Dans l'une des affaires de meurtre les plus célèbres de France, Omar Raddad, aujourd'hui âgé de 59 ans, a été reconnu coupable d'avoir poignardé à mort son employeuse, Ghislaine Marchal, 65 ans.
L'affaire s'est articulée autour d'un message écrit avec du sang sur une porte près du corps mutilé de Ghislaine Marchal : "Omar m'a tuer".
Mais le message contenait une erreur grammaticale flagrante.
Au lieu d'utiliser le participe passé du verbe "tué" (tuée), l'inscription utilisait l'infinitif (tuer).
Les avocats de M. Raddad ont fait valoir qu'il avait été piégé parce que Mme Marchal, une femme riche et instruite, n'aurait jamais commis une telle erreur.
L'affaire a longtemps passionné la France, qui considérait M. Raddad, un immigré morocain, comme une victime de discrimination. Des livres et des films ont dépeint la condamnation comme une erreur judiciaire.
En 1996, deux ans après avoir été condamné à 18 ans de prison, M. Raddad a été partiellement gracié par le président français de l'époque, Jacques Chirac, mais il porte toujours une responsabilité pénale.
M. Raddad a déposé un recours pour que son dossier soit rouvert en juin dernier, après l'apparition de nouvelles preuves ADN.
Les traces de quatre inconnus ont été retrouvées sur les lieux en 2015. L'un d'entre eux, selon les partisans de M. Raddad, est le véritable meurtrier de Ghislaine Marchal.
Un meurtre brutal
L'affaire, qui remonte à 1991, avait secoué la France car le corps de cette femme fortunée avait été retrouvé dans le sous-sol de sa villa sur la Côte d'Azur.Ainsi, le meurtre brutal de Ghislaine Marchal et la condamnation subséquente de son jardinier ont captivé l'imagination populaire et suscité un grand intérêt dans le pays.
Dans un nouveau développement lié à cette affaire, la justice française a décidé de rouvrir le dossier Raddad. Ce dernier clame son innocence depuis près de 30 ans et une éventuelle révision du procès lui permettrait de tenter d'acquitter son nom
Quels sont les détails de cette affaire ?
En 1991, Ghislaine Marchal, 65 ans, vivait seule dans une grande villa et Raddad s'occupait de son jardin.Issue d'une riche famille, Ghislaine Marchal était la fille d'un industriel qui s'engagea dans la Résistance contre l'occupation nazie au cours de la Seconde Guerre mondiale et mourut en déportation. Son second mari était l'héritier d'une fortune industrielle.
Quant à Omar Raddad, il avait grandi au Maroc, ne savait ni lire ni écrire et parlait un peu le français. Il avait rejoint son père, qui avait travaillé pendant des années comme jardinier dans la même communauté sur la Côte d'Azur, selon le journal américain The New York Times.
Très étonnés de ne pas la voir arriver à un rendez-vous, ses amis s'inquiètent et tentent de la contacter. Ils signaleront par la suite à la police qu'ils l'ont trouvée morte, avec de multiples contusions et de multiples blessures, dans une cave annexe à sa villa dont la porte d'accès était bloquée de l'intérieur. Par ailleurs, un lit pliant bloquait la porte soutenue par un tube métallique.
Deux inscriptions en lettres de sang trouvées sur la scène du crime, indiquaient "OMAR M'A TUER" et sur une autre porte "OMAR M'A T".
Cette affaire est restée célèbre en raison du mystère non élucidé entourant le scénario du crime.
Les experts en calligraphie ont été en désaccord au fil des ans sur la question de savoir si les lettres ont été écrites par la victime.
Les procureurs et la famille de Ghislaine Marchal ont soutenu que Raddad, qui était accro aux machines à sous, a attaqué son employeuse par colère lorsqu'elle a refusé de lui donner une avance sur son salaire.
Selon eux, après que Raddad s'est échappé de la cave et l'ait verrouillée de l'extérieur, Ghislaine Marchal aurait tenter d'identifier son meurtrier en écrivant ces deux inscriptions. Mourante, elle aurait également fermé la porte par crainte du retour de son agresseur.
De l'argent liquide aurait été volé dans le sac à main de la victime, retrouvé vide sur son lit.
Mais Raddad a déclaré qu'il était innocent et n'avait aucune raison de tuer Ghislaine Marchal, qui le traitait bien.
En revanche, ses partisans soutiennent que le véritable meurtrier de Ghislaine Marchal a pu placer le lit en face de la porte en quittant la cave, et écrire les deux lettres pour piéger le jardinier marocain.
Ils affirment que le sac à main vide n'est pas une preuve de vol, qu'aucun bijou ou autre objet de valeur n'a été volé, et surtout que ni l'ADN de Raddad ni ses empreintes digitales n'ont été retrouvés sur la scène du crime.
Une France "bouleversée"
Aujourd'hui, quelque trois décennies plus tard, une nouvelle technologie ADN a conduit à un nouveau procès.En 2015, une nouvelle technologie ADN a permis de découvrir les traces de quatre hommes non identifiés sur la scène du crime.
L'avocate de Raddad a déclaré qu'un des experts a alors déterminé la présence de 35 traces de l'ADN d'un homme inconnu mélangé à la deuxième lettre écrite dans le sang de la victime.
Et elle a ajouté : "Cet ADN doit appartenir au tueur", considérant qu'il est peu probable qu'il provienne des enquêteurs ou d'autres personnes ayant contaminé la scène.
Selon la nièce de Ghislaine Marchal, l'avocate Sabine du Granrut, les preuves ont été manipulées avec moins de soin il y a trois décennies.
Les partisans de Raddad, qui a toujours clamé son innocence, espèrent que l'enquête sur cette affaire aboutira à son innocence et à un nouveau procès dans cette affaire, qui semble avoir été réglée juridiquement, mais qui a longtemps troublé la France.
En effet, cette affaire a longtemps troublé la France, pour de nombreuses raisons, dont le fait qu'il s'agissait d'un crime brutal qui s'est déroulé dans un quartier aisé du nord de Cannes, que les principaux protagonistes de l'affaire venaient d'horizons totalement opposés, et qu'il y avait aussi le mystère de la chambre close qui n'a pas été résolu de manière satisfaisante, sans oublier l'inscription de sang qui contenait une erreur grammaticale flagrante.
Cette erreur a soulevé en France des questions sur la classe sociale et la langue, notamment celle de savoir si une femme de son statut social aurait commis une erreur aussi minime ou si l'accusation avait été portée sur le jardinier, facilement condamnable parce qu'il était d'origine arabe.
Les avocats de Raddad ont fait valoir que Marchal, une femme riche et bien éduquée, n'aurait pas commis une telle erreur.
Cette erreur grammaticale est au centre de la bataille judiciaire depuis le début.
Henri Leclerc, l'avocat qui représentait la famille de la victime lors du procès de 1994, se souvient avoir appris le meurtre en écoutant la radio dans sa voiture.
Leclerc ajoute : "Le journaliste a dit que le corps d'une femme avait été retrouvé dans la cave de sa maison fermée et qu'elle avait laissé des traces en accusant son jardinier, et il était étrange qu'il y ait une faute d'orthographe."
C'est une erreur courante chez les écoliers, mais quelqu'un de la classe de la victime peut-il commettre une telle erreur ?
Pour les partisans de Raddad, cette erreur est la preuve que la lettre n'a pas été écrite par Marshal, mais par quelqu'un qui cherchait à piéger le jardinier.
Mme De Granrut a déclaré que sa tante, comme beaucoup d'autres femmes de sa génération, n'était pas allée à l'université.
Les enquêteurs ont trouvé d'autres exemples de la même erreur grammaticale.
"Je ne suis pas sûre qu'au moment où elle écrivait, elle avait en tête toute la grammaire française", a déclaré Mme de Granrut.
Cependant, cette faute d'orthographe a pris beaucoup d'ampleur, et même des décennies plus tard, elle est apparue à la une des livres, des journaux et des réseaux sociaux pour souligner les failles de l'administration de la justice.
Mme De Granrut estime que cela s'est produit en partie parce que sa famille a choisi de garder le silence sur le meurtre. Lorsque l'opinion publique s'est retournée contre eux, dit-elle, les membres de la famille ont brièvement pensé à s'exprimer sur l'affaire, mais ont fait marche arrière.
"Parce que nous n'avons pas parlé, il est devenu plus difficile de parler, et je pense qu'il est trop tard", a déclaré Mme de Granrut, qui a donné quelques interviews ces dernières années.
Condamnation et grâce
Lors de son premier procès, Raddad a été reconnu coupable et condamné en 1996 à 18 ans de prison.Mais en 1998, deux ans après avoir été condamné à 18 ans de prison, Raddad a été libéré à la demande du roi du Maroc Hassan II et a bénéficié d'une grâce partielle du président français de l'époque, Jacques Chirac, mais il n'a pas été acquitté du meurtre.
Il a été libéré de prison, mais sa condamnation n'a jamais été annulée.
Ainsi, Omar Raddad porte toujours la responsabilité pénale du meurtre de Ghislaine Marchal, malgré la grâce présidentielle qu'il a obtenue et qui lui a permis de sortir de prison.
Maître Sylvie Noachovitch, la nouvelle avocate d'Omar Raddad, a déclaré qu'il "souffre toujours, quitte rarement la maison et n'est plus en vie." Il a également déclaré qu'il ne souhaitait pas être interviewé.
Toutefois, a-t-elle ajouté, la décision de réexaminer les preuves lui a donné un nouvel espoir.
"Ce verdict est un pas vers l'annulation de la condamnation, mais la bataille n'est pas encore terminée", a déclaré Maître Noachovitch.
Elle a ajouté qu'elle espérait que la réouverture du dossier permettrait de "corriger l'une des plus grandes erreurs judiciaires du XXe siècle".
D'autre part, la famille Marchal maintient toujours que l'ancien jardinier est coupable du meurtre de l'éminente veuve.
Ils affirment que les traces d'ADN sont contaminées.
"Ce n'est pas un événement du passé avec lequel j'ai appris à vivre, c'est un événement qui revient toujours au présent", a déclaré Sabine de Granrut, en faisant référence au meurtre de sa tante.
Sabine de Granrut, qui dit avoir été très proche de sa tante, se souvient lui avoir parlé au téléphone trois jours avant le meurtre. "Sa voix est encore dans mon oreille", a-t-elle dit.
Henri Leclerc, l'avocat qui a représenté la famille de la victime lors du procès de 1994 qui a inculpé le jardinier marocain, déclare : "Aujourd'hui, lorsqu'on vous demande de donner un exemple de condamnation injustifiée, les gens citent immédiatement Omar Raddad. Il n'y a pas grand-chose que l'on puisse faire aujourd'hui pour changer l'opinion publique."