant, ça restera d’abord comme ça», a chuchoté un membre de la commission.