Elle était attendue le 17 décembre sur le sol camerounais. Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine devait recevoir, à l’université de Buea, ses attributs au cours d’une cérémonie de collation du titre de doctor honoris causa de cette institution universitaire. Tout avait déjà été planifié au niveau du campus de Buea, et du ministère de l’Enseignement supérieur. Seul le Cabinet civil du président de la République n’était pas content.
Et pour cause, l’avion ayant à son bord la patronne de l’organisation panafricaine ne devait pas se poser à Yaoundé. Selon des sources diplomatiques, le trajet communiqué par le cabinet de la présidente de l’Union africaine (Ua) prévoyait un atterrissage à l’aéroport international de Douala, dans la matinée du 17, de l’avion ayant à son bord Nkosazana Dlamini-Zuma, et en provenance d’Addis Abeba où siège l’Union. Puis le départ pour la région du Sud-ouest, et la ville de Buea, où la diplomate de haut rang sud africaine devait assister à la cérémonie de collation de ses attributs de doctor honoris causa. Une cérémonie qui ne se tiendra finalement plus à la date.
Les raisons de cette annulation varient en fonction des interlocuteurs. Au Cabinet civil du président de la République, on dédramatise sous cape, en évoquant la politique interne en Afrique du Sud. La présidente de la Commission de l’Ua est en effet l’ex épouse de l’actuel président sud africain : Jacob Zuma. Le président sud africain, en moins d’une semaine, à changé deux fois le ministre des Finances. Pour le Cabinet civil du président de la République du Cameroun, l’agenda de madame Dlamini-Zuma a été changé pour aider le président Sud africain à resserrer les rangs autour de lui, fortement ébranlé qu’il est par les scandales à répétition.
Bis repetita
Une version qui fait sourire une responsable du ministère des Relations extérieures (Minrex) du Cameroun. Pour ce diplomate qui a requis l’anonymat, « les rapports entre le président Paul Biya et Dlamini-Zuma n’ont jamais été des plus faciles ». Pour nous permettre de comprendre cette relation de « je t’aime moi non plus », le diplomate fait un flashback, car avec cette nouvelle annulation, c’est l’histoire qui se répète.
C’est la seconde fois, en effet, que la présidente de la Commission de l’Union africaine annule un déplacement au Cameroun, après celui d’octobre 2012, explique notre interlocuteur. Cette année-là, le Cameroun avait accepté d’accueillir le pôle Afrique centrale de l’Université panafricaine. La cérémonie officielle qui devait également lancer officiellement les activités des trois autres pôles disséminés en Afrique, devait se dérouler en présence de plusieurs chefs d’Etat africains, dont les présidents Boni Yayi du Bénin, Blaise Compaoré du Burkina Faso, et Macky Sall du Sénégal qui avaient déjà confirmé leur présence, rapporte un ancien officiel du ministère des Relations extérieures du Cameroun. Mais, le président Paul Biya avait trainé à manifester sa disponibilité, et la nouvelle présidente – élue en juillet 2012 – de la Commission avait finalement annulé la rencontre.
Visite de l’immeuble siège
Au Minrex, on rappelle que le Cameroun avait soutenu Jean Ping, ancien ministre gabonais, et président sortant de la Commission, contre Nkosazana Dlamini-Zuma. En juillet 2012, Dlamini-Zuma, ancienne ministre des Affaires étrangères sud africaine, l’emportera, et n’oubliera pas que le président Paul Biya avait préféré son concurrent.
Pour cette nouvelle tentative, les sherpas du président Paul Biya avaient souhaité que la présidente de la Commission de l’Ua se pose à Yaoundé, y reçoive les honneurs dus à son rang, puis en entretien avec le locataire d’Etoudi, et visite l’immeuble-siège provisoire du rectorat de l’Université panafricaine, confié début 2015 au Cameroun. L’immeuble-siège, bâti au quartier Bastos à Yaoundé, sera loué à 700 millions Fcfa pendant deux ans à Rigobert Song Bahanag, propriétaire, en attendant qu’un siège définitif soit érigé non loin de l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen, où l’Etat a acquis deux hectares de terrain pour ce rectorat du campus panafricain.
Des lieux que le Cabinet civil de la présidence de la République aurait aimé faire visiter à la chef de l’Union. En attendant une normalisation des relations entre les deux personnalités, qui ne se sont pas encore rencontrées, Nkosazana Dlamini-Zuma continue de faire savoir qu’elle a de la mémoire, et surtout, la dent dure.