Actualités of Friday, 1 September 2023

Source: www.bbc.com

Pourquoi les propos de Mahamat Deby Itno font polémique au Tchad ?

Pourquoi les propos de Mahamat Deby Itno font polémique au Tchad ? Pourquoi les propos de Mahamat Deby Itno font polémique au Tchad ?

La récente déclaration du président de la transition tchadienne, Idriss Deby, à la suite d'un accrochage avec les rebelles dans le nord du pays, a suscité une vive réaction au sein de la population et de la sphère médiatique.

Le président, entouré de hauts gradés, a adressé un message direct aux rebelles : "Si vous voulez la paix, la porte est ouverte. Mais si vous voulez la guerre, je suis ici à Kouri et je vous attends." Cette rhétorique guerrière a été critiquée par certains pour son incompatibilité avec les précédentes promesses de réconciliation et de dialogue national inclusif.

L'incident a déclenché un débat animé au Tchad. Neatobey Bidi Valentin, président du Parti panafricain pour la paix et la justice sociale, a exprimé son mécontentement envers les propos du président Deby : "Les dirigeants de la transition veulent s'imposer au pouvoir par la force. D'une bouche, on dit qu'on est pour la réconciliation, mais en même temps, on invite les autres à la guerre."

Tension médiatique

Le discours du président de la transition a également eu des répercussions sur la liberté de la presse au Tchad. Le journal tchadien en ligne Alwidah infos a été suspendu pour huit jours par la Haute autorité des médias et de l'audiovisuel, après avoir caractérisé les propos présidentiels de belliqueux.

Cette suspension a été vivement critiquée par les organisations professionnelles des médias ainsi que par des militants des droits de l'homme.

Le directeur de publication d'Alwidah infos, Djimet Wiché, a affirmé vivre dans la clandestinité après avoir échappé à une tentative d'enlèvement, ce qui a provoqué l'indignation au sein de la communauté journalistique.

Sosthène Mbernodji, journaliste écrivain et coordonnateur du Mouvement citoyen pour la préservation des libertés, a exprimé son inquiétude face à cette situation : "Toute suspension d'un organe de presse est un recul et on en est arrivé là. Le journal a sonné l'alerte et ce n'est que normal. "

Dans une déclaration commune, les organisations professionnelles des médias ont exigé l'annulation de la suspension d'Alwidah infos et ont appelé les autorités tchadiennes à respecter la liberté de la presse.

Cependant, malgré les efforts pour obtenir des commentaires du ministre de la Communication et du ministre de la Réconciliation nationale, aucune réponse n'a été obtenue.

Une collaboration Haftar-Deby pour lutter contre les rebelles ?

Le 25 août dernier, les forces armées dirigées par Khalifa Haftar ont lancé une vaste opération "militaire et sécuritaire" dans le sud de la Libye.

L'objectif annoncé est de déloger les factions de l'opposition tchadienne qui ont été à l'origine de combats violents entre les forces tchadiennes et ces groupes rebelles.

Les opérations ont débuté par des frappes aériennes près de la frontière avec le Tchad, suivies de l'envoi de parachutistes sur le terrain, selon les déclarations du bureau des médias.

Ahmad al-Mesmari, le porte-parole du maréchal Haftar, a souligné dans un communiqué que les forces armées "ne permettront plus à des factions ou groupes armés d'utiliser le territoire libyen pour lancer des offensives contre les pays voisins." Cependant, aucun détail n'a été fourni sur l'identité spécifique de ces groupes armés.

Selon Khalifa al-Obeidi, chef du bureau média des Forces armées arabes libyennes (FAAL) sous les ordres de Haftar, une série d'opérations sécuritaires est en préparation.

Ces opérations visent à expulser plus de 2 000 combattants de l'opposition tchadienne et leurs familles de logements dans la zone de Oumm al-Araneb, située au sud-ouest de la Libye.

Ces logements, qui étaient à l'origine destinés à accueillir des familles libyennes, avaient été occupés de force il y a quatre ans par des rebelles tchadiens.

Ces groupes rebelles tchadiens ont une présence durable dans le sud de la Libye et ont régulièrement mené des attaques contre les troupes tchadiennes.

Le printemps 2021 a été le théâtre d'une offensive majeure de ces factions rebelles, au cours de laquelle le président tchadien Idriss Déby Itno, père du dirigeant actuel Mahamat Idriss Déby Itno, a perdu la vie.

Qui sont les rebelles qui menacent le régime tchadien ?

Le paysage politique et sécuritaire du Tchad est marqué par la présence de groupes rebelles qui contestent le régime en place et qui opèrent à la fois dans les zones frontalières du pays et à l'étranger.

Parmi ces groupes, deux se distinguent particulièrement : le Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT) et le Conseil du commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR).

1. Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT)

Fondé en 2016 par d'anciens officiers de l'armée dissidents du régime tchadien, le FACT est l'un des groupes rebelles les plus en vue actuellement. Ils ont établi leur base dans les montagnes du Tibesti, situées entre le nord du Tchad et une partie du sud de la Libye.

Cette position stratégique leur permet de mener des opérations transfrontalières et de progresser graduellement vers la capitale N'Djamena.

Le FACT rejette le Conseil Militaire de Transition, qui a été mis en place après le décès du président tchadien Idriss Déby Itno et est dirigé par son fils, Mahamat Idriss Déby.

Le groupe a été à l'origine de combats récents entre l'armée tchadienne et ses combattants, remettant en question la stabilité de la nation.

2. Conseil du commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR)

Issu d'une scission du FACT en 2016, le CCMSR s'est rapidement affirmé comme un acteur clé dans la région.

Actif dans le sud de la Libye et le nord du Tchad, ce groupe a harcelé l'ancien président Idriss Déby pendant ses trois décennies au pouvoir. Le CCMSR est associé à des activités criminelles et des trafics divers, créant des liens entre le sud de la Libye et la région du Tibesti au Tchad, selon un rapport d'experts de l'ONU.

Ces groupes rebelles exploitent les vastes espaces et les frontières poreuses de la région sahélo-saharienne pour mener leurs opérations. Leur activité met en lumière la complexité des dynamiques régionales et la difficulté à maintenir la sécurité et la stabilité dans des zones isolées.

La situation au Niger peut-elle avoir un impact sur le Tchad ?

La situation politique et sécuritaire qui se développe au Niger suscite des préoccupations légitimes au sein de la région sahélo-saharienne, et notamment au Tchad.

Les deux nations partagent une frontière de 1175 kilomètres, une proximité géographique qui signifie que les événements dans l'un de ces pays peuvent avoir un impact significatif sur l'autre. Les récentes évolutions politiques et sécuritaires au Niger et au Tchad démontrent l'interconnexion de leurs réalités respectives.

Le Tchad, en pleine transition politique suite au décès du président Idriss Déby Itno, est déjà confronté à plusieurs défis sécuritaires majeurs, notamment la guerre à l'est avec le Soudan et l'instabilité persistante dans le nord de la Libye. Dans ce contexte, la stabilité de ses voisins devient une préoccupation centrale.

L'appartenance commune à la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) renforce l'interdépendance entre les deux nations. Le bassin du lac, qui abrite près de 50 millions de personnes, est confronté à des défis majeurs tels que la sécheresse et l'érosion, menaçant les ressources naturelles et la vie des populations.

Face à ces grands enjeux environnementaux, la coopération entre les deux pays devient essentielle pour préserver la stabilité de la région.

Dans cette optique, le président tchadien de la transition, Mahamat Déby Itno, a rapidement engagé des efforts de médiation dès les premiers jours suivant le coup d'État au Niger. Cette initiative témoigne de la volonté du Tchad de jouer un rôle constructif pour prévenir l'aggravation de la situation dans son voisinage immédiat.

Il est important de souligner que les défis auxquels sont confrontés le Niger et le Tchad ne se limitent pas à leurs frontières.

Les deux nations sont des acteurs majeurs dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent dans la région, dans le cadre notamment du G5 Sahel, avec des répercussions qui s'étendent au-delà de leurs territoires nationaux.