Voici un extrait des discours du feu premier président camerounais Amadou Ahidjo un 11 février. Bonne Lecture!
Camerounais, Camerounaises . Très chers compatriotes des villes , des villages , des campagnes et de la diaspora . C’est aux plus jeunes d’entre vous , que je m’adresse prioritairement et exclusivement, en cette veille de la fête de la jeunesse . Car , demain 11 février , c’est votre fête . L’immense majorité d’entre vous , c’est-à-dire tous ceux sont qui sont nés en 1982 ou après , moment où je quittais mes fonctions , sont dans ce cas de figure , et qui ne m’ont hélas pas connu . Ce que je déplore , grandement, croyez - moi .
J’avais voulu , que ce jour fut exclusivement consacré à notre jeunesse , c’est- à- dire , à vous qui êtes l’avenir de notre pays . Au moment de l’accession du Cameroun à l’indépendance, le 1er janvier 1960 , nous comptions un peu moins de quatre millions d’habitants , et manquions cruellement de cadres . Car , notre population était très jeune , et en dehors de quelques exceptions , accusait une grave pénurie du personnel qualifié , pour pouvoir aux besoins immédiats , auxquels il fallait s’atteler afin de parer au départ massif des cadres de l’administration coloniale française .
Aussi , avais - je , dans cette optique , imaginé et entrepris , une politique ambitieuse de la camerounaisation des cadres . Pour y parvenir , nous avons créé des universités , dont celle de Yaoundé d’abord , suivie de polytechnique en 1971, de Ngaoundéré , Dschang, et de pas mal de grandes écoles, comme l’Emia ( École Militaire inter- armes ) l’IRIC ( Institut des relations internationales) , le CUSS ( université de médecine) et bien d’autres . J’avais aussi fait mettre sur pieds , dans le domaine du sport , des grandes écoles , pour former les encadreurs de notre jeunesse . Car , j’avais bien perçu que tous les jeunes , n’avaient ni la vocation et ni les mêmes prédispositions pour ne réussir qu’à travers l’école . Certains étaient pourvus , des dons que l’État se devait d’accompagner et de contribuer à faire épanouir. C’est pourquoi , nous avons avec le ministre de la jeunesse et des sports , en collaboration et concertation avec le ministre chargé de l’éducation et de l’enseignement supérieur , mis sur pieds des tournois inter scolaires appelés OSSUC , au sein desquels a émergé la fine fleur du sport camerounais dans toutes les disciplines .
C’est également , par souci d’indépendance et d’épanouissement de notre jeunesse , qu’en 1971 , j’ai pris la décision de sortir le Cameroun du Conseil d’administration de la compagnie aérienne panafricaine Air Afrique , et de créer la notre propre , Cameroon Air Lines , dont vous avez sans doute entendu parler . Nous étions les premiers et les seuls à l’époque, à disposer d’un avion de type Boeing Combi 447 . Oui , mes chers compatriotes, pourquoi le vous cacher ? À mes yeux , rien n’était jamais trop beau , dès lors qu’il s’agissait de l’image , du prestige et du rayonnement dans le monde , de notre chère et belle patrie , le Cameroun. Cet aspect des choses , était non- négociable, et quiconque en badinait , en venait à payer le prix fort .
Ensuite , nous avons doté le pays de la CAMSHIP, la compagnie maritime , en même temps que la REGIFERCAM, la société des chemins de fer , les sociétés SODECAO et SODECOTON, pour respectivement le cacao et le coton . L’ONCPB (Office national de commercialisation des matières premières) , la Sonara pour la raffinerie du pétrole , et le SNH pour la vente et l’exportation des hydrocarbures. La SNI , pour les investissements publiques , la SNEC pour l’eau et la SONEL pour l’électricité. Pour compléter tout cela , il y aura des banques agricoles comme le FONADER , le FOGAPE, el MIDEVIV, etc...
Pour encourager l’initiative privée , chez les agriculteurs et planteurs , l’État , a encouragé en leur donnant de certaines facilités matérielles , auxquelles s’ajoutaient d’importantes exemptions d’impôts, en accompagnant la création des coopératives agricoles comme l’ UCCAO ( Union des cooperatives du cafe arabica de l’Ouest ) divisée en plusieurs sous - groupes comme CAPLAMI ( Coopérative agricole des planteurs de la Mifi ) , CAPLANOUN ( Coopérative agricole des planteurs du Noun) , et ainsi de suite . Cette politique, consistait à rendre les planteurs maîtres de la commercialisation de leur production , mais aussi leur garantissait un prix stable sur le marché intérieur , indépendamment des aléas des conjonctures internationales, en relation avec fluctuation et la baisse des cours des matières premières .
Nos jeunes diplômés , qui souhaitaient s’installer à leur compte dans des exploitations agricoles , étaient vivement encouragés à travers ces structures , où des facilités d’obtention de prêts financiers leur étaient consenties , et des équipements de production mis à leur disposition . Mon credo , consistait à dire aux camerounais : “ Avant l’or noir , le pétrole , il y avait l’or vert , l’agriculture . Et après le tarissement de l’or noir , nous aurons toujours besoin de l’or vert pour nourrir nos enfants . “ Ainsi, le paysan et l’agriculteur, avaient une la,ce spéciale au cœur de la République. L’instauration des Comice- agro- pastoraux , une fois par an , dans chaque chef lieu de province , était l’illustration de cette politique .
Non seulement , l’inscription à l’université dès le BAC, était gratuite , mais tous les étudiants bénéficiaient des bourses . Dans tous les lycées et collèges publics, l’enseignement était de très bonne qualité . Raison pour laquelle , tous mes enfants , ont fait leurs études au Cameroun , jusqu’au baccalauréat au moins . Le Cameroun , était le tout premier pays africain , à construire des logements sociaux publics , prosaïquement connus comme des cités ou camps SIC. Beaucoup d’autres chefs d’État africains , et dont le moindre n’était pas le président Félix Houphouêt- Boigny de la Côte d’Ivoire , venaient au Cameroun s’inspirer de nos projets de société . Il me revient en effet , à ce sujet une anecdote. Alors qu’il effectuait une visite d’État au Cameroun , à mon invitation, le président Félix Houphouêt Boigny, me fit part de son souhait de visiter les plantations des planteurs Bamiléké dont il avait entendu dire , qu’ils étaient des grands travailleurs de la terre . Lui- même avait avait commencé sa carrière politique dans les années 1940 , à la tête d’un puissant syndicat des planteurs ivoiriens , qui s’est ensuite mué en parti politique : le fameux RDA- PDCI, qui avait des succursales dans toute l’Afrique subsaharienne francophone .
En compagnie du ministre de l’agriculture, nous nous rendîmes dans une exploitation agricole dans la proche banlieue de Bafoussam , mais aussi dans une exploitation porcine à Kouden dans le Noun . Devant l’abnégation au travail , des paysans que nous nous firent l’amitié de nous recevoir , le président Houphouêt- Boigny lâcha : “ Un homme qui a faim , n’est pas un homme libre . “
Bien qu’étant producteur de pétrole , j’avais mis l’accent et la priorité sur l’agriculture et l’élevage. C’était le préalable à toute initiative, relatif à la politique de développement que je voulais auto- centré . Auto- suffisant pour ses besoins alimentaires , le Cameroun exportait non seulement au niveau de la sous - région , même au-delà , puisque nous alimentions largement l’Éthiopie , la Chine et l’Inde . C’est principalement en raison , de la solidité et de l’équilibre de l’état de nos finances , que nous avons pu traverser les deux chocs pétroliers, sans que les camerounais en ressentent outre- mesure , les effets néfastes . Car , gouverner c’est d’abord et avant tout prévoir .
Nous n’entretenions aucune espèce de liens , avec les institutions de Breton- Woods , banque mondiale et Fond monétaire international, et le Cameroun ne devait le moindre centime à personne , puis que tous nos projets d’infrastructures et de développement, étaient financés par nos fonds propres , notamment ceux- mis à la disposition de la SNI . L’axe lourd et la CRTV que vous connaissez , sont des projets qui remontent de cette époque , même si leur exécution a vu le jour sous mon successeur .
Très chers compatriotes , gardez espoir en vous et en votre pays , quoi qu’il advienne. Cette terre bénie des dieux , possède d’énormes potentiels . Soyez imaginatifs , combatifs , travailleurs et respectés dans le monde . Ne vous laissez pas abattre par les difficultés du moment . Elles sont , comme toute chose dans la vie , passagères .
À tous et à toutes , je dis bonne et joyeuse fête de la jeunesse . Le Cameroun de demain , dépendra essentiellement de vous , et sera donc ce que vous aurez décidé d’en faire . Mais n’oubliez jamais , que le moment venu , vous aurez tous autant que vous êtes , des comptes à rendre aux générations futures , qui vous demanderont des explications , sur la gestion qui aura été la vôtre , du patrimoine national que vous avez hérité de vos aînés .
Vive le Cameroun libre , indépendant et uni . Je vous aime pour l’éternité