Actualités of Friday, 29 April 2016

Source: 237online.com

Peter Agbor Tabi: Les dessous d'une mort lente

Peter Agbor Tabi, secrétaire général-adjoint de la présidencePeter Agbor Tabi, secrétaire général-adjoint de la présidence

Le secrétaire général-adjoint de la présidence a succombé à une longue et mystérieuse maladie qui l’avait éloigné des projecteurs.

Son décès a été rendu public mardi le 26 avril 2016.

Mysticisme ou leucémie ?

Les rumeurs vont bon train sur les causes de la mort de Peter Agbor Tabi. Il a rendu l’âme dans son lit de l’hôpital militaire de Neuilly, en France, où il avait été évacué par les soins du président de la République, et pris totalement en charge par l’État du Cameroun.

A quand remonte donc son hospitalisation ? On se perdrait en conjecture, car le lointain chancelier de l’université du Cameroun était un habitué des évacuations sanitaires. La presse privée s’en était très souvent fait l’écho.

En face, la présidence de la République, l’institution qui employait le défunt, mettait un point d’honneur à maintenir l’omerta sur la santé du Pr. Agbor Tabi au point où la maladie de celui-ci passait souvent pour une rumeur non démentie. La nouvelle de sa disparition a commencé à circuler dans les salons huppés de la capitale dans la mi-journée du 26 avril.

Pas grand monde n’en fut ému, comme si l’on s’y était préparé. En effet, la condition physique de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique était l’objet de bien d’inquiétudes depuis des années. Si bien que son décès relance de plus belle la polémique sur l’origine du mal qui l’a finalement emporté.

En attendant que les langues se délient, La Météo Plus revient sur les derniers jours de ce haut commis de l’État, dont les derniers moments auront été assez douloureux.

Vendredi, 3 juillet 2015.Le chef de l’État français est annoncé au Cameroun pour une visite d’État de quelques heures. Aux environs de 16 h, les membres du gouvernement prennent position sur le tarmac de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, pour accueillir François Hollande. Ils arrivent par petits groupes. L’alors secrétaire général adjoint de la présidence, Peter Agbor Tabi, avance seul, à pas de tortue. Il semble très affaibli et donne l’impression d’avoir perdu beaucoup de kilos.

Il a le teint blême et particulièrement nonchalant dans ses gestes, ne s’exprimant que très peu. Dans la haie d’honneur, l’homme se place entre le ministre de l’Environnement et de la Protection de la nature, Hélé Pierre et l’autre secrétaire général adjoint de la présidence, Magloire Séraphin Fouda. Il ne se mêle pas aux conversations autour de lui. Jacques Fame Ndongo, le ministre de l’Enseignement supérieur, qui passe par là, le taquine au passage. Mais l’homme réagit à peine, dodeline de la tête et garde les mains croisées. Ce sera sa dernière apparition en publique.

Malaise

Cette sortie est venue rappeler à l’opinion nationale ses autres déboires. Le 25 mars 2015, lors de la célébration, à Buea, du 30eanniversaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), au terme du meeting organisé à cet effet dans la capitale régionale du Sud-ouest, l’ancien chancelier de l’université du Cameroun s’était écroulé lors de la marche de soutien au président national du parti au pouvoir. On avait alors dit que c’est parce que l’homme ne se nourrissait pas suffisamment mais passait de longues heures à travailler.

Son absence lors de la présentation des vœux des corps constitués de la nation au chef de l’État, le 8 janvier de la même année, est restée gravée dans les mémoires. Certains avaient invoqué un malaise, l’ayant rendu aveugle pendant un moment, subi avant le début de la cérémonie; d’autres des pratiques mystiques ayant conduit à une grosse fatigue. Mais lui-même, après avoir recouvré ses esprits, aurait confié à un autre ponte du régime que cet incident était arrivé parce qu’il n’avait pas pris son petit-déjeuner.

Le 1er mars 2015, Peter Agbor Tabi était également absent à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, où des personnalités de premier plan s’étaient rendues en masse pour souhaiter bon voyage au président Paul Biya et à son épouse, Chantal, en partance pour un court séjour privé en Europe. Il était aussi passé inaperçu lors de la soirée offerte par le couple présidentiel, à l’occasion de la 43e édition de la Fête nationale du 20 mai 2015.

Fusible

Peter Agbor Tabi était, au secrétariat général, devenu l’homme des missions difficiles. C’est lui, apprend-on, qu’on envoyait au feu. Et, à chaque occasion, il en revenait non sans avoir pris des coups, parfois mortels. Qu’on se souvienne par exemple de son rôle dans l’affaire Bapès Bapès, du nom de l’ancien ministre des Enseignements secondaires qui a défrayé la chronique judiciaire au Cameroun.

De même, on a encore frais dans les mémoires, la position de l’ancien chancelier de l’université de Yaoundé, à la suite de la proposition du secrétaire général du parti au pouvoir Jean Nkuété, de faire revenir l’opposant Albert Nzongang au sein du Rdpc pour contrer la (prétendue) montée en puissance de l’opposition dans le Littoral. Pour tout dire, beaucoup s’accordent à reconnaître que l’homme était le fusible du secrétariat général de la présidence.

Amorc, sorcellerie, guerre des réseaux…

Le 22 juillet 2015, celui qu’on appelait affectueusement «Peter» dans le département de la Many est évacué à l’Hôpital américain de Neuilly en France pour y subir des soins intensifs. A l’époque, ses proches parlent d’une leucémie qu’il trainerait depuis longtemps.

«Malgré sa proximité avec le chef de l’État, il était incapable de demander au président de la République de le décharger de ses fonctions pour se faire traiter. Il préférait se montrer complètement alité, devant les gens, et courir le risque de s’écrouler à tout moment», commente un de ses anciens collaborateurs du temps où il était chancelier de l’Université de Yaoundé.

Pourtant, rapporte une source introduite, Peter Agbor Tabi avait fait une étrange confidence à l’un de ses confrères universitaires qui s’inquiétait de sa santé au lendemain de la visite de François Hollande au Cameroun. «Ils m’ont eu», aurait lâché l’ancien directeur de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric). Une déclaration qui aurait eu la faveur de laisser prospérer l’hypothèse selon laquelle, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique était sous l’emprise des pratiques occultes.

En effet, avouait-on dans certains milieux anglophones, la décrépitude de son état de santé avait commencé lorsque son nom a été abondamment cité parmi les personnalités susceptibles d’être nommées soit Premier ministre, soit secrétaire général de la présidence de la République.

Un observateur averti de la scène politique rappelle ainsi : «Depuis un moment, il ne fait pas bon être pressenti Premier ministre. Vous vous souvenez sans doute encore du cas Christopher Nsahlaï, qui en début 2008 était annoncé par la presse à l’immeuble Etoile.»

Et d’ajouter : «Le lundi 14 avril 2008, il (Christopher Nsahlaï) s’était cogné le pied contre un parpaing à Bui. Un accident bénin qui pourtant lui avait coûté la vie.» Et de conclure : «Peter Agbor Tabi avait une très bonne hygiène de vie. Il ne prend pas d’alcool et ne fume pas. Ce n’est pas un coureur de jupons. Le voir toucher à ce point, surtout qu’il est chef traditionnel dans le Sud-ouest, signifie qu’il a été atteint par des forces maléfiques, très puissantes.»

Pourtant, il est d’autres personnes qui pensent que c’est du côté de l'Ancien et mystique ordre de la Rose-Croix (Amorc) qu’il faut aller chercher l’origine du décès de ‘’Peter’’. Selon ces derniers, les problèmes de Peter Agbor Tabi se sont accentués au moment où son parrain dans l’ésotérisme, le Pr Titus Edzoa, a repris sa carte du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) après 17 années de prison.

L’on avait alors prétendu que le regretté secrétaire général adjoint de la présidence de la République avait été exclu de l’Amorc. La faute à lui imputée n’a jamais été explicitée. Le même mystère entoure aujourd’hui son décès.