Actualités of Wednesday, 20 September 2023

Source: www.camerounweb.com

Prise d’otage : les nouvelles ne sont pas bonnes au Cameroun, de graves révélations dehors

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Depuis 2017, la région du Grand Nord au Cameroun est le théâtre de prises d'otages incessantes et de requêtes en rançon, un fléau accentué par les crises au Tchad et en Centrafrique. Chaque année, ce phénomène engendre d'énormes préjudices chiffrés en milliards de francs CFA, selon les enquêtes approfondies de Jeune Afrique.

En 2019, après l'arrestation d'une bande de preneurs d'otages, Kildadi Taguiéké Boukar, gouverneur de la région de l'Adamaoua, a mené une enquête instructive. Il interroge un berger, présumé complice des ravisseurs, qui se confesse : « Depuis que je suis né, mon propre père ne m’a jamais donné 100 000 francs CFA [152 euros]. Mais quand ces gars [ravisseurs] sont arrivés, ils m’ont proposé 600 000 F CFA pour que je leur montre la maison du plus grand éleveur du village. Je l’ai fait. » Cette révélation poignante illustre la réalité du problème : les ravisseurs tirent profit des vulnérabilités économiques pour recruter des complices et exiger des rançons, renseigne Jeune Afrique.

Jeune Afrique rappelle que le 2 septembre dernier, dans le département du Mayo-Rey (Nord), cinq individus ont été kidnappés à nouveau par des hommes armés, qui réclament une rançon de 40 millions de F CFA [plus de 60 000 euros] pour leur libération. Cet incident récent est un exemple de la recrudescence continue de ce phénomène, qui aggrave encore davantage la région, déjà en proie au terrorisme. Depuis 2017, de nombreuses écoles ont dû fermer leurs portes, des troupeaux ont été décimés et pillés, des familles entières ont été contraintes à l'exode, et des millions d'euros ont été versés en rançons aux ravisseurs originaires de Centrafrique, du Tchad et du Nigeria, souvent avec la complicité d'élites locales.

À l'origine de ce fléau, les "Zargina" désignent ces coupeurs de route masqués, portant un turban ou des masques bleus, qui agressaient les automobilistes sur les routes. Alors que les transactions en espèces étaient progressivement remplacées par des transferts d'argent électroniques chez les éleveurs visés, les ravisseurs ont adapté leur méthode. Ils ont commencé à enlever leurs cibles lors des jours de marché, plutôt que de simplement les racketter.

Ce passage des coupeurs de routes aux preneurs d'otages est attribuable aux "innovations économiques". Les enlèvements ont débuté vers 2017, avec une augmentation marquée entre 2018 et 2019, avant de régresser en 2020. Entre 2021 et 2022, bien que le phénomène ait diminué dans l'Adamaoua, il persiste dans le Nord, en raison des crises en Centrafrique et au Tchad.

Selon certains observateurs, les rebelles repoussés par l'armée centrafricaine se sont retrouvés en difficulté dans la brousse, incapables de se ravitailler. Cela les a contraints à recourir aux enlèvements assortis de demandes de rançons. Les victimes se regroupent en trois catégories : éleveurs, chefs traditionnels et personnes aisées, bien que la manière dont des ravisseurs étrangers à la région ciblent spécifiquement des individus suscite des interrogations.

Selon le journaliste Bertrand Ayissi, relayée par JA, il existe des complicités locales, notamment de la part de certains chefs traditionnels. Selon Christian Seignobos, auteur de "Le Phénomène Zargina dans le Nord du Cameroun," ce phénomène aurait même été utilisé dans des règlements de comptes politiques, incitant certains notables à démissionner et à être remplacés par des successeurs favorables aux ravisseurs.

La réponse de l'État a été relativement tardive, mais elle s'est accélérée après un discours de Paul Biya en janvier 2019 devant la 36e promotion de l'École militaire interarmes (Emia) de Yaoundé. Le président a déclaré : « La situation […] dans la région de l’Adamaoua sollicite notre attention. Les éleveurs y sont victimes de groupes criminels spécialisés dans les enlèvements, avec demandes de rançons. J’ai donné des instructions fermes à nos forces de défense et de sécurité pour mettre un terme à ces agissements répréhensibles. »

L'État a ainsi renforcé le nombre de soldats du puissant bataillon d'intervention rapide (BIR) et établi des bases militaires dans diverses régions. Entre 2019 et 2020, de nombreuses armes de guerre ont été saisies, des otages ont été libérés, des troupeaux de bétail ont été récupérés, et d'importantes quantités de munitions ont été saisies. Cependant, des allégations d'exactions commises par certains soldats ont terni ces succès.

Pour restaurer la confiance entre les populations locales et les forces de sécurité, de nouveaux éléments militaires ont été déployés, et des comités de vigilance ont été créés pour aider à identifier les suspects. Malgré ces avancées, le phénomène de prise d'otages persiste dans le Nord, avec des conséquences économiques et humaines dévastatrices.

Entre 2015 et 2018, on estime que plus de deux milliards de F CFA ont été versés aux ravisseurs dans la région de l'Adamaoua. Cette somme aurait probablement augmenté ces dernières années, jusqu'à ce que le phénomène soit enfin endigué. Les chiffres relatifs aux régions du Nord et de l'Extrême-Nord demeurent inconnus, mais l'ampleur des dégâts économiques et humains se manifeste par les villages désertés du septentrion, témoignant de l'impact dévastateur de ces pratiques.