Papa Atou Diaw,
BBC Afrique
Assise derrière son comptoir, Fatou Gueye accueille avec un large sourire ses clients les plus fidèles.
Derrière ce visage radieux se cache l'amertume de la restauratrice qui essaie de satisfaire sa clientèle dans ce contexte de hausse des prix.
‘’C’est vraiment dur, les prix sont passés du simple au double’’, se plaint-elle.
Fatou Gueye est une mère de famille qui tient à son commerce plus que tout, c'est son gagne-pain.
Depuis quelques temps, son business a prix un sacré coup. Il lui faut faire des gymnastiques financières pour pouvoir continuer de tenir son business.
‘’Les prix sont tellement élevés que j’ai vu certaines personnes qui ne font que tourner en rond au marché parce qu'elles ne savent pas quoi acheter tellement les produits sont chers’’, soupire-t-elle.
‘’Je suis même obligée de diminuer la quantité d’oignon que j’achetais’’, poursuit-elle.
Cette solution ne suffit pas pour Secka, comme l’appelle sa clientèle avec qui elle a noué une relation privilégiée.
C’est la raison pour laquelle elle est obligée de maintenir la même qualité de cuisson malgré l’augmentation des prix.
Les données de la Banque mondiale ‘’entre avril et juillet 2022 font état d’une forte inflation dans la quasi-totalité des pays à revenu faible et intermédiaire.
L’inflation désigne la hausse généralisée du coût des biens et des services sur une période donnée.
En mars 2022, le taux était de 9,2 %, contre 3,7 % pour le même mois de l'année précédente.
Cette hausse généralisée des prix est attribuée entre autres à la guerre en Ukraine, les persistances de la pandémie de Covid-19 ainsi que des sécheresses dans certaines régions et les politiques économiques nationales.
‘’On ne peut pas cuisiner du n’importe quoi et le servir aux gens’’, soupire Fatou Gueye d’un ton désolé.
Le prix de l’oignon a quasiment doublé depuis peu.
Cette hausse du prix de l’oignon, Amadou Abdoul Sy, directeur de l’agence de régulation des marchés l’attribue à la mise en vente de l’oignon importé.
La production locale étant épuisée, le pays a ouvert ses frontières à la production venant de l’extérieur.
‘’La récolte au niveau des pays européens en particulier au niveau des Pays-Bas qui fournit 90 à 95% des importations du Sénégal, la récolte n’a pas été bonne’’, explique M. Sy.
Selon Amadou Abdoul Sy, le Sénégal applique une politique de régulation des importations voire de gel des importations à un certain moment, si la production locale est présente au niveau du marché.
‘’Le prix de vente est en hausse. Le prix le plus élevé l’année passée est à 8 euros, cette année est pour le moment à 14 euros’’, poursuit-il.
Néanmoins, l’association des consommateurs du Sénégal (Ascosen) pointe du doigt le comportement des commerçants et parle plus de ‘’ spéculation qu’une hausse réelle des prix. ‘’
En effet, pour Momar Ndao, le président de ladite association, ‘’ actuellement les prix ne correspondent pas au prix à l’importation.’’
‘’Au niveau de l’import il faut compter environ 11 000 frs par sac de 25 kg, en plus des différents frais, ça revient à 13 000 frs le sac de 25 kg à l’import. Sur le plan du détail les gens sont à un peu plus de 19 000 frs pour les sacs de 25 kg. Il y a une grande amplitude entre le prix de revient du grossiste et le prix au niveau du détaillant’’, explique M. Ndao.
‘’C’est un phénomène que nous connaissons, c’est ce que j’appelle le ‘brouhaha de hausse’. Dès le moment qu’ils entendent qu’il y a une hausse, tout le monde augmente les prix’’, poursuit-il.
Il en appelle à l’Etat central pour prendre des mesures dissuasives auprès des commerçants qui exagère sur la hausse des prix.
Il prend pour exemple le cas de la ville de Touba, une localité située à environ 184 Km de la capitale, Dakar.
A l’occasion d’un événement religieux local, le prix du kilo d’oignon qui vendu entre 800 frs et 900 frs a été commercialisé à 2000 frs le kg. Ce qui a suscité le tollé dans le pays.
‘’ Quand l’Etat a saisi les sacs, les prix ont immédiatement baissé de moitié ‘’, affirme Momar Ndao.
‘’S’il y a cette approche dissuasive, les gens vont revenir à de meilleurs sentiments’’, martèle-t-il.
Cependant, selon Aly Ndiaye, président de la fédération des producteurs d’oignons de Dakar, cette hausse des prix de l’oignon est bien justifiée.
En plus de la hausse des prix de l’oignon sur le plan mondial, ‘’Si on ajoute les frais supplémentaires tels que la logistique et les charges que supportent les revendeurs c’est-à-dire du grossiste au détaillant, les prix s’envolent avant d’arriver au niveau du consommateur.’’
Quand les prix vont-ils baisser ?
''Si nous regardons les projections, dans les mois à venir, il y aura une éventuelle baisse au niveau de certains prix et produits tels que l’huile. Maintenant quand est-ce que ça sera répercuté au niveau des prix ou l’amplitude de la baisse, ça on ne sait pas encore'', déclare Momar Ndao dont l'association suit de près l'évolution des prix sur le marché mondial.Une déclaration que Amadou Abdoul Sy vient renchérir également mais reconnaît l'impuissance des Etats pour juguler cette inflation.
''nous sommes dans une période d’importation, nous sommes obligés de subir les prix'', confie-t-il.
Cette impuissance est selon l'économiste Dr Adama Gueye justifié par la forte dépendance des pays pauvres comme le Sénégal.
''Nous dépendons plus de l’extérieur pour la consommation que notre production'', explique le Dr Gueye.
''Une baisse des prix dépendra de l’environnement économique des autres pays. Si vraiment la crise mondiale s’estompe et que le niveau des prix baisse, cela pourra entrainer une baisse des prix. Nous n’avons pas une production locale qui est capable de remplacer la production extérieure'', renchérit-elle.
Selon le Dr Gueye, la solution sur le long terme est la mise en place de politiques sectorielle afin de s'affranchir de cette dépendance.