Après le Front social démocrate (Social Democratic Front), hier, mardi 26 mai, principal parti d’opposition au Cameroun, RFI reçoit ce matin Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur et porte-parole du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti du président Paul Biya, au pouvoir depuis 33 ans.
Jacques Fame Ndongo : Le remaniement est un acte discrétionnaire pris par le chef de l’Etat. Le chef de l’Etat le fera quand il le jugera nécessaire. Je vous rappelle que je suis secrétaire à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, je parle au nom du parti. Or le remaniement relève de l’Etat. Le Camerounais ne fait pas la confusion entre l’Etat et le parti.
En revanche, vous faites partie de ce gouvernement. Quand est-ce que le président Paul Biya a présidé un Conseil des ministres pour la dernière fois ?
Je constate que vous glissez toujours sur les pouvoirs relatifs à l’Etat. Le Conseil des ministres n’est pas une instance statutaire, sa séquence est liée aux intérêts supérieurs de la République. Un Conseil de cabinet, présidé par le Premier ministre du gouvernement, se tient régulièrement et aborde tous les sujets relatifs à la Nation.
Beaucoup estiment que Paul Biya est absent de la scène politique. Il ne s’est pas rendu dans l’extrême nord du pays où les populations sont victimes de Boko Haram. La prochaine présidentielle est prévue en 2018. Il a 82 ans. Est-ce que dans ce contexte, au sein de votre parti, on se prépare à organiser la succession ?
Si vous, vous estimez qu’il faille lui trouver un successeur dès à présent, nous, au niveau du RDPC, nous disons non ! C’est notre champion. Il est percutant, il est efficace, l’âge ne correspond à rien du tout. Aujourd’hui même, un président africain qui a 88 ans est reçu en grande pompe dans un grand pays occidental et personne n’a parlé de son âge. Nous, au niveau du RDPC, nous savons que le président de la République est en pleine forme physique, intellectuelle, psychologique et morale.
Est-ce qu’au sein de votre parti, il y a des débats, des discussions sur cette question ou bien est-ce que c’est un sujet tabou ?
Les discussions ont lieu lors du congrès ordinaire. Il y a une commission de politique générale. C’est au sein de cette commission qu’on examine la candidature du président national. La dernière fois, il y a eu deux candidatures au poste de président national du RDPC, le ministre René Zé Nguélé et le président Paul Biya. Et à la quasi unanimité, c'est-à-dire toutes les voix sauf une, le président Paul Biya a été élu président national du RDPC. Quand le débat a eu lieu, on a pu voir notre candidat. Il est là, il est vivant, il est assignable, il est palpable.
L’opposition accuse le pouvoir d’avoir utilisé l’opération de lutte anti-corruption Epervier ces dernières années, pour écarter tous ceux qui auraient manifesté publiquement ou en tout cas nourri l’ambition de succéder à Paul Biya. Que répondez-vous ?
Chacun a son opinion, mais comme vous le savez René Descartes nous demande de nous méfier de nos opinions et de les passer au crible de la raison. Accuser le président d’instrumentaliser la justice pour éliminer ses opposants, ça me semble aller très vite en besogne.
Dans la première version d’un rapport parlementaire publié en France récemment, un chercheur qualifie le régime de Paul Biya « d’illégitime ». Que pensez-vous de ce qualificatif ?
Sur quelle base s’est appuyé ce rapport ? Base scientifique s'entend, puisque le chercheur doit s’appuyer sur la démarche scientifique préconisée par Gaston Bachelard : observation-hypothèse-vérification-loi.
Nous disons à tout ce monde-là de venir au Cameroun et de venir constater que nous nous inscrivons en faux contre ces allégations qui, à notre avis, n’ont aucun fondement scientifique.
Au-delà de cela, les auteurs de ce rapport qualifient le Cameroun d’Etat fragile. Ils estiment notamment que la faible vie démocratique, le manque de renouvellement d’une classe politique âgée et les importants écarts de développement menacent la stabilité même du pays. J’imagine que c’est un constat que vous prenez au sérieux ?
La stabilité du Cameroun n’est pas menacée. Il est tout à fait normal que quelques illuminés veuillent porter atteinte aux institutions de la République, mais l’immense majorité du peuple camerounais est à la recherche de stabilité. Au niveau du Cameroun, nous sommes conscients de la solidité des institutions de la République.
Malgré tout, Boko Haram fait peser une menace sur votre pays. Une partie de la jeunesse, originaire de l’Extrême-Nord, a rejoint les rangs de Boko Haram. Est-ce que cela ne met pas en lumière l’échec de la classe politique camerounaise à offrir des perspectives à cette jeunesse ?
La jeunesse est responsable. La jeunesse est mûre. Elle travaille. Maintenant, qu’il y ait des jeunes qui se laissent endoctriner et choisissent le camp de l’aventure, pourquoi pas ? Mais c’est l’apanage de tous les pays du monde, y compris les grandes puissances. On a toujours affaire à une jeunesse qui est plus ou moins fascinée par les fantasmes du jihadisme ou du terrorisme et qui choisit le camp de l’aventure.
Alors, à l’Extrême-Nord, je peux vous dire que le gouvernement de la République mène des actions très importantes. Nous sommes un pays en voie de développement et on ne peut pas par une simple baguette magique révolutionner, transformer, métamorphoser le territoire national.