C’est désormais chose faite. Le président de la République Paul Biya a signé le décret précisant les attributions des secrétaires généraux des collectivités territoriales décentralisées. La rédaction de CamerounWeb a consulté le document divulgué par voie de presse ce jour.
Décret précisant les attributions des Secrétaires Généraux des Collectivités Territoriales Décentralisées.#PaulBiya#Cameroun pic.twitter.com/bzOE3xTI9g
— President Paul BIYA (@PR_Paul_BIYA) September 19, 2023
La bombe est lâchée : Paul Biya a déjà son successeur
Poser le problème de la succession au Cameroun revient à établir la différence entre deux contextes poli- tiques différents : celui d'Ahidjo, monolithique, et celui de Biya, pluraliste. Ensuite, il faudrait revisiter les termes de la constitution de 1972, amendée en 1979 et celle de 1996.
Ainsi, sous l'ancien régime, le Premier ministre était de fait le successeur constitutionnel du président de la République, en cas de démission, de décès ou toutes les autres formes de défaillance. La constitution de 1996 abroge cet article et les mêmes prérogatives successorales incombent désormais au président du Sénat, lequel n'existait pas jusqu'en 2005. Ceci implique un vide juridique protégeant les mécanismes successoraux, même si cet article est implicitement compensé par le président de l'Assemblée nationale, tant que dure le hiatus du Sénat. La nouvelle constitution fait du président du Sénat un non-partant dans la succession constitutionnelle : « Le président de la République par intérim - le président du Sénat ou son suppléant - ne peut modifier la constitution, ni la composition du gouvernement. Il ne peut recourir au référendum. Il ne peut être candidat à l'élection organisée pour la présidence de la République ».
Sur les textes, Biya, en bon républicain et en parfait légaliste, a déjà son successeur et les canons existent depuis 1996. Mais le papier ne remplace pas un président.
Pour sa succession au plan humain, pratique et pragmatique, seul Biya sait. Secret d'État. Pour l'instant, il observe, scrute, lorgne, épie, espionne, afin de faire le choix judicieux et extirper le bon grain de l'ivraie. Si ses humeurs guident parfois ses choix ministériels, seront-elles assez fortes pour lui dicter un successeur ? Biya voudra choisir en toute liberté et en toute responsabilité, sans pression. S'inspirera-t-il des préceptes de Machiavel en choisissant parmi ses ministres ? Dans le paradigme des collaborateurs Machiavel l'a pourtant suffisamment averti sur le « bon ministre » :
« Comment un prince pourra-t-il juger exactement ses ministres ? Voici un moyen qui jamais n'en a défaut. Quand tu le vois penser moins à toi qu'à lui-même, rechercher en toute chose, ce qui convient le mieux à son intérêt, tu peux être certain qu'il ne sera jamais un bon serviteur, jamais un homme de confiance. Celui qui a entre ses mains la responsabilité de l'État d'un autre ne doit jamais penser à lui-même, mais toujours à son maître… ».
Biya veut-il, au-delà de son départ, un jour, rester cloîtré dans l'antichambre du pouvoir, en respect des des- seins ahidjoïstes en 1982 ?«< Biya n'est pas Ahidjo »>, répond un politologue. Il a été formé pour quêter le pou- voir, pour gouverner et pour savoir partir. Il a fait les sciences politiques et sait comme Charles de Gaulle qu'«< il faut savoir quitter les choses avant qu'elles ne vous quittent ». Il a eu plus d'expérience politique qu'Ahidjo et sait que le pouvoir ne se conserve pas à l'infini. S'il part, il quittera les choses pour toujours, même s'il peut servir comme un bon stratège politique. Il en a les capacités.
Et si Biya voulait véritablement partir, lui que l'on dit avoir si peu investi à l'étranger, et demeurer à Mvomeka'a ? Dans ce cas, il saura définitivement tourner la page. Tout le problème réside au niveau des principes successoraux, surtout que le contexte pluraliste laisse peu de chance au président de la République de choisir son dauphin de façon explicite. La voie des urnes étant l'unique gage d'alternance, c'est au sein du RDPC que peuvent tout de même s'opérer les prémices de la substitution nationale.
Que peut-il se passer dans les prochaines années ? Biya achèvera-t-il son ultime mandat, c'est-à-dire le septennat 2007 ? ou devra-t-il l'écourter ? Une fois de plus, le président a la liberté de la manière.
Le vrai problème réside dans l'activisme maquillé des dauphins. Ce n'est pas bien connaître les principes du biyaïsme, tant Biya n'aime pas les dauphins agités : comme Dieu, Biya est jaloux de son pouvoir. Et comme le créateur, il préfère les hommes aussi taciturnes que lui, des dauphins sans vacarme ni pédantisme qui auront tout appris de sa logique politique subjectiviste. L'efface- ment et l'art de la dissimulation peuvent constituer des paramètres essentiels dans la grande mutation au sein du RDPC. Biya voudra d'un fin stratège, comme lui.