Actualités of Wednesday, 5 October 2022

Source: www.camerounweb.com

Palais présidentiels , villa de luxe, business, corruption… Jeune Afrique livre le vrai visage d’Alain Foka

Alain Foka est un journaliste d'origine camerounaise Alain Foka est un journaliste d'origine camerounaise

Alain Foka n’est plus à présenter. Ce journaliste d’origine camerounaise s’est fait, depuis plusieurs décennies déjà, un nom dans le landernau médiatique international. Jeune Afrique lui consacre un excellent article sur sa personnalité. Il a livré ses petits secrets à J A.

« Quatre mois. C’est le temps qu’il a fallu patienter pour obtenir un rendez-vous avec Alain Foka. Un jour à Salvador de Bahia pour le tournage de son documentaire sur la communauté afro-brésilienne des Agoudas, un autre à Montréal pour une série sur la diaspora africaine, le suivant à Conakry pour la première interview post-coup d’État de Mamadi Doumbouya, avant un détour par le Cameroun, le Bénin, la RD Congo… Le journaliste est un homme occupé. Piles de livres et de vidéos disposées çà et là, posters géants, c’est dans un bureau sans prétention qu’il nous a reçu à Radio France Internationale, avenant, dans le calme d’un après-midi de week-end », lance d’entrée Jeune Afrique.
Qui parle d’Alain Foka, parle nécessairement des émissions qui ont fait son renom. Jeune Afrique en a mis en exergue deux dans son article.

« Rédacteur en chef, producteur de magazines, Alain Foka officie sur les ondes de RFI depuis trente et un ans. Connu sur le continent comme le loup blanc, ce troisième enfant d’une fratrie de sept, né d’un père officier de police (décédé peu avant son départ du Cameroun, en 1979) et d’une mère au foyer, tient les rênes de deux émissions phares de la station : Archives d’Afrique, le rendez-vous de l’histoire contemporaine du continent, décliné en versions audio et vidéo, et Le débat africain, un espace d’échanges entre Africains sur les questions économiques, politiques, culturelles et sociales, où il accueille, depuis dix ans, tous les profils, de l’ouvrier au chef d’État, en passant par l’artisan et le banquier », souligne Jeune AfRIQUE
« Jusqu’en novembre dernier, Foka poursuivait son bonhomme de chemin sans vagues ni remous. Puis il s’est laissé prendre dans le tourbillon d’une affaire trouble : une de ses interviews a semé la zizanie au sein de la station, provoquant une guerre de tranchées entre ses partisans et ses détracteurs (voir encadré ci-dessous). « Une injustice », se défend calmement l’intéressé, qui estime avoir été jeté en pâture à certains médias. « Un boomerang », pour ceux qui l’accusent de s’affranchir inconsidérément des règles et qui déplorent « errements déontologiques », évoquant un mélange des genres.Plaidant pour la pluralité des approches et des points de vue, les soutiens de Foka crient au lynchage médiatique d’un grand professionnel dévoué à sa maison. « C’est donc contre lui, et en invoquant la démocratie, que les professeurs de déontologie ont convoqué un tribunal populaire tout en apprêtant déjà le bûcher ? » s’interroge le journaliste Vladimir Cagnolari, producteur de séries radiophoniques pour RFI. Celui qui coprésenta, avec Soro Solo, l’émission L’Afrique enchantée, sur France Inter, rappelle le rôle qu’a joué Foka dans la libération de plusieurs journalistes interpellés dans leur pays. Comme celle, en 2017, de son compatriote Ahmed Abba, correspondant de RFI en langue haoussa au Cameroun, arrêté au cours d’un reportage et placé en détention pendant deux ans sans jugement. Ou encore celle du Nigérien Moussa Kaka », précise le confrère.
Alain Foka assure donner la parole aux Africains et assume son côté clivant
« La règle de Foka pour entretenir ses sources potentielles ? Ne pas se mettre de barrières. Il rencontre aussi bien Ali Bongo Ondimba que Jean Ping, dîne avec Succès Masra après s’être entretenu dans la journée avec Idriss Déby Itno. Si son frère, le médecin Jules Hilaire Foka, est membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) et président de la région Ouest (« il a ses convictions politiques, moi, les miennes, que je ne tiens pas à afficher »), le Cameroun est le seul pays dans lequel il lui est impossible de tenter ce numéro d’équilibriste. « Vous donnez la parole au camp présidentiel, vous êtes un vendu ; à l’opposition, vous roulez pour “votre frère bamiléké” », soupire-t-il.

Mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Quand il avait souhaité interviewer le président Mohamed Ould Abdelaziz, celui-ci lui avait opposé une fin de non-recevoir. Il n’avait en effet pas apprécié que le journaliste déclare ne pas vouloir se rendre en Mauritanie à cause de l’esclavage…
Il fut une période où Foka s’interdisait de rencontrer certains chefs d’État, parmi lesquels Paul Kagame ou Mouammar Kadhafi. Puis il s’est ravisé, s’entretenant au téléphone avec le premier dans le cadre d’un documentaire d’Archives d’Afrique consacré à Laurent-Désiré Kabila, rendant visite au second à Syrte, au milieu des années 1990, en pleine période d’embargo contre la Libye : « C’est absurde de se dire journaliste et de refuser d’entendre la part de vérité de chacun. Je rencontre tous [les dirigeants]. La majorité d’entre eux me sollicite simplement parce que je suis une voix africaine libre, ni complaisante ni alignée sur le choix éditorial des autres. », lit-on dans l’article.
Jeune Afrique confirme qu’Alain Foka dispose d’un Carnet d’adresses « pachydermique ».

« En un peu plus de trois décennies, le journaliste s’est constitué un carnet d’adresses à faire pâlir d’envie la profession. « J’ai passé ces trente-cinq dernières années à faire comprendre à l’Africain qu’il arrête de s’imaginer que, pour être crédible, il ne faut parler qu’au Blanc. De mon côté, j’ai travaillé à construire ma crédibilité. Il faut croire que ça marche. » Il en veut pour preuve les coups de fil réguliers qu’il reçoit de présidents ou d’opposants, prêts à dire leur part de vérité lorsqu’ils estiment que RFI a failli. « Ils me voient comme celui qui peut porter la parole de l’Afrique, pas la leur », se satisfait-il.Depuis quelques années, le baroudeur semble pourtant à l’étroit à RFI. « Parce qu’à 58 ans » il a « le droit d’avoir un point de vue et de le faire connaître », ce que ses émissions ne lui permettent pas s’il reste cantonné à un rôle de modérateur. Au fil des chroniques sur sa chaîne YouTube, créée il y a bientôt deux ans, Foka déroule donc le fil de sa pensée. La démocratie à tout prix ? Il en est revenu : « Depuis le sommet de La Baule, nous avons consacré trente-deux ans à la recherche de la démocratie, et pas un seul pays francophone n’a évolué positivement dans ce domaine. » L’alternance et la limitation du nombre des mandats ? Il ne les réclame plus à cor et à cri. Angela Merkel n’est-elle pas restée seize ans à la tête de l’Allemagne, autant que Benyamin Netanyahou en Israël ? « Nous avons besoin de dirigeants éclairés, et notre religion doit être le développement. » L’usure du pouvoir ? « Elle ne s’installe que si, dès le départ, on n’a pas de projet. Kagame est là depuis 1994, pourtant il est courtisé par tous les grands de ce monde. », précise Jeune Afrique.

« Ses documentaires et chroniques coups de poing tentent de répondre aux questions souvent polémiques qui sont dans l’air du temps. Pourquoi la France et la Russie déploient-elles autant d’énergie pour nous conquérir ? Le peuvent-elles, d’ailleurs, face à une jeunesse africaine décomplexée qui ne supporte plus l’idée d’avoir un maître ?
Le message de Foka – « Ce n’est pas à la France de dire aux États africains avec quels pays ils doivent nouer des partenariats » – n’épargne personne. Dans l’une de ses chroniques, « Comment en finir avec la guerre dans l’est de la RDC », il s’en est pris au Rwanda, qu’il accuse de se livrer à une surenchère mémorielle pour se prémunir de toutes représailles pendant qu’il déstabilise l’est du Congo. Qu’importent les critiques d’un Jean-Pierre Karegeye, professeur affilié au département de philosophie du Dickinson College (États-Unis) et directeur des études pluridisciplinaires sur le génocide, qui juge sa chronique pleine de contradictions et lui reproche de « s’approprier la métaphore obsédante selon laquelle le Rwanda serait à l’origine de tous les maux du Congo » : Foka maintient le cap. À ceux qui affirment qu’avec sa méthode, la frontière entre une nécessaire œuvre de pédagogie et un simple défouloir est très ténue, il oppose l’exigence de rupture avec le diktat de la pensée unique. Quitte à alimenter les critiques de l’opposition guinéenne quand, à l’occasion d’une toute récente chronique, il rend un hommage appuyé au travail « remarquable » du colonel Doumbouya dans le secteur minier guinéen », ajoute Jeune Afrique.

« Sous le couvert de l’anonymat, l’un de ses confrères dit « craindre que, chez Alain, l’orgueil balaie le professionnalisme et le talent », et invite ses collègues africains à le protéger de lui-même. Autre insinuation blessante, sa supposée corruption : « Le grand fantasme autour des valises de billets qui me seraient remises après chaque reportage », commente Foka. « Il fait fructifier les affaires familiales ; il faudrait le lui reprocher ? » s’indigne encore Claudy Siar. » Pourquoi voudrait-on voir les Noirs soit dans une cage d’escalier, soit dans une case ? Pourquoi roule-t-il dans une belle voiture et habite-t-il une jolie maison ? Parce qu’il a travaillé, c’est tout. »

Avant d’être journaliste, Foka est issu d’une lignée de riches propriétaires terriens à la tête de plusieurs exploitations agricoles dans l’Ouest, le Sud-Ouest et sur le littoral du Cameroun. Lesquelles emploient aujourd’hui quelque 1 600 ouvriers et exportent leurs cultures vivrières dans la sous-région. Qu’importe, les détracteurs de Foka le dépeignent comme un « affairiste cupide ». N’a-t-il pas créé, dans chacune des régions du continent, la société Phœnix Production (Idy, en France, pour la postproduction), grâce à laquelle il tourne ses documentaires et les versions vidéo d’Archives d’Afrique, qui restent sa propriété exclusive ? », souligne Jeune Afrique.
Alain Foka c’est aussi les affaires. « L’intéressé défend la liberté d’entreprendre, y compris pour les journalistes : « Aux États-Unis, nul ne s’offusque de les voir monter des business. » S’il s’essaie à l’immobilier au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Niger, sa grande aventure entrepreneuriale aura été La Villa Pergolèse, un restaurant au cœur du très chic 16e arrondissement de Paris, où se pressaient des personnalités africaines, dont des chefs d’État. Si le Malien Ibrahim Boubacar Keïta et le Béninois Mathieu Kérékou comptaient parmi les habitués, la plupart préféraient se faire livrer à l’hôtel.

Foka l’assure, l’idée d’ouvrir cet établissement est née d’une discussion avec les présidents Omar Bongo Ondimba (OBO) et Gnassingbé Eyadéma, qui déploraient de ne pouvoir fréquenter de restaurant gastronomique africain digne de ce nom lors de leurs séjours dans l’Hexagone. « Malheureusement, OBO n’aura eu le temps de déguster qu’un seul repas, un ndolè – plantain frit et sole braisée –, livré à son hôtel particulier. »L’aventure – « un vrai gouffre financier », sourit Foka – s’est achevée un jour de mai 2015. « La restauration exige une grande disponibilité », se justifie-t-il. Mais il n’est pas peu fier d’avoir créé, avec son ami et associé Ludovic Michel Kamgué, fondateur des boutiques de prêt-à-porter Stradel’s, non seulement « le plus beau restaurant africain de Paris », mais aussi un lieu de rencontres et de négociations, notamment entre adversaires politiques. « C’est en cela que je suis différent de mes collègues occidentaux. Tout en couvrant l’actualité, je n’hésite pas à jouer les médiateurs, dans l’intérêt du continent. », conclut J A.