Actualités of Saturday, 9 December 2023

Source: INTÉGRATION N°586

Quand les entreprises d'Etat deviennent des fabriques des crises sociales au Cameroun

Grève à Labogenie Grève à Labogenie

Au Chantier Naval, Labogenie ou encore Matgenie par exemple, les interminables grèves des employés et ex-employés rythment le quotidien.

Les remous sociaux au sein des entités à capitaux publics ne cessent d’éclater chaque jour au Cameroun. Et pris dans une spirale de laquelle il est difficile de sortir, les employés, ex-employés et retraités sont parfois obligés de briser le silence pour faire entendre leur mal-être. La dernière sortie à date est celle du 27 novembre dernier. Ce jour-là, un mouvement d’humeur agite la journée d’activité au Matgenie. Et pour cause, les retraités du parc national de matériel de génie civil viennent d’entamer un sit-in devant le siège de la direction générale de l’entreprise publique à Yaoundé. Ces anciens travailleurs réclament à l’employeur le reversement de leurs droits sociaux conformément à l’engagement pris par le top management, suite aux instructions du ministre des Travaux publics, sa tutelle.

«Je suis à ma deuxième année de retraite. Je n’ai eu aucun droit de retraite, ni l’ancien arriéré. On est là. Incapable de se soigner, de soigner nos enfants. Actuellement, l’école de ma fille me demande 12500 FCFA, je suis incapable de payer. Pourtant nous avons tout donné dans cette entreprise même quand elle était en difficulté», déplore un gréviste.

Juin de la même année, débute une énième grève des employés du Laboratoire national de génie civil (Labogenie) au quartier Ekounou. Sur les pancartes, une vingtaine de revendications gravitent autour de la qualité du management de cette entreprise, une fois de plus du secteur des BTP. Un mois plutôt, en mai 2023, employés et ex-employés du Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC) sortaient du port pour un sit-in devant le ministère des Finances à Yaoundé. Principales raisons de leur périple, le payement de plusieurs mois d’arriérés de salaires et la liquidation d’un reliquat de prime de bonne séparation décidé par le Premier ministre plusieurs années auparavant.

AUTOPSIE

Qu’est-ce qui pose problème, est-on en droit de se demander ? À l’observation, les causes de la recrudescence des grognes sociales dans ces entreprises étatiques ont une même origine. Pour l’économiste Jean Marie Biada, cette situation est un éternel problème de management au sein de ces entreprises.

«Les remous datent d’au moins dix ans, si on veut être gentil. Comme c’est une affaire de l’État, rarement au Matgenie on travaille comme dans le privé. À douala par exemple, ils sont à Ndokotti. Vous arrivez pour louer un engin, on va d’abord vous soumettre à une procédure. Si vous avez besoin d’une niveleuse, vous allez à Yassa on va vous accueillir avec des commodités et vous serrez satisfait», fait observer cet ancien directeur général d’une entreprise de BTP.

Bien plus, ajoute-t-il «l’État, à chaque fois qu’il a créé une entreprise à caractère industriel et commercial, a nommé des gens qui viennent avec des relents de fonctionnariat. C’est-à-dire si vous voulez voir le directeur général, il faut prendre une audience comme si vous venez demander le travail. Résultat, les gens travaillent comme un démembrement de l’État et non comme un agent économique opérant dans un secteur où la concurrence est rude et le client roi. Et on se retrouve à cour de liquidité»

SITUATION MACROECONOMIQUE

Au de-là des insuffisances en management, Christian Lemanga pour sa part pense que la situation macroéconomique du pays a beaucoup affecté le fonctionnent de ces entreprises.

Les multiples crises notamment sécuritaires dans plusieurs régions du pays ont éventuellement un coût. L’État doit faire face à tout cela et faire des évictions sur d’autres poches de dépenses », analyse l’économiste. Même si, ajoute-t-il, «nous savons que certaines de ces sociétés génèrent des ressources, au niveau de leurs activités qui peuvent être réinjectées dans l’entité».