La désignation de plusieurs dirigeants d'entreprises publiques et parapubliques en quelques jours laisse présager de nouveaux chamboulements au sein de l'appareil gouvernemental. Panique dans le sérail.
Jamais, Paul Biya n'avait régler avec une telle diligence des questions de gouvernance. En l'espace d'une semaine, le chef de l'Etat a brillé par un activisme rare. Il a signé trois décrets portant nomination de nouveaux tops managements au sein de certaines sociétés publiques ou parapubliques. Laissant confus ses délateurs, ceux-là mêmes qui l'accusent régulièrement d'être «l'épicentre de l'inertie», au vue des dossiers engageant la vie de la nation, toujours en attente de traitement au palais de l'Unité de Yaoundé.
Les détracteurs du président de la République et l'opinion publique ont donc de bonnes raisons de s'étonner. Ce d'autant plus que les évènements se sont enchaînés vite, trop vite même au goût de certains. Le 22 août, Ernest Dikoum a été, par décret présidentiel porté à la tête Camair-co, la compagnie nationale de transport aérien.
L'ancien directeur régional d'Emirates pour le Sénégal et la Guinée remplace à ce poste Paul Nana Sandjo nommé le 20 juin 2014. Mais, il a surtout hérité d'une structure moribonde avec 30 milliards de FCFA de dette, à peine trois aéronefs et des arriérés de salaires d'un personnel jugé pléthorique (750 employés). Le 23 août 2016, c'est Patrice Melom qui était nommé directeur général du nouveau Port autonome de Kribi (PAK, Sud-Cameroun), au terme d'une session ordinaire du conseil d'administration de l'entreprise publique tenue à Yaoundé.
Aujourd'hui âgé de 53 ans, celui qui était jusque-là coordonnateur du Comité de pilotage de ce chantier industrialo-portuaire aura pour adjoint Harouna Bako, magistrat, par ailleurs procureur général près la Cour d'appel de l'Ouest. Au poste de président du conseil d'administration du PAK, trônera Jean Paul Simo Ndjounou, docteur en droit et économie d'entreprise. Le 08 aout dernier, un décret du président de la République, mettait en place, le conseil d'administration du PAK. Au total, dix personnalités issues de différentes administrations dont la Primature.
Le 24 août 2016, Ngo'o Cyrus a été promu nouveau directeur général du port autonome de Douala (PAD). Une fois de plus, le conseil d'administration du PAD a entériné la décision prise par le chef de l'Etat, quelques heures avant son départ pour la Suisse. Charles Michaux Moukoko Njoh, est maintenu au poste de directeur général adjoint du PAD. Au vue de cette succession d'évènements, et surtout de la célérité avec laquelle ont été traités les différents dossiers, l'on serait en droit de penser que la série de nominations ne va pas s'arrêter de sitôt. Tant il est vrai que d'autres entités étatiques ont besoin de sang neuf et que leur survie en dépend étroitement. Ainsi, au-delà des sociétés publiques ou parapubliques, il ne serait aucunement maladroit, voire hasardeux, de penser que les prochains jours s'annoncent cruciaux pour la survie au gouvernement de plusieurs ministres.
Paul Biya, fidèle à sa logique de «dératiser» son équipe, pourrait logiquement renouveler ses effectifs. Pour tout dire, la perspective d'un remaniement n'est pas à exclure. Elle est même sérieusement envisagée par le président de la République et fortement redoutée par ses collaborateurs, selon des sources bien introduites au palais de l'Unité.
Congrès
Paul Biya travail en effet sur plusieurs dossiers. Sur le plan politique, les préparatifs du congrès ordinaire de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) prévu en septembre prochain à Yaoundé battent son plein au sein de cette formation politique au pouvoir. Et c'est à ce niveau que se jouera l'avenir politique de plusieurs membres du gouvernement. Il est en effet difficile de penser un seul instant que Paul Biya, qui n'a cesse de rappeler les principes de rigueur et de moralisation à ses collaborateurs, en vue de l'atteinte des objectifs d'émergence en 2035, ira au congrès avec des ministres qui, par des actes répréhensibles, sabotent son action au quotidien.
Partant sur cette base simple, les observateurs de la scène politique camerounaise s'imaginent aisément que les jours de certains membres du gouvernement sont comptés. C'est les cas notamment du ministre de l'Eau et de l'Énergie, qui a été questionné par des enquêteurs du Tribunal criminel spécial le 23 mai dernier. Ledit dossier, «volumineux», selon des sources proches du tribunal, porte sur la gestion de la Cameroon Water Utilities (Camwater).
Dans les détails, le rapport des commissaires qui couvre la période du 1er juillet au 31 décembre 2002, évoque des écarts de surévaluation des immobilisations d'un montant de 28 millions 115 mille 135 FCFA, la surévaluation des amortissements chiffrée à 190 millions 875 mille 46Fcfa, un compte de trésorerie non justifié de 345 millions 877mille 681Fcfa, des charges non justifiées s'élevant à 519 millions 347 mille 956Fcfa entre autres. En ce qui concerne l'audit des comptes et des états financiers réalisés aux 31 décembre 2003 et 2004 par le cabinet des auditeurs associés Kpmg, déposé en décembre 2005, cet audit confirme les irrégularités mises en exergue par les commissaires.
Les auditeurs ont constaté des écarts sur la valeur nette des immobilisations entre le fichier et les états financiers. Soit 19 milliards 603 millions en 2003 et 8 milliards 20 millions en 2004, avec des soldes des états financiers supérieurs au fichier. Plus loin, ces experts évoquent des préjudices de 320 mille et 520 mille776 mille FCFA pour ce qui est de la prise en compte des écritures de régularisations identifiées, d'où le travestissement des bilans financiers, concluent-ils.
Détournements
Un autre ministre, André Mama Fouda a perdu aussi le sommeil. Le ministre de la Santé publique, outre sa gestion calamiteuse depuis 2007, avec des incendies à répétition, des grèves des infirmiers et revendications de toutes sortes du personnel médical, des vols de bébés, des arnaques et mauvais accueils des patients dans les hôpitaux, a aussi récemment été épinglé dans le dernier rapport de la Chambre des comptes du Cameroun, pour sa gestion de la Mission d'aménagement et d'équipement des terrains urbains et ruraux (Maetur) d'août 1991 à septembre 2007. Il est à l'origine de nombreux scandales fonciers qui ont vu l'Etat et des communautés autochtones perdre leurs patrimoines au profit des tiers.
Comme dans le cas du lotissement de Ntougou Golf, dans l'arrondissement de Yaoundé 2ème, André Mama Fouda est lui-même le principal bénéficiaire de cette prédation des terres. En outre, le chef de l'Etat songerait à nommer un homme de poigne à la tête du ministère de la Jeunesse et de l'Education civique. Le Sport n'est pas en reste.
La gabegie orchestrés et surtout la surenchère et les retards observés dans le cadre des préparatifs des Can 2016 et 2019 au Cameroun peuvent logiquement amener le chef de l'exécutif à nommer un nouveau ministre. Bidoung Mpkatt, qui est bel et bien en sursis, n'aurait la vie sauve que parce que les délais sont extrêmement courts. Le changer remettrait tout le comité en cause. Une perspective que n'approuverait certainement pas la Confédération africaine de football.
Plusieurs autres ministères sont dans l'oeil du cyclone. Il s'agit Transports où trône Edgar Alain Bebe Ngo'o, en sursis depuis son limogeage de la Défense en octobre 2015 ; Zacharie Perevet de l'Emploi et de la formation professionnelle, Aba Sadou des Marchés publics, Hele Pierre de l'Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable; Jacqueline Koung à Bessike des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières; Jean-Claude Mbwentchou du Développement urbain et de l'habitat, Taïga de l'Elevage, des pêches et des industries animales ; Emmanuel Nganou Djoumessi des Travaux publics; Youssouf née Adidja Alim de l'Education de base et le grand bavard de la République, Issa Tchiroma Bakary, de la Communication. Etc. En tout cas, chaque ministre attend le retour du chef de l'Etat au pays avec une anxiété certaine.