Un nouveau scandale foncier secoue Bastos, quartier huppé de Yaoundé, où British American Tobacco (BAT) se retrouve au cœur d’un conflit de propriété foncière avec le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières (Mindcaf). Le terrain en question, objet de litiges, attire l'attention car certaines personnalités influentes, dont des hauts responsables de la présidence de la République et du gouvernement, y ont acquis des parcelles.
Le début de cette affaire remonte à mars 2024, lorsque le ministre des Domaines, Henri Eyebe Ayissi, décide de retirer à BAT une superficie de plus de 4 hectares, se basant sur un rapport du préfet du Mfoundi qui remettait en question la valorisation de ce terrain datant de 1949. Ces parcelles sont ensuite rétrocédées à des familles locales représentées par Maître Olivier Chi Nouako, un avocat controversé également impliqué dans un précédent scandale foncier à Dikolo, Douala.
Le 20 juin 2024, un nouvel arrêté ministériel (n°01683) est publié, privant BAT de la totalité des 18 hectares de terrain qu’elle détenait à Bastos. Cette décision ouvre la voie à un démembrement du domaine, redistribué à des personnalités influentes, ce qui suscite de vives critiques. Shance Lion de son côté dénonce un "dépeçage organisé" au profit de ces individus.
Face à cette situation, BAT menace d’entamer des poursuites judiciaires contre l’État camerounais et en appelle directement au président Paul Biya. La présidence réagit promptement, avec l’appui des diplomates. Le 26 juin 2024, le Secrétaire Général de la Présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, transmet des instructions fermes au ministre des Domaines, demandant d’annuler l’arrêté du 20 juin 2024 et de restituer les terres à BAT. Ces instructions visent également à rétablir les droits des communautés MVOG BALLA EKOBENA et MVOG EKOBENA, représentées par Chi Nouako, sur une parcelle distincte. Ce dernier est aussi à l’origine de la construction d'un hôtel Marriott à Douala, un projet controversé ayant conduit à la spoliation de terres à Dikolo Bali.
Le 31 juillet 2024, le ministre Eyebe Ayissi revient sur sa décision et annule l’arrêté du 20 juin. BAT obtient alors, le 8 août 2024, un titre foncier pour ses 18 hectares à Yaoundé. Cependant, le 25 novembre, coup de théâtre : le ministre des Domaines change à nouveau de position. Il explique avoir mal interprété les directives de la présidence et maintient finalement la déchéance des droits de BAT sur une parcelle de 4 hectares, décrétée dès le 25 avril 2024.
Ce revirement relance le conflit. Des individus se sont immédiatement rendus sur le terrain pour débuter des travaux, ravivant les tensions autour de la propriété foncière. Eyebe Ayissi affirme que les dispositions de l’arrêté du 25 avril, qui déchoient BAT de ses droits sur 4 hectares, restent valides et continuent de produire leurs effets juridiques.
En réponse, BAT dénonce l’existence d’une "mafia foncière" et appelle à nouveau à l’intervention du président Paul Biya pour faire respecter les instructions présidentielles de juin 2024.