L’initiative qui visait à ouvrir les portes d’Etoudi à la presse privée a été tuée par les réactionnaires du Palais.Quelques temps avant la visite, le 3 juillet 2015, du président français au Cameroun, la présidence de la République décide d’ouvrir ses portes à la presse. L’ambitieuse initiative est pilotée par le Cabinet civil, qui souhaite une large couverture médiatique du séjour de François Hollande à Yaoundé.
Certaines personnalités à la présidence voient même grand. Au-delà de la visite d’Hollande, pourquoi ne pas faire comme dans les pays qui se respectent en créant un pool de journalistes camerounais accrédités au palais de l’Unité et dont le rôle sera de couvrir les activités du chef de l’Etat et accessoirement de son épouse ?
L’idée est inédite. Un tel privilège est d’ordinaire une exclusivité des médias publics, dont Cameroon tribune et Crtv. Joseph Le, le directeur adjoint du Cabinet civil de la présidence de la République est chargé de conduire la mise en place du pool des journalistes de la présidence. La presse camerounaise dans toute sa diversité est représentée. Deux réunions se tiennent à Etoudi avant l’arrivée d’Hollande.
Le moment est solennel. Joseph Le et ses collaborateurs entretiennent les journalistes sur des mesures à observer pendant la visite du président français. Au finish, tout se passe plutôt bien. Des journalistes sont accrédités et reçoivent des dossiers de presse bien faits avant l’arrivée de l’hôte français. Et le jour-J, ils sont convoyés à l’aéroport de Nsimalen pour l’accueillir et prennent part le soir à la conférence de presse qu’il donne avec son homologue camerounais.
L’expérience est rééditée trois semaines plus tard avec la visite au Cameroun du président nigérian, Muhammadu Buhari.
Mais, depuis lors, plus rien. Le pool des journalistes de la présidence a disparu et plus personne ne les accrédite pour quoi que ce soit au palais de l’Unité.
Le dernier événement en date étant la visite de la directrice générale du Fmi au Cameroun.
Seuls la Crtv et Cameroon tribune ont eu droit à l’étape présidentielle du séjour de Christine Lagarde. La presse privée, elle, a été tenue à l’écart. Elle s’est contentée de recevoir par e-mail le toast prononcé par le chef de l’Etat lors du dîner offert à la patronne du Fmi ainsi que quelques photos et de tout ce qui s’est déroulé en dehors de la présidence.
Que s’est-il passé ? Pourquoi le pool des journalistes accrédités à la présidence n’a-t-il duré que le temps de la visite de François Hollande et de Muhammadu Buhari ?
Au début de cette initiative, le Dcc adjoint, Joseph Le, lui-même journaliste de formation se montrait très enthousiaste. Cependant, il n’avait de cesse de rappeler que les choses iraient progressivement et qu’il fallait être patient.
Pour lui, il y avait lieu de tenir compte de deux contraintes : le protocole et la sécurité. Il se disait malgré tout déterminé à faciliter, dans la mesure de ses possibilités, l’accès à l’information présidentielle. L’ancien journaliste de la Crtv s’est visiblement heurté aux réactionnaires du Palais.
Le général Ivo Desancio
Lors des visites d’Hollande et de Buhari, certains journalistes se souviennent d’ailleurs de la rigidité du protocole et surtout d’une sécurité inutilement agressive et susceptible. Pendant la conférence de presse conjointe Biya – Hollande, ils gardent en mémoire les regards obliques que leur jetait le général Ivo Desancio, directeur de la sécurité présidentielle, présenté comme le sécurocrate du régime.
Jean-François Chanon, journaliste au Messager n’est pas surpris par l’échec de cette initiative qui visait pourtant à faciliter l’accès des journalistes à l’information présidentielle. « Je ne suis pas surpris, rigole-t-il. Je savais qu’ils ne pouvaient pas ainsi ouvrir la présidence à la presse privée. Ils ont trop de choses à cacher. En fait, ils pensaient qu’en nous accréditant, ils feraient de nous des communicateurs de la présidence ou des propagandistes. Malheureusement, il y avait des journalistes dans le pool qui ont une forte personnalité et ne peuvent en aucun cas accepter de travailler sous la dictée de qui que ce soit. »
Un autre journaliste accrédité à l’époque à la présidence lors de la visite de François Hollande va plus loin. « La question, analyse-t-il, est de savoir si le présidence du Cameroun est capable de se moderniser. J’en doute. Les habitudes ont la peau dure. Ailleurs, il y a des journalistes qui font toute leur carrière comme correspondants de leurs journaux à la présidence.