Jeune Afrique dans un article fouillé intitulé « Diplomatie et droits humains : comment Paul Biya déjoue les attaques à l’UA » rapporte qu’en mai 2019, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) donnait deux mois à la partie plaignante pour lui présenter « ses preuves et arguments » dans le cadre de la plainte du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) portant sur les manquements observés durant l’élection présidentielle d’octobre 2018. Cependant, cinq ans plus tard, cet épineux dossier a complètement disparu des radars. Les avocats du MRC ont pourtant transmis leurs preuves et arguments à l’instance depuis juillet 2019, et les autorités camerounaises ont été saisies afin d’y répondre. Alors qu’est-il advenu de la procédure ?
Selon le manuel de procédure de la CADHP, l'instance dispose d’un délai de douze mois pour se prononcer sur l’admissibilité d’un dossier. Les accusés ont trois mois pour soumettre leurs observations écrites, trois autres mois sont accordés à la partie plaignante afin qu’elle réagisse, puis trois encore en cas de besoin de clarification, indique Jeune Afrique. Le dernier trimestre permet à la commission de rendre sa décision. Cependant, la défense du MRC en est convaincue, des manœuvres auraient été entreprises par Yaoundé pour freiner l’évolution de sa plainte.
La présence camerounaise à l'Union africaine (UA) s'est particulièrement densifiée au cours de ces trois dernières années, avec l'arrivée de Churchill Ewumbue-Monono, conseiller technique de Paul Biya, en tant qu'ambassadeur du Cameroun en Éthiopie et représentant permanent du pays auprès de l’UA. Sa mission principale est de redorer le blason de son pays alors entaché de multiples plaintes déposées à la fois par les acteurs de l’opposition et les activistes de la cause anglophone. Depuis son arrivée en terre éthiopienne, il a permis à Yaoundé de remporter quelques victoires importantes, même si elles sont passées inaperçues.
Lors du sommet de l’UA de février 2020, le Cameroun a ainsi remporté deux victoires majeures. La première fut d’obtenir une place de membre au Conseil de paix et de sécurité (CPS) où le pays est loin de faire de la figuration : en trois ans, le pays en a occupé la présidence à deux reprises, en août 2021 puis en septembre 2023. La seconde réussite de Yaoundé a été de placer la magistrate Marie Louise Abomo à la tête du groupe de travail sur les communications de la CADHP. Élue pour un mandat de six ans, cette dernière est venue renforcer le contingent camerounais au sein des instances africaines en charge des questions des droits de l’homme, lequel comptait déjà dans ses rangs Robert Eno, greffier en chef de la Cour africaine de justice.
Après la présidentielle de 2018 et le début de la crise anglophone en 2016, le Cameroun a été très cité auprès des organes de l’UA sur des questions d’atteinte aux droits de l’homme. Dès 2017, 75 activistes ont déposé une plainte devant la CADHP évoquant « des violations de masse des droits de l’homme par des agents de la république du Cameroun contre d’innocents citoyens de l’ancien Southern Cameroon ». L’année suivante, c’est l’ONG sud-africaine Centre for Human Rights qui saisissait le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ainsi que quatre de ses rapporteurs spéciaux, pour faire inscrire la question des droits de l’homme au Cameroun au sommet de l’UA de 2018. Enfin, entre 2018 et 2020, la CADHP a rendu pas moins de trois résolutions évoquant des violations des droits humains dans le pays.