Depuis le déclenchement du conflit armé dans les deux régions anglophones du pays, couplé à l’élection présidentielle 2018, les relations entre Yaoundé et Washington n’avaient jamais été aussi exécrables. A l’heure de la réconciliation ?
En dehors des déclarations officielles, il est bien compris que la participation de N’nom Ngui au 2ème sommet Etats-Unis/Afrique, est perçue par beaucoup d’observateurs comme un haut-lieu de croisement des attentes déçues entre les deux pays. Dans cette diplomatie de couloir, on voit en premier lieu le conflit dans les zones anglophones. Si au niveau international les Etats-Unis ont été la puissance qui a le plus mis la pression sur le Cameroun pour que cette crise s’achève au plus tôt, en revanche la méthodologie proposée ou envisagée n’a pas toujours rencontré l’assentiment de Yaoundé qui tenait avant tout, de garder toute sa souveraineté sur le règlement de ce conflit. S’il a sollicité et sollicite encore de l’aide ou de l’assistance auprès des partenaires étrangers, c’est avant tout de sevrer tous ceux qui alimentent la crise de l’étranger de leurs moyens de nuisance. Pendant plus de cinq ans, du côté du pays de l’Oncle Sam, on a joué à la sourde oreille surtout avec l’Administration Trump, qui ne manquait pas de faire savoir aux autorités de Yaoundé qu’il leur était quasiment impossible de gagner le conflit sur le plan militaire. Les choses ont depuis lors évolué avec la récente inculpation aux Etats-Unis de trois Américains d’origine camerounaise arrêtés pour connexion avec les bandes armées dans les deux régions troublées. Acte. Ce seul point aurait suffi à pousser Paul Biya dans les airs vers les Etats-Unis. Le président camerounais est donc parti aux Etats-Unis pour le règlement de la crise dite anglophone. Sur le plan géostratégique, il n’aura échappé à personne qu’avant la tenue de ce sommet, Joe Biden a reçu en visite le chef de l’Etat français. En convoquant les Etats africains et dont le Cameroun autour de lui aux Usa, on comprend que le successeur de Barack Obama avait déjà sur sa table le sumarize de son entretien avec Emmanuel Macron. On envisage donc qu’il y a ce risque pour les Américains, à force de laisser perdurer la guerre dans le Noso, de voir un beau matin la Russie mettre les pieds dans le Noso pour venir en aide au Cameroun, comme elle l’a fait au Mali et surtout en Rca. La paix dans les deux régions anglophones est donc devenue un impératif pour les Etats-Unis surtout qu’on ne sait pas trop bien ce que pourrait décider un Paul Biya excédé. La crainte de le voir se jeter dans les bras de Poutine peut donner des insomnies à Paris, à Londres ou à Washington. Surtout que la guerre russo-ukrainienne a créé un gouffre de malentendus entre les pays de l’Occident et l’Afrique. On se souvient de l’autre côté de l’Atlantique que l’Afrique n’a pas montré un empressement à voter contre la Russie à l’Assemblée générale des Nations-Unies. Dans cette foulée, Yaoundé est même allé jusqu’à renouveler ses accords de Défense avec le pays des Tsars, en pleine guerre de l’Ukraine, un peu comme pour mettre une pression supplémentaire sur les Occidentaux. Le plus dur dans de tels accords aux yeux des pays Occidentaux est l’impossibilité de distinguer s’il s’agit avec le gouvernement officiel de Poutine ou du groupe Wagner. Dans une telle donne, il préférable de couper l’herbe sous les pieds des Russes en prenant langue avec l’Afrique et donc avec Yaoundé. Bien plus, avec la présence russe en Rca, il y a lieu de croire que les Occidentaux surveillent Yaoundé comme du lait sur le feu, car qui dit Russie au Cameroun dit Poutine dans le Golfe de Guinée. Autant dire le renversement de l’ordre mondial. L’autre point qui aura été au centre des préoccupations, est la politique intérieure. En 2025, Paul Biya sera-t-il encore ou pas candidat à un énième mandat ? C’était la préoccupation d’Emmanuel Macron lors de sa visite au Cameroun. Une journaliste française lui demandait déjà si dans le cadre la prochaine élection présidentielle, il céderait le poste à un jeune pour le remplacer à la course vers Etoudi. C’est à voir, avait-il répondu, car il y a encore trois à quatre ans pour qu’il sache s’il doit se retirer au village ou pas. Il est donc certain qu’à Washington, Paul Biya a dû revenir sur la question. Peut-être a-t-il été explicite sur l’identité de son protégé, ou des soutiens qu’il attend des partenaires pour une transition apaisée dans son pays ? Toujours en politique intérieure, il y a eu certainement la question des droits de manifester, notamment les militants du Mrc comme le rapportait récemment l’institution onusienne en charge des droits de l’homme à Genève. Le régime a déjà commencé à desserrer l’étau autour du Mrc et il ne serait pas surprenant que les prochains jours on assiste à l’élargissement de ses militants incarcérés dans le cadre des marches du 22 septembre 2020. L’année 2023 éclairera l’opinion davantage sur les attentes des uns et des autres en faveur du Cameroun ou pas.