Samuel Sorie Sesay, l'un des rares Africains de l'Ouest à avoir combattu dans l'armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, est décédé le mois dernier en Sierra Leone à l'âge de 101 ans. À l'approche de ses funérailles, vendredi, Umaru Fofana revient sur sa vie.
Ses souvenirs étaient vifs mais il se sentait oublié.
Célébrant un siècle de vie en 2020 et entouré de sa grande famille, Pa Sorie, comme on l'appelait, avait envie de parler.
Vêtu d'un costume soigné, orné de ses médailles, l'affable vétéran de guerre a raconté des histoires de son combat contre les Japonais en Birmanie, plus de 75 ans auparavant.
Il faisait partie des 90 000 soldats ouest-africains qui ont été envoyés en Asie.
Ils formaient deux divisions qui sont rarement commémorées et ont combattu dans un conflit qui a été éclipsé par des événements plus proches des côtes britanniques.
Pour ajouter au sentiment d'être ignoré, Pa Sorie, comme beaucoup de ses camarades, a signalé qu'on lui avait promis un paiement forfaitaire après la guerre, qu'il n'a jamais reçu.
Lorsqu'il s'agissait d'une pension, l'armée britannique n'en versait pas aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale, sauf s'ils avaient été blessés au combat, et ce, quelle que soit leur origine. Mais un document découvert en 2019 indique que les soldats africains étaient moins payés que leurs homologues britanniques pendant leur service.
Pa Sorie a toutefois reçu de l'argent d'une organisation caritative basée au Royaume-Uni, la Royal Commonwealth Ex-Services League.
Bien qu'il ait déploré l'absence de compensation financière, Pa Sorie a affirmé qu'il ne regrettait pas de s'être engagé en 1939, alors qu'il était adolescent, et d'avoir pris part à ce qu'il appelait "le bon combat".
Il se souvenait encore des vieux chants de l'armée et, serrant le poing, il scandait : "Hitler ayy bongolio !"
Il a dit que les mots étaient en hindi mais ne pouvait pas se souvenir de leur signification. Cependant, la mention du nom du dictateur allemand donne un indice de ce qui a pu le persuader de s'engager.
Pa Sorie a parlé de la confrontation avec les troupes d'Hitler en Birmanie, bien que l'ennemi soit le Japon et non l'Allemagne.
Les hommes ont été recrutés dans les divisions ouest-africaines de différentes manières. Certains se sont engagés après avoir appris qu'ils allaient combattre l'idéologie raciste nazie d'Hitler, selon l'historien Oliver Owen.
Pa Sorie s'est d'abord rendu à Lagos pour s'entraîner - rejoignant les recrues nigérianes ainsi que celles de Gambie et de la Gold Coast (aujourd'hui Ghana). Ils étaient préparés à la guerre dans la jungle, ce qu'ils allaient affronter en Birmanie.
Au Nigéria, Pa Sorie se souvient qu'au début, il était plein de peur et d'incertitude quant à ce qui l'attendait, mais qu'il a rapidement surmonté ces sentiments.
Une fois en Asie, il a pris part à ce qu'on a appelé la campagne d'Arakan, qui visait à avancer en Birmanie, conquise par le Japon, et à empêcher son armée d'envahir l'Inde.
Pa Sorie se souvient d'un "combat sur un très long pont, que les Japonais voulaient faire sauter pour nous empêcher de traverser. Mais nous les avons maîtrisés et avons traversé pour installer notre camp dans la jungle".
"Je n'ai jamais cligné des yeux en service"
Les soldats ont connu des conditions difficiles, devant se frayer un chemin dans la jungle dense en portant des provisions sur leur tête.C'était une campagne éreintante contre un ennemi qui savait très bien comment se battre dans la jungle. Outre ce danger, des vétérans ont parlé de soldats morts d'épuisement.
Pa Sorie se souvient d'une fois où il s'est endormi en service. Lorsqu'il s'est réveillé, un soldat britannique tenait une machette au-dessus de sa tête et, dans ce que Pa Sorie a pris pour une blague, menaçait de le tuer.
Cela a changé sa conscience militaire pour toujours.
"Une fois que j'ai survécu à cela, je n'ai plus jamais cligné des yeux en service", dit-il avec un large sourire.
Après la fin de la guerre, il est entré dans la fonction publique en Sierra Leone et a fini par travailler dans la mission du pays dans ce qui était alors l'URSS.
Mais ses efforts de guerre n'ont pas été célébrés, ni avant ni après l'indépendance en 1961.
Il n'a pas été honoré par le gouvernement et, bien qu'il soit l'un des derniers anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale en Sierra Leone, il n'était pas très connu dans le pays.
Selon son petit-fils John Konteh, Pa Sorie, toujours capable de marcher sans canne jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans, était une figure familière près de chez lui, gravissant avec détermination les collines de la région de Tengbeh Town, à l'ouest de la capitale, Freetown.
"C'était un être humain très résistant, qui représentait et incarnait notre caractère en tant que nation, en tant que peuple résistant", témoigne M. Konteh.
Lors de ses funérailles, vendredi, la famille de Pa Sorie se souviendra de son effort de guerre et espère que d'autres commenceront à reconnaître sa contribution et celle de ses camarades.