Le commissaire du gouvernement attendrait l’ordre du palais pour libérer l’huissier de justice, selon son avocat. Condamné à trois ans d’emprisonnement ferme pour les faits de «non-dénonciation d’actes de terrorisme» le 30 octobre dernier, Me Harissou, d’après les conclusions d’Armand Edou Mewoutou, président du tribunal militaire de Yaoundé, devait être libéré dans les heures qui suivaient. «Je demande que Me Harissou soit libéré dans l’immédiat s'il n'a pas un autre dossier en suspens, compte tenu de son âge avancé (63 ans)», martelait le juge.
De fait, il avait déjà passé trois ans et 21 jours derrière les barreaux, le temps qu'avait duré le procès. Sauf que, onze jours après la décision du tribunal, Me Harissou reste incarcéré à la prison principale de Yaoundé-Kondengui. Indigné, Me Jacques Mbuny, son conseil, s'est tout d’abord rapproché du commissaire du gouvernement, Eric Thaddée Engono, et ensuite, du directeur de la justice militaire, pour savoir ce qui coince dans le dossier. «Le commissaire du gouvernement m'a dit que tous les dossiers sont prêts au niveau du greffe du tribunal militaire pour la libération de mon client. Mais, il attend le quitus de sa hiérarchie pour transmettre l’ordre de le libérer au régisseur de la prison», rapporte l’avocat.
Au ministère de la Défense, il dit avoir rencontré le directeur de la justice militaire. «Ce dernier m’a clairement indiqué que plus rien ne dépend de lui. Il dit qu'il a transmis le rapport à son supérieur hiérarchique qu'est le ministre de la Défense et reste toujours en attente de sa réaction», affirme Me Mbuny. Dans une interview accordée à Rfi, le 08 octobre dernier, il affirme que le ministre de la Défense, Joseph Beti Assomo, a dit attendre l’ordre de sa hiérarchie. «Qui est donc cette hiérarchie si ce n’est le président de la République ?», s’interroge Me Mbuny. Pour un proche de Me Harissou, «la loi est bafouée et c'est l'image de la justice camerounaise qui est salie. Quand les organisations nongouvernementales de défense des droits de l'homme vont s'en mêler, le ministre de la Communication va crier au complot».
«Dans le Grand-Nord, surtout à Garoua et Maroua, les gens sont au bord des nerfs. Ils disent qu'il y a du deux poids deux mesures en comparant le cas Harissou à ceux des leaders nanglophones qui avaient été relaxés au lendemain de leur libération», poursuit-il. Pour mémoire, dans le procès opposant le ministère public à Aboubakary Siddiki, Me Harissou, les journalistes Félix Cyriaque Ebole Bola, Rodrigue Tongue et l’enseignant de journaliste Baba Wame, les hommes de médias avaient été acquittés des faits de «complicité de tentative d’outrage au président de la République».
Pour sa part, Aboubakary Siddiki a écopé d'une peine d’emprisonnement de 25 ans pour «complicité d’assassinat et hostilité contre la patrie» et d'une somme de 7 407 500 Fcfa au titre des dépens. Dans le même temps, Me Harissou a été acquitté pour les faits d’«outrage au président de la République» et inculpé pour les faits de «non dénonciation». Il a bénéficié des circonstances atténuantes du tribunal, compte tenu de sa fonction à l’époque des faits (huissier de justice), ce qui lui a valu une peine d’emprisonnement de trois ans et le paiement de 7 407 500 Fcfa, comme son coaccusé Aboubakary Siddiki.