Dans une lettre ouverte publiée le 6 novembre 2024, l'ingénieur financier camerounais Babissakana appelle directement le président Paul Biya à renoncer à briguer un nouveau mandat lors des élections présidentielles de 2025. Il invite le chef de l'État, au pouvoir depuis 1982, à "passer la main à une autre personnalité du RDPC", soulignant qu'un tel geste serait crucial pour relancer la dynamique politique et économique du Cameroun.
Babissakana, connu pour son analyse pointue des questions économiques, n'hésite pas à qualifier de « nécessaire » ce renouvellement de leadership. « Monsieur le Président, ceux qui vous poussent à rester en 2025 vous attribuent des capacités surhumaines, mais la réalité montre que votre cycle de leadership a atteint sa limite », écrit-il. Pour lui, cette décision serait non seulement un acte de sagesse, mais un tournant décisif pour l’avenir du pays.
Dans sa lettre, Babissakana ne fait pas dans la demi-mesure. Il estime que le leadership de Paul Biya montre des signes d'essoufflement, rendant l'idée d'un nouveau septennat inefficace. « Vous avez déjà tout donné », souligne-t-il, appelant à un changement de cap pour permettre l'émergence d'un nouveau leader capable de réformer et de revitaliser le pays.
Il dresse également un bilan sévère des performances économiques du Cameroun, soulignant que le pays accuse un retard dans son industrialisation, malgré les ambitions affichées. Selon lui, avec une croissance du PIB par habitant de seulement 0,9 % en moyenne sur les 15 dernières années, le Cameroun est loin de ses objectifs de devenir un pays à revenu intermédiaire ou industrialisé d'ici 2035. Babissakana voit dans ces chiffres une illustration des limites du modèle actuel de gouvernance.
Babissakana critique particulièrement la gestion des grandes entreprises publiques camerounaises, qu’il qualifie d’exemples flagrants d’échecs industriels. Il pointe du doigt des sociétés comme la SONARA, la CICAM ou encore l’ALUCAM, toutes sous contrôle de l’État, accusant le gouvernement de favoriser un modèle étatique dépensier et protecteur des scandales financiers, plutôt que de soutenir une véritable dynamique industrielle compétitive. Cette gestion défaillante est, selon lui, un frein au développement du pays.
L’ingénieur financier met également en lumière l’aggravation des inégalités sociales, avec un cercle vicieux de pauvreté persistante. Il rappelle que « Quatre Camerounais sur dix vivent en dessous du seuil de pauvreté » et critique l'absence de réformes structurelles pour renforcer la famille, cellule de base de la société. Il déplore notamment la suppression en 2002 des mesures fiscales favorisant les familles, soulignant que cette décision a contribué à l'aggravation des disparités sociales.
Pour Babissakana, l'urgence est de repenser la vision politique et économique du Cameroun au-delà des objectifs actuels. Il appelle à une réflexion plus ambitieuse, en fixant de nouveaux objectifs à long terme, jusqu'en 2050. Selon lui, la vision 2035, promue depuis des années, est désormais un mirage, marquée par des promesses non tenues et des résultats loin des attentes.