Condamnés par le Tribunal Criminel Spécial en 2013 à 20 ans de prison ferme pour détournement de 1,7 milliard de FCFA, Jean Marie Atangana Mebara, ancien Secrétaire général de la Présidence et l’ancien Premier ministre Inoni Ephraim, ont vu leur peine confirmée par la Cour suprême le 27 juin 2017. Pour Atangana Mebara, il s’agit de la 3è condamnation après deux premières de 15 et 25 ans respectivement.
Interviewé par BBC Afrique, l’avocat de l’ancien SG/PR parle d’acharnement de la justice.
Question : Comment avez-vous accueilli la décision de la Cour suprême ?
Me Assira : Je ne sais pas ce qu’on peut ressentir d’autres lorsqu’on a le sentiment profond qu’une condamnation a été prononcée à tort, et la Cour suprême a tous éléments pour caser la décision originelle du Tribunal Criminel Spécial (TCS), mais ne le fait pas. Je ne sais pas si on peut ressentir autre chose que beaucoup d’amertume et de déception.
Question : Pourquoi selon vous, la Cour suprême devait-elle acquitter votre client, Atangana Mebera
Me Assira : Il était question de dire le droit sur une affaire particulière. Mon client est poursuivi avec un acharnement que tout le monde a pu constater depuis 2008. Chaque fois qu’une décision favorable est prononcée à son avantage, il y a toujours quelque chose qui se produit et vient contrecarrer le cours normal de la justice.
Donc, là on arrive pour une 2è fois devant la Cour Suprême en espérant qu’elle va pouvoir dire le droit. C’est-à-dire, constater que la décision qui a été initialement prise par le TCS est une décision contestable. Mon client, faut-il le rappeler est poursuivi pour deux chefs d’inculpation dont celui de détournement dit-on, d’une somme de 287 millions de FCFA, qui résulterait simplement du non-respect de la réglementation sur les marchés publics. Or, ladite réglementation ne peut pas aboutir à un détournement de deniers publics, dès lors que les conditions de l’Article 184 du Code pénal ne sont pas réunies. Donc là, en l’espèce, on reproche simplement à quelqu’un de n’avoir pas respecté le processus prévu par le code des marchés publics qui est un décret.
A supposer même qu’il y ait eu une violation dudit code, ce qui est loin d’être le cas- et nous avons pris la peine de le démontrer au tribunal et de le redémontrer devant la Cour suprême- elle ne peut pas constituer un crime condamnable par la loi. Un décret ne peut pas constituer un crime, mais une contravention.
Question : Vous parlez d’acharnement, sur quoi vous appuyez-vous ?
Me Assira : Je laisse toujours le soin à chacun de se faire son opinion. Il va sans dire que l’avocat que je suis aura forcément la suspicion dans son propos, de parti pris. Je ne le conteste pas. Mais je pense que tout le monde peut constater les conditions dans lesquelles ce monsieur (Atangana Mebara Ndlr) est jugé. J’ai l’impression qu’il y a un concentré de notre système judiciaire sur le cas particulier d’Atangana Mebara depuis 2008. Je laisse le soin à chacun de se faire sa propre opinion.
Mais je vous signale en passant que quand il a été acquitté le 3 mai 2012 par le Tribunal de grande instance du Mfoundi, il n’y avait qu’une seule chose à faire : respecter cette décision et le remettre en liberté. Cela n’a jamais été le cas. Au contraire, on l’a empêché de sortir et on a mis à son encontre de nouvelles condamnations qui se sont révélées elles-mêmes tout aussi foireuses que les autres. Dans la même veine, lorsque la Cour suprême, en novembre 2014, se prononce dans un rapport qui est lu publiquement pour dire qu’il doit être restitué dans ses droits, une semaine avant, un décret du Président de la République vient remettre en cause la composition de la Cour suprême.
Elle est totalement vidée de sa composition originelle. On désigne une nouvelle composition qui prend les décisions contraires aux recommandations du rapport initial. Avec tout ceci, comment avoir une autre impression qu’un sentiment d’injustice.