Actualités of Thursday, 6 July 2023

Source: www.camerounweb.com

Otages politiques : Alain Fogué envoie une importante lettre à Laurent Esso

Le professeur Alain Fogue alerte le ministre de la justice Le professeur Alain Fogue alerte le ministre de la justice

Depuis sa cellule à la prison centrale de Yaoundé Kondengui, le professeur Alain Fogue alerte le ministre de la justice sur la détention illégale des militants du MRC qu’il qualifie d’Otages politiques. Il invite le collaborateur de Paul Biya à faire respecter les droits de tous ces détenus qui selon lui, n’ont pas leur place derrière les barreaux.


Objet: Nouvelle alerte sur l’hostilité politico-judiciaire des tribunaux contre les otages politiques du MRC

01- Monsieur le Ministre d’Etat, à travers ma modeste personne les dizaines d’otages politiques du MRC vous ont déjà écrit relativement à leur situation judiciaire surréaliste.

02- Parallèlement, nos avocats réunis au sein du Collectif Me Sylvain SOUOP vous ont informé de l’Avis no 63/2022 du Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire (GTDA) de l’ONU du 04 novembre 2022 qui établit le constat d’illégalité et le caractère arbitraire de nos arrestations, détentions, et condamnations, et que la privation de nos libertés devrait cesser immédiatement depuis et au plus tard dans les délais de six (6) mois qui ont expiré le 04 mai 2023 dernier.

03- Vous trouverez ci-joint un message-fax no 003134/MFX/CAB du 14 septembre 2020 signé du ministre de l’Administration territoriale. Ce document est celui sur la base duquel tous les militants, sympathisants et marcheurs pacifiques ont été arrêtés, torturés, détenus et condamnés par les tribunaux militaires.

04- Ce message-fax daté du 14 septembre 2020 suffit à lui seul à démontrer que nos arrestations suivies de tortures sauvages, nos détentions et nos condamnations sont illégales.

05- Parmi une multitude de preuves tirées des pièces de la procédure auxquelles nous n'avons eu accès bien longtemps après nos scandaleuses multiformes peines, des condamnations par les tribunaux militaires nous avons aussi payé des millions de francs CFA et essuyé des multiples violations des règles de procédure (arrestation des Marcheurs Pacifiques en " flagrant délit" avec procès-verbaux, suivi d’auditions en " enquêtes préliminaires" puis de placements " en détention administrative" sur la base du fameux message-fax illégal ; Soit Fait Retour du Commissaire du Gouvernement ordonnant aux Officiers de Police Judiciaire (OPJ) près de 50 jours après les interpellations illégales en flagrance opérées entre le 18 et le 22 septembre 2020, de falsifier les Procès-verbaux (PV) afin de sauver la procédure, et enfin retour en procédure pénale après près de 50 jours de " garde à vue" hybride; la violation de l'article 221(2) du Code de procédure pénale au terme des six premiers mois de la détention provisoire, etc.

06- Le message-fax est illégal. En effet, il viole l'article 6 de la loi no 90/47 du 19 décembre 1990 portant état d'urgence. Au terme de la loi no 90/55 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques, le Sous-Préfet a une compétence liée en matière desdites réunions et manifestations. Aussi, n’y a-t-il qu'en cas d’état d’urgence déclaré par le Président de la République que le ministre de l’Administration territoriale (MINAT) peut par arrêté (article 6 de la loi no 90/47 du 19 décembre 1990 relative à l'état d’urgence) instruire aux autorités administratives de mettre en détention administrative des citoyens.

07- Outre le fait qu'un message-fax ne saurait avoir la valeur juridique d'un arrêté faut-il noter que cet acte du MINAT ne vise pas de décret présidentiel portant état d'urgence. En conséquence il est de façon irréfragable illégal et donc n'aurait jamais dû servir de base ni administrative ni juridique à nos arrestations, détentions, jugements et condamnations dans un Etat de droit.

08- Ce message-fax viole également l'article 6 de la loi no 90/55 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et des manifestations publiques, qui dispose en son article 6 (1) que le régime des réunions et des manifestations publiques est la déclaration. En effet, le MINAT y prescrit d'interdire les MANIFESTATIONS NON AUTORISEES alors que le régime des réunions et des manifestations en République du Cameroun est celui de la DECLARATION.

09- Nonobstant l’illégalité de ce message-fax, en totale violation du Code de procédure pénale (CPP), les OPJ, Commissaires du Gouvernement, juges d'instruction, les juges des tribunaux militaires, les juges des Cours d’appel, qui doivent enquêter, instruire et juger à charge et à décharge dans une stricte loyauté envers les parties au procès, ont quand même trouvé le moyen de nous séquestrer, de nous juger et même de nous condamner à de très lourdes peines de prison.

10- Plus grave, ayant saisi les juges de l'Habeas Corpus après nos condamnations arbitraires et illégales à plus d'un titre sur la base de l'article 554 du CPP et produit ce message-fax illégal du MINAT que d’ailleurs détenaient les OPJ qui nous ont arbitrairement arrêté et le Ministère public, depuis le début de nos procédures, en totale violation de l'article 585(4) du CPP qui dispose " Si l’arrestation ou la détention PARAIT ILLEGALE, le Président statue et ordonne la libération immédiate de la personne détenue.", nos requêtes en libération immédiate ont été toutes rejetées.

11- Pourtant ce message-fax ne paraît pas seulement illégal au sens des dispositions du droit interne (au regard de la loi portant état d'urgence), il l’est au sens du droit international intégré dans la législation interne par le Préambule de la Constitution.

12- Au demeurant, le MRC avait déclaré devant les autorités compétentes ses marches pacifiques du 22 septembre 2020. Et aucune autorité administrative compétente n'a notifié aux signataires ayant élu domicile lors des déclarations, conformément à l'article 8(2) de la loi ci- dessus portant régime des réunions et manifestations publiques, d'une quelconque interdiction de manifestation publique contrairement aux allégations mensongères des OPJ, des Commissaires du Gouvernement, des Juges d'instruction militaires et plus généralement du Ministère public reprises en cœur par les médias publics, l'essentiel des médias privés nationaux et même internationaux, de nombreux " juristes" et "politologues", certains acteurs de la société civiles sous la dictée du pouvoir.

13- L'Avis no 63/2022 du 04 novembre 2022 du Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire (GTDA) des Nations Unies, qui tire sa source du Pacte relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966, dûment ratifié par l'Etat du Cameroun le 27 juin 1984, a été jusqu'ici ignoré par les juges de l'Habeas Corpus des tribunaux de Grande instance. Leurs rejets non motivés en fait et en droit sont actuellement attaqués devant les Juges d'Habeas Corpus des Cours d'appel du Centre et du Littoral.

14- Cet Avis constate que notre arrestation et notre détention sont arbitraires et notre condamnation illégale, demande notre libération immédiate ainsi que notre dédommagement. Dès lors, Il est constant que nous, les Marcheurs Pacifiques du MRC sommes des Otages Politiques du régime.

15- La ratification dudit Pacte, comme de tous les autres traités a été faite par le Cameroun en tant qu'Etat partie et non par le Gouvernement du Cameroun, entendu comme organe exécutif de l'Etat. Les traités internationaux sont signés et ratifiés au nom de l'Etat et pour son compte par ses représentants et non pour le compte des signataires, ni pour le compte d'un organe, d’une institution de l'Etat pris séparément. Le pouvoir judiciaire est un organe de l'Etat au même titre que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Mieux, les pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire constituent concomitamment le pouvoir politique. Alors que l'Etat est la combinaison de ce pouvoir politique avec le territoire et la population. Ainsi, dans le cadre du respect des pactes et conventions dûment ratifiés par un Etat, il est spécieux de tenter de distinguer le Gouvernement de l'Etat. Le premier n’étant qu'une partie du sous-ensemble du second qu'est le pouvoir politique.

16- Cette précision élémentaire balaie l’argutie juridique brandie par le Ministère public placé sous votre autorité suivant lequel, et en totale violation de son obligation de loyauté vis-à-vis des parties au procès, l'Avis du GTDA s'adresserait EXCLUSIVEMENT au Gouvernement, au PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE et non à la justice camerounaise, troisième pouvoir de l’ETAT.

17- Cet argutie juridique s'effondre totalement lorsqu’on combine la ratification du Pacte relatif aux Droits Civils et Politiques par l'Etat du Cameroun avec le préambule de la Constitution en vigueur sur les Droits de l'Homme, l'article 45 de la même Constitution et l'article 2 du Code pénal.

18- Au-delà de l'Avis no 63/2022 du 04 novembre 2022 du GTDA, contradictoire à l'égard de l'Etat du Cameroun, plusieurs autres arguments attestent du caractère arbitraire et illégal de nos arrestations, détentions et condamnations.

19- Ceux-ci ont été en vain exposés devant nos juges de l'Habeas Corpus.

20- Il en est ainsi de l’inconstitutionnalité soulevé tiré de l’inapplicabilité des dispositions l'article 8 du Code de justice militaire en ce qui nous concerne, des civils non armés ni arrêtés au cours des combats armés, lesquelles, en flagrante contradiction avec l'article 17 du même Code, permet aux tribunaux militaires de juger des civils.

21- Le juge pénal, qu’il soit celui des juridictions pénales ordinaires ou celui des juridictions pénales d’exception, a l'obligation de statuer sur l’inconstitutionnalité d'une loi soulevée par une des parties au procès. Et ce n’est qu’un principe général de procédure pénale jamais contesté ;

22- Mais, curieusement, nos juges d'instruction militaires, les juges militaires des Tribunaux militaires et nos juges d'Habeas Corpus devant qui nous avons déjà comparus se sont affranchis de cette obligation préférant dans leurs motivations nous renvoyer à l’exercice d’une action directe au demeurant incongrue devant le Conseil Constitutionnel ;

23- Au regard de tout ce qui précède, quelques magistrats courageux des collégialités qui nous ont jugé dans les tribunaux militaires, et notamment les magistrats civils, et certains magistrats militaires aussi ont néanmoins refusé de signer les décisions iniques de condamnation prises contre nous avec une haine à peine dissimulée, laissant les juges éloquemment engagés à suivre l’arbitraire agir seuls.

24- Comme vous le savez, une décision de justice qui n'est pas signée par tous les membres de la collégialité qui l'a rendue est nulle (Art. 9 de la loi numéro 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire de Cameroun modifiée par la loi numéro 2011/027 du 14 décembre 2011). Cependant, pour camoufler le scandale judiciaire que constitue notre cas, en appel des magistrats ont fait feu de tout bois, y compris en se servant de documents apocryphes, pour éviter tout débat au fond et se sont érigés en législateur, appliquant leurs propres textes non rendus publics ;

25- Notre seul crime est d'avoir entre autres, pacifiquement et dans le strict respect des lois, osé dénoncer le complot ourdi contre la République par les membres d'un cabinet noir déterminés à s'emparer de manière anticonstitutionnelle du pouvoir à travers la mise en application de leur projet de transmission du pouvoir de « gré à gré » au sommet de l'Etat.

26- La justice est censée être rendue de façon indépendante par les magistrats. Mais lorsqu'on est dans une situation comme la nôtre où manifestement la justice est refusée à des citoyens, ceux- ci ne peuvent qu'interpeler le ministre de la Justice que vous êtes. Si les décisions de justice engagent individuellement et pénalement les juges, elles vous engagent politiquement.

27- Dans l'espoir que cette nouvelle dénonciation de la violation continue de nos droits, nonobstant l'Avis déjà émis par le GTDA de l'ONU sur notre cas et la production des nombreuses pièces de la procédure établissant de façon irréfutable le caractère illégal de nos arrestations, détentions, jugements et condamnations dans le cadre de l'application des articles 554 et 585(4) du CPP devant les juges de l'Habeas Corpus du premier degré de jugement, retiendra enfin votre attention, recevez, Monsieur le Ministre d'Etat, Garde des Sceaux, la parfaite considération des otages politiques du MRC.



Fait à Kondengui le 03 juillet 2023

pour les Otages Politiques du MRC,
Alain FOGUE TEDOM



PJ: - MESSAGE-FAX N: 003134/ MFX/ MINAT/ CAB du 14 septembre 2020.

Ampliations :
1-S.E VOLKER Türk, Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme S/C Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale- Face ambassade des Etats Unis- Yaoundé .
2-Collectif Sylvain SOUOP pour large diffusion

Copies
- Premier Président de la Cour Suprême ;
- Procureur Général près de la Cour Suprême ;
- Présidente de la Cour d'Appel du Centre ;
- Procureur Général près de la Cour d'Appel du Centre ;
- Président de la Cour d'Appel du Littoral ;
- Procureur Général près de la Cour d'Appel du Littoral ;
- Monsieur le Juge d'Habeas Corpus Jean DACHOUA, Cour d'Appel du Centre ;
- Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Cameroun ;
- Président National du MRC ;
- Le Peuple Camerounais,
- Vos enfants, petits-enfants et Descendants;
- Aux juges nationaux ou internationaux qui un jour jugeront, tel que prescrit par l'Avis no 63/2022 du GTDA de l'ONU, les OPJ, magistrats et donneurs d'ordres responsables de nos souffrances d’aujourd’hui ;
- Les médias