Après avoir réduit au silence toutes contestations intérieures contre le système Etat-Rdpc, notamment par le bâillonnement des contradictions, la dispersion violente de toute manifestation non initiée par le régime ainsi que par l'arrestation et l'emprisonnement systématiques des manifestants – en vertu de la loi antiterroriste n° 2014/028 du 23 décembre 2014 (adoptée juste un mois âpres l'insurrection populaire burkinabé ayant détrôné blaise Compaoré) traitant tout manifestant de terroriste passible de cour martiale – les seuls ennemis que semble redouter le gouvernement de Paul biya, aujourd'hui, sont les activistes de la diaspora camerounaise régnant sur les réseaux sociaux. Qui sont ces activistes dont les têtes sont mises à prix par le régime en place?
1)- La peur des réseaux sociaux.
La guerre gouvernementale contre les "réseaux sociaux" a en effet été lancée par Paul Biya dans son discours du 11 février 2015, dans lequel il demandait à la jeunesse de se méfier "des chants trompeurs des oiseaux de mauvais augure, marchands qui n’ont pour seul projet que la déstabilisation du Cameroun via les réseaux sociaux". Tous connectés que nous sommes, nul n'ignore que les activistes de la diaspora sont très présents et prolifiques dans ces réseaux. Or, au vu de la loi du 23 décembre 2014, tout activiste est clairement et directement assimilé à un terroriste.
Il n'en faut donc pas plus à ces activistes pour en déduire qu'ils sont directement visés par les autorités du pays. Ainsi, et ce au même titre que Boko Haram, la diaspora camerounaise peut, de fait et à juste titre, se considérer comme étant l'une des plus grandes menaces présentes contre le régime de Paul Biya. Mais en quoi donc, peut-on se demander, ces activistes peuvent-ils être une réelle menace contre un régime militairement assis depuis 35 ans et, de surcroît, solidement soutenu par la toute puissante France ? Serait-ce le spectre de la "révolution des jasmins" qui, on s'en souvient, eut lieu en Tunisie en 2010/11 ?
Révolution dont le feu doit très certainement sa propagation fulgurante et son amplitude à des bloggeurs et activistes tunisiens dans les réseaux sociaux… D'autre part, d’où est parti ce feu, pourrions- nous, en aval, nous demander ? Et de quels combustibles a-t-il fait usage ?
Sans mauvais clin d'œil fait au sort du martyr Mohamed Bouazizi, ce feu s'est nourri d'une combinaison mortelle constituée de pauvreté, de chômage et de répressions de toutes sortes, politiques surtout, subies par les populations. Or, cette même combinaison, ce même terreau, couvaient également en Égypte et au Burkina-Faso. Et nous savons ce qu'advint aux dirigeants de ces pays. Ainsi, pour que le pouvoir de Yaoundé soit autant focalisé sur ce qui lui semble être une menace certaine, bien que provenant d'un lointain extérieur, on pourrait croire qu'il soit quelque peu en possession d'éléments probants lui permettant de conclure à des conditions semblables régnant ici chez nous.
D'autre part, et non des moindre, depuis la déclaration faite par l'ex-président français François Hollande lors de la conférence de la francophonie en novembre 2014 à Dakar, et selon laquelle il accordera son soutien aux peuples contre les dirigeants tripatouilleurs de leur constitution avec pour fins de s'éterniser au trône, le pouvoir Rdpc vit dans la hantise de voir la France, ou toute autre puissance occidentale, revêtir l'habit de son très redouté "ennemi tapis dans l'ombre" brandi et évoqué à bouche que veux-tu, sur un ton pour le moins alarmiste, par plusieurs pontes du régime. On se souvient alors que le chef de l'État, présent à ce sommet, en était revenu tout courroucé et commanda aussitôt à son Parlement-aux-ordres, l'adoption de la même loi anti-insurrection, maquillée en loi-antiterroriste, évoquée supra.
2)-la peur de Trump et des activistes du Cct, du Code et autres…
L'épine de plus, c'est l'énigme Trump. Depuis que cet homme est devenu, contre toutes attentes, l'homme le plus puissant du monde, Paul Biya et son régime trônent au sommet de l'inquiétude. Non pas parce que Trump soit en même temps l'homme le plus imprévisible du monde, mais aussi, et surtout, parce que la Maison Blanche reste à ce jour fermée à certaines chancelleries africaines, et non des moindres. Les rejets, par Donald Trump, de leurs demandes d'audiences, déposées successivement par Denis Sassou Nguesso du Congo, Mohammed VI du Maroc et Ali Bongo du Gabon, tous porteurs de millions de dollars dans des valises particulières, sont en effet des plus révélateurs et inquiétants.
C'est dire si le chef de l'État camerounais n'éprouve pas aujourd'hui des craintes certaines à essuyer un revers identique face aux portes décidément closes de la Maison Blanche. Or, sans accès à Donald Trump ou, tout au moins à son "noyau dur", comment manœuvrer et parvenir à leur faire croire, à lui et à la nouvelle et vaste administration qui l'entoure, que les activistes camerounais ne sont que de simples "oiseaux de mauvais augure" indignes d'intérêt ? Tout porte donc à croire et à craindre qu'un fort mauvais vent risque de souffler de ce côté-là. A l'inverse, de par les multiples audiences par eux adressées aux différents départements d'État, on peut savoir que les activistes du Conseil camerounais de la transition (Cct), ainsi que les mouvements sécessionnistes anglophones, peuvent de leur côté, bénéficier certainement de l'oreille attentive de Donald Trump. Ce qui est évidemment mal vu du côté d'Etoudi et qui, bien sûr, ne peut que renforcer la position déjà très inconfortable que vit actuellement le régime de Paul Biya autour de cette question.
Donald Trump, faut-il le répéter, est cet homme imprévisible qui peut, d'un coup de tête, mettre fin à certaines dictatures, tel que cela avait été orchestré, par son pays, contre le régime de Mobutu Sese Seko, dans l'ancien Zaïre. Face à ces multiples réalités, les activistes de la diaspora en sont venus à éprouver le sentiment qu'on veuille les réduire au silence à travers des actions bien précises : infiltrer et corrompre le Cct, le Code et les mouvements des activistes anglophones pour soit les récupérer, soit les détruire définitivement. En effet, l'un des activistes du Southern Cameroon national council (Scnc), Dr Ayaba Cho Lucas, fut attaqué et blessé en janvier dernier en Belgique par un mystérieux agent camerounais, pour ne citer que ce seul cas et dont la liste exhaustive pourrait remplir toutes les colonnes de ce journal.
3)-Qui sont-ils ?
Qui sont ces activistes résidant aux États-Unis et dont les têtes semblent être mises à prix par le régime Rdpc ? Pour ce qui concerne le Cct, les noms de certains d'entre eux sont régulièrement fournis dans les vidéos publiées par le Cct via son présentateur, Patrice Nouma. Nos investigations nous ont permis de dénombrer cinq des plus emblématiques :
Patrice Nouma, Ndzana Seme, Chantale Teta, Junior Zogo, et Emmanuel Kemta.
Patrice Nouma vit dans l'État de New York. C'est un militaire camerounais qui, après avoir reçu successivement en France une formation de commando à l'école d'application de l'infanterie de Montpellier et à l'école des sous-officiers, a servi dans l'armée camerounaise et à la Dgre (services secrets camerounais). Mais il démissionna de l'armée camerounaise suite à des ordres qu'il reçut et qu'il jugea non républicains. Ces ordres, qui furent lancés à plusieurs militaires d'origine béti, étaient entre autres de se joindre aux groupes terroristes tribaux (Nkul-Nnam, Café…) pour attaquer et éliminer certaines personnalités bien ciblées.
Nouma fut ensuite un proche de Chantal Biya. A New York, il a dû se révolter face aux agissements de Martin Belinga Eboutou et de ses complices, tandis que ce dernier était alors le représentant permanent du Cameroun à l'Onu. Son père, qui vient d'être kidnappé et porté disparu pendant sept jours à Douala, a été retrouvé aphone.
Ndzana Seme vit dans l'État de Maryland. Ancien directeur de publication du Front Indépendant, il a été emprisonné deux fois à Kondengui, en 1994 et 1995, à la suite de deux procès où il fut accusé d'outrage au chef de l'État et d'incitation à la révolte. À sa sortie de prison en octobre 1995, le ministre de la justice feu Doualla Moutomé interjeta appel et il fut condamné à un an de prison et 100 millions de Fcfa d'amende. Après un exil à Lagos puis à Ouagadougou, il fut réinstallé comme réfugié politique aux États-Unis. Depuis lors, il est dans tous les combats contre le régime en place. Il perdit son fils au Connecticut le 8 juin 2005, un an jour pour jour après que Jacques Fame Ndongo et d'autres membres du gouvernement lui eurent promis des poursuites judiciaires, suite à une rumeur sur la mort de Paul Biya.
C'est pourquoi ce dernier, à son retour de Suisse, avait alors émit ce sarcasme fort à propos : « à tous ceux qui me disaient mort, je leur donne rendez-vous dans 20 ans »
Chantale Teta vit dans l'État de Maryland. Elle a toujours été membre la plus mystérieuse du groupe des dirigeants du Cct. Nos investigations révèlent qu'il s'agit de Madame veuve Chantale Tamno née Teta. Son époux, Tamno Joseph, un militant du Sdf, était un homme d'affaire de Douala, qui fut assassiné à son domicile à bout portant et à l'arme automatique, en présence de son épouse, ses enfants et ses voisins, en novembre 1993, pendant la période de la crise post-électorale de la "victoire volée" de Ni John Fru Ndi.
Son père, feu Michel Teta, décédé il y a deux ans, était un homme d'affaires originaire de Bandjoun, et homme politique soutenant financièrement le Sdf. Chantale Teta est une activiste et codirigeante du Cct, et aussi une dirigeante du Code-Usa. Elle vient récemment de perdre son petit-frère, Nikes Teta, pour raison non élucidée.
Junior Zogo vit à Paris. Cet ancien officier de police, ancien commissaire à Bamenda, démissionnaire et exilé en France, est actuellement un fonctionnaire français. Mais Junior Zogo (qui avait manifesté contre Paul Biya, en compagnie d'autres camarades du Code, à l'hôtel Meurice le 7 décembre 2013) est aussi un membre du Cct très actif dans les réseaux sociaux. Junior Zogo vient de perdre sa petite soeur, un officier de gendarmerie, des suites d'un empoisonnement.
Emmanuel Kemta vit en Belgique. C'est le grand activiste du Code qui va régulièrement manifester à l'Hôtel Intercontinental de Genève en Suisse, où réside Paul Biya huit mois sur douze, chaque année, depuis 35 ans de règne. De par leurs convictions solides qu'ils nourrissent, aucun de ces activistes ne s'imagine mettre les pieds au Cameroun sans se voir immédiatement arrêté et jeté en prison, comme le sont certains autres prisonniers ; à défaut d'être sommairement exécuté, comme semble-t-il le capitaine Guerandi Mbara Moulongo le fut, d'après Jeune Afrique.