Le politique camerounais Alphonse Bernard AMOUGOU MBARGA commente l’actualité politique camerounaise marquée par le risque d’inéligibilité de Maurice Kamto pour la présidentielle de 2025. Le président du MRC détiendrait un plan qu’il garde encore secret.
Le mandat impératif est nul. Cette réalité de l’article 15 alinéa 3 de la constitution du Cameroun est devenue la nouvelle mantra du MRC.
Ayant boycotté les élections législatives et municipales du 09 février 2020, le MRC s’est mis dans une situation délicate pour présenter un candidat lors de la prochaine élection présidentielle conformément aux dispositions pertinentes de l’article 121 du code électoral. Et pour se convaincre de ses possibilités de validation de son candidat, le MRC s’est découvert une parade qu’il ne cesse de répéter : le mandat impératif est nul.
Les implications de cette imprécation sont très simples : le MRC a des élus. Curieusement personne ne connait ses élus. L’invisibilité des élus du MRC serait-elle comme les cardinaux in pectore du pape? Et encore Maurice Kamto n’est-il pas présenté par ses militants comme le pape du droit? Une coïncidence et des clarifications à faire pour la lisibilité du jeu politique à venir.
1- le cardinal in pectore.
Un cardinal in pectore ou in petto, est dans l’Église catholique un homme secrètement créé cardinal par le pape. Son identité n’est pas révélée publiquement et le pape garde son nom pour lui, « dans son cœur ». Le pape peut prendre cette décision, pour divers motifs ( politique, culturel, managérial, doctrinal). Cette pratique très répandue tant à disparaitre. Jean-Paul II n’en fait usage qu’une seule fois. Benoît XVI ne l’a jamais fait. François réserve cela aux vieux cardinaux ( plus de 80 ans) inéligibles
au conclave.
Ce choix ne prend juridiquement effet que lors de sa publication, notamment quand le décret de nomination est présenté lors d’un consistoire. Tant que la décision du pape n’est pas officielle, le cardinal in pectore n’a ni les privilèges ni les droits d’un membre du Collège des cardinaux.
2- les élus au Cameroun
La vie politique voudrait que des élus assument des fonctions liées à leurs mandats. Un élu est ainsi un député, un sénateur, un conseiller municipal, un conseiller régional siègeant dans l’institution pour laquelle il a été élu.
En effet, un élu tient son mandat d’une élection. Et au Cameroun, les candidats à une élection sont investis par des partis politiques. L’élection présidentielle est la seule qui reconnaît l’auto-investiture ou l’investiture personnalisée à travers les candidatures indépendantes. Il s’agit de candidatures qui ne relèvent pas des formations politiques. Par conséquent pour détenir un mandat électif en dehors de l’élection présidentielle, il faudrait avoir été présenté par un parti politique.
Au surplus, en cas d’élection partielle, seuls les partis politiques ayant participé au scrutin initial sont autorisés à compétir. Un parti politique ne peut donc obtenir un élu en dehors d’un scrutin.
L’élu qui siège dans une institution (parlement, conseil
municipal, conseil régional) porte un nom. Il est connu de ses collègues, de ses collaborateurs, des médias du grand public, des citoyens et des électeurs. À ce jour, le MRC ne saurait donner le nom d’un seul de ses élus. Le MRC ne saurait dire à quel scrutin, il a obtenu ses élus.
Alors comme, les cardinaux in pectore, les élus du MRC existent seulement dans le cœur du professeur Maurice Kamto. Comme les cardinaux in pectore, les élus du MRC ne jouissent d’aucun privilège et avantages dus à leur rang. Comme les cardinaux in pectore, ils ne seront connus que lors de l’entrée en conclave. Non pas le conclave de la chapelle Sixtine mais celui de l’examen des dossiers de candidature par le conseil électoral de ELECAM. Sauf que contrairement à un cardinal in pectore qui a accès au conclave, les élus invisibles du MRC ne sont pas autorisés à siéger au conseil électoral de ELECAM.
4- les élus du MRC : les réminiscences du boycott
En décidant de boycotter les élections législatives et municipales de février 2020, le MRC s’est littéralement mis en marge du jeu politique. Évidemment qu’il avait la possibilité d’avoir des élus. Alors pour se racheter une bonne conscience, le professeur Maurice Kamto pense certainement à ces hommes et ces femmes qui auraient pu devenir effectivement des élus. Ils sont désormais des élus dans son cœur ( in pectore).
En effet, dans certains cas, le cardinal ainsi nommé peut en être informé et contraint d’en garder le secret. Généralement, le pape préfère révéler lui-même son identité, en différé ou en laisser le soin à son successeur. Mais tant que la publication du nom de l’élu n’est pas faite en consistoire, il n’aura pas droit au conclave.
Certains citoyens se voyaient effectivement détenir un mandat si le MRC avait participé aux élections législatives et municipales de février 2020, et peut-être même des conseillers régionaux par la suite. Le MRC a ainsi des milliers d’élus qui ne sont connus que de son leader ou de personnes très proches. Il y a des députés, des sénateurs des conseillers municipaux et régionaux qui siègent et font des comptes-rendus à leurs électeurs dans le cœur du leader du MRC.
Le conclave électoral est de l’ordre des institutions républicaines et non pas du bon vouloir du MRC et de son leader. Ses élus qui n’assument aucun mandat républicain peuvent continuer à rester dans son cœur car cela n’engage que le MRC. La République est l’ordre du réel social et les règles du jeu relatives au droit électoral sont connues.
Alphonse Bernard AMOUGOU MBARGA